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Fiscalité : explication de texte avec Tevaiti Pomare

©CP/Radio1

« Une fiscalité plus juste et plus équitable », pour « faire participer davantage ceux qui ont davantage de moyens et préserver ceux qui en ont moins », c’est ainsi que le ministre de l’Économie et des Finances Tevaiti Pomare décrit l’esprit qui préside au projet de loi fiscale transmis la semaine dernière à l’assemblée. Retour sur les mesures phares du projet de loi qui sera examiné mardi en commission de l’économie de l’assemblée, et présenté en plénière le 6 décembre prochain.

Pas facile de « bien placer le curseur » : « D’un côté on demande davantage d’intervention et d’action publique, ça nécessite des moyens, et de l’autre côté on demande moins de fiscalité… » soupire le ministre. Et si l’opinion publique s’inquiète, notamment à la lecture des premiers éléments sur la taxation des propriétés bâties, il affirme : « La volonté, ce n’est pas d’introduire davantage de pression fiscale et on va voir qu’aujourd’hui, il y a moins de rendement fiscal qu’avant. » Il décompte : 9 milliards de moins avec la suppression de la « TVA sociale », 1 milliard de moins avec la simplification du régime des très petites entreprises, 90 millions de moins avec le futur relèvement du seuil d’exonération des droits d’enregistrement pour les primo-acquéreurs…  « En contrepartie, on a prévu des mesures qui nous rapporteront à peu près 3 milliards de fonds, donc il n’y a aucune pression fiscale. »

La nouvelle « contribution de solidarité sur les patrimoines immobiliers », qui sera affectée au financement de la protection sociale généralisée, devrait rapporte 1,5 milliard de Fcfp, estime le gouvernement, qui a fait le choix de ne taxer que les propriétés bâties dont la valeur vénale est supérieure à 50 millions de Fcfp, et non pas les propriétés non-bâties, alors que par le passé, il avait été envisagé de le faire pour motiver les propriétaires à sortir de l’indivision en vendant, et pour réguler les prix en augmentant ainsi l’offre.

Toujours dans l’optique de limiter les prix du logement, le Pays envisage aussi de limiter les marges des agents immobiliers. Une étude va être réalisée, confirme le ministre. Plus généralement, la création d’un « observatoire des marges » est envisagée, à travers un partenariat entre la DGAE et la direction des impôts, et une application dans laquelle les commerçants inscriraient leurs prix au détail. « Lorsqu’on vient aider une activité, un produit, le Pays s’attend à ce qu’il y ait une répercussion sur le prix à la baisse pour le consommateur et que la marge des distributeurs ne soit pas excessive », dit Tevaiti Pomare. Une révision du code de la concurrence est également annoncée pour l’année prochaine.

Sevrer l’hôtellerie de son addiction à la défiscalisation? 

Autre changement notable introduit par le projet de loi du gouvernement, la baisse du taux de défiscalisation locale applicable au secteur de l’hôtellerie. Tevaiti Pomare explique que si le Pays doit aider le grand nombre de projets hôteliers qui sollicitent la défiscalisation locale (ils représenteraient l’essentiel des 145 milliards de projets reçus par le Pays), ils dépasseraient de loin la totalité de l’enveloppe budgétaire qui y est consacrée. Le taux de défiscalisation locale, qui pouvait atteindre 60% pour des créations d’hébergements touristiques dans les îles, sera désormais limité à 30%, voire 20% à Tahiti, Bora Bora et Moorea. Il ne concernera que les projets dont le montant total est inférieur à 10 milliards de Fcfp, les autres relèveront d’un autre régime, celui des grands investissements. Le gouvernement Brotherson vise ainsi les investisseurs qui auraient les moyens de réaliser leurs projets sans une forte perfusion fiscale. « L’idée, dit le ministre, c’est de pouvoir aider davantage de projets » tout en conservant un effet levier.

Ces projets bénéficient par ailleurs de la défiscalisation nationale, déclenchée par l’agrément local. Le ministre se rendra à Paris en décembre, notamment pour encourager Bercy à maintenir le niveau de soutien de la défiscalisation nationale.

Le retour de l’arbitraire dans l’agrément des dossiers ? 

Cette réforme s’accompagne d’une simplification : les porteurs de projets devront présenter un dossier unique de réponse à un appel à manifestation d’intérêt et de demande d’agrément fiscal. En contrepartie de cette simplification, les investisseurs auront un an seulement pour démarrer leur projet après avoir reçu l’agrément sur la défiscalisation, au lieu de trois ans, les obligeant à présenter un montage financier crédible dès le début des démarches, espère le gouvernement : « Ça voudrait dire que les projets qui viendraient seraient plus matures et pourraient démarrer plus rapidement. » Mais le texte prévoit également le retour du caractère discrétionnaire de la décision d’agrément : un refus n’aura plus besoin d’être motivé. Une mesure dérogatoire, qui fait craindre le retour du politique dans cette procédure, alors que le code des investissements avait été créé en 2021 ostensiblement pour rendre plus objectives les décisions d’agrément.

Exonération de taxes sur les hybrides et électriques : des doutes sur les seuils

Le gouvernement, qui veut favoriser les plus petits véhicules de ce type, avait prévu une exonération de taxes pour les véhicules de moins de 4CV fiscaux (« c’est un seuil européen et national »), provoquant des protestations du côté des concessionnaires, ce qui avait fait dire à Moetai Brotherson que le seuil pourrait être relevé. À vérifier, précise le ministre. Comprendre : les concessionnaires n’importent pas les véhicules d’entrée de gamme sur lesquels leur marge est plus faible.

En tout état de cause, « il ne faudrait pas qu’on appelle vertueux quelqu’un qui achète un gros SUV électrique détaxé, alors que le petit Polynésien qui prend du thermique ne serait pas vertueux alors qu’il contribue au travers d’une taxe, et que celui qui a les moyens ne le fait pas », dit Tevaiti Pomare.

Un petit cadeau de bienvenue à Google

La nouvelle loi fiscale prévoit aussi d’allonger de trois à cinq ans la durée d’exonération d’impôt sur les sociétés, d’impôt minimum forfaitaire, de contribution des patentes, d’impôt sur les transactions ou encore du régime simplifié des TPE, dans le domaine du numérique. Une mesure qui concernerait Google, par exemple : « Le président a annoncé que Google allait venir installer des câbles et mettre des data centers sur place et ça représenterait plus de 160 milliards d’investissements privés l’année prochaine déjà. C’est énorme. »

La malbouffe toujours pas inquiétée

Rien dans la loi fiscale ne concerne le sucre et le gras, le ministre reste vague sur cette question, délicate au regard de la puissance des acteurs du secteur alimentaire, et sur laquelle le gouvernement Fritch s’était déjà cassé les dents en 2016. Il assure avoir demandé une étude sur la possibilité d’un affichage plus dissuasif, et parle de prévention à renforcer.

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