Le ministre des Finances et de l’Économie, Yvonnick Raffin, a présenté ce vendredi matin aux acteurs économiques un projet de plan de modernisation de la fiscalité. Un plan « en construction » mais qui marque déjà des orientations fortes. Pas d’impôt sur le revenu, mais une « TVA sociale », une baisse des taux d’IS, quelques suppressions et simplifications d’impôt, une réforme de la fiscalité des petites entreprises et des patentes, et au plus long terme un impôt sur les successions.
Directeurs d’administrations ou d’établissements publics, représentants syndicaux ou associatifs, et surtout figures du patronat polynésien… Les « acteurs économiques » avaient répondu présent, ce vendredi au lycée hôtelier, où le Pays, et plus précisément le ministère des Finances et de l’Économie les avaient convié. C’est tout de même au président Édouard Fritch qu’est revenu le soin d’introduire la journée de séminaire, consacrée à la « modernisation et la simplification de la fiscalité », termes préférés à celui de réforme fiscale. Il faut dire que ces réformes ne manquent jamais de « fâcher », ou tout du moins « d’animer, voire d’échauffer le débat public », comme le reconnait le président. À l’entendre l’économie polynésienne serait passée d’une « économie de comptoir » à une « économie de garnison », avec le CEP puis à une « économie de transferts », « pour devenir, c’est ma volonté, une économie endogène, durable, inclusive, solidaire, créatrice de valeur pour tous ».
Seul avis unanimement partagé dans la salle : la réforme est depuis longtemps nécessaire. Elle est même devenue urgente depuis la crise sanitaire, qui a amputé d’une partie de ses recettes les finances publiques comme les finances sociales, ainsi que l’explique l’économiste Florent Venayre :
La feuille de route présentée, et basée sur l’analyse menée avec un cabinet parisien spécialisé et un « audit à 360° », court jusqu’en 2027 et sera « discutée », « peaufinée », « amendée » au cours des débats économiques et politiques comme l’explique Yvonnick Raffin. Mais certaines mesures ont vocation à s’appliquer dès 2022 et doivent donc être votées « avant la fin de l’année » : « les projets de loi sont prêts et seront présentés au gouvernement dans les semaines à venir », précise le ministre.
Mesure phare de la première vague de réforme, la « TVA sociale », évoquée depuis plusieurs mois comme une solution « d’urgence » à la crise de financement de la protection sociale généralisée. « Notre objectif premier c’est de renforcer la solidarité et cela passe par une fiscalité particulière pour sauver nos comptes sociaux », reprend Yvonnick Raffin. De « TVA », cette contribution, qui pourrait rapidement adopter une autre dénomination n’a que le nom, et l’assiette, très large. Elle engloberait l’ensemble des ventes de biens et de services, à l’exception des PPN, pour ne pas « ajouter de la pauvreté à la pauvreté », selon l’expression du ministre. En revanche, et contrairement à une TVA, elle ne devrait pas être déductible par les entreprises – c’est en tout cas le projet que le ministère des Finances compte défendre dans les prochaines semaines. Ce qui veut dire que chaque opération successive avant le consommateur final serait taxée : près de 900 milliards de francs de transactions par an, imposés à hauteur de 1%, toujours selon ce projet qui reste à débattre. « Les circuits courts seraient mécaniquement favorisés », note un représentant du ministère des Finances qui reste pour l’instant discret sur le rendement exact attendu de cette nouvelle taxe, et sur son effet, forcément non neutre, en terme d’inflation. Le ministre l’assure : cette nouvelle TVA doit permettre à terme de faire baisser les cotisations sociales pour « alléger le coût du travail », tout en assurant la pérennité du régime maladie. À condition bien sûr de mener à terme le chantier de la PSG, lui aussi attendu depuis de nombreuses années.
Non à l’impôt sur le revenu, oui à l’impôt sur les successions
S’ajoutent, toujours dès l’année prochaine, une taxe touchant « les voyageurs entrants », qui n’a pas manqué de faire sourciller le patron d’ATN, Michel Monvoisin, et une baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, qui sera, à terme, « harmonisé » à 25%. Une perte de recettes, cette fois, puisque les sociétés payent jusqu’à présent 27% d’IS sur leurs bénéfices et jusqu’à 35% pour les établissements financiers, miniers ou de crédit. Le ministère veut aussi supprimer une série d’impôts « obsolètes » rapportant peu, « simplifier les démarches » de déclarations ou d’acquittement, et réétudier les exonérations, qui amputent les droits de douanes de 20% de leurs recettes par exemple. Les petites entreprises, puis les patentes sont aussi dans le viseur de la réforme, même si les contours exacts de ces modernisations n’ont pour l’instant pas été précisés.
Le gouvernement ne fait pas feu de tout bois : hors de question, par exemple, de mettre sur la table un impôt sur le revenu, au nom des « dangers du copié-collé », et des coût de perception supposés élevés. Reste que la fiscalité polynésienne est très peu progressive, comme l’a pointé le cabinet d’audit, alors que le gouvernement promet de discours en discours, de faire participer chacun « à hauteur de ses moyens ». Il faudra pour cela regarder au plus long terme, avec l’intégration des revenus fonciers à la CST (qui doit être augmentée pour les non-salariés), ou d’ici 5 ans, la mise en place de l’imposition sur les successions et les donations.
Dans la salle les débats sont nombreux, mais tout le monde salue l’effort. « Au moins, le ministre met quelque chose de concret sur la table, reste à en débattre », commente Dimitri Pitoeff, du syndicat A Tia i Mua. D’autres, du côté du Medef notamment, appellent à ce que ce travail soit accompagné d’un effort sans précédent sur les dépenses publiques, et que les ministères du Travail, de l’Éducation (dont les ministres étaient présentes en tout début de matinée) et de la Santé participent « activement » au chantier. « On n’est pas au bout de ce travail, on en est qu’au commencement », rassure Yvonnick Raffin.
Les « recommandations » sur la table
…dès 2022
… en 2023
… en 2024
… jusqu’à 2027
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