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« Forever Young » : un premier plan d’action pour la jeunesse qui attend ses financements

Des jeunes de l'UPJ et des Francs lors des "Wei" de fin novembre. ©UPJ

Préparé depuis de longs mois par Nahema Temarii, le projet de schéma directeur de la jeunesse intitulé « Forever Young 2035 » a été présenté ce lundi au Cesec. Son plan d’action étoffé mais pas chiffré ou daté, qui résulte de larges consultations d’associations, d’administrations et de moins de 25 ans, a été globalement salué par les conseillers, dont plusieurs avaient participé à cette « coconstruction ». Mais avant de transmettre à l’assemblée cette feuille de route – la première en matière de jeunesse en Polynésie -, l’institution consultative a préféré prévenir : les financements aujourd’hui prévus pour mettre en œuvre les chantiers listés sont insuffisants.

« Forever Young ». L’expression a été entendue plusieurs fois au Cesec ce lundi, et ça n’était pas à l’occasion d’une matinée karaoké. Il s’agit là du titre – tout de suite débattu par les défenseurs du reo maohi – choisi par le gouvernement pour son projet de Schéma directeur de la jeunesse. Un document qui est étonnamment une première : jamais le Pays n’avait voté une feuille de route de sa politique pour les moins de 25 ans – une tranche d’âge aux limites plutôt élastiques dans le document – malgré plusieurs chantiers législatifs lancés sous les précédente mandature. Préparé pendant de longs mois par le ministère de Nahema Temarii, qui dit avoir organisé 42 réunions publiques ou thématiques sur le sujet dans 16 îles des 5 archipels, et consulté au total 700 personnes. Il fallait bien ça pour une catégorie qui représente aujourd’hui 100 000 Polynésiens soit toujours 35% de la population, malgré une décroissance de ce taux ces dernières années.

Beaucoup de propositions…

Constats, enjeux, objectifs stratégiques avec lesquels il serait difficile d’être en désaccord, et gouvernance, avec un triptyque comité de pilotage, observatoire et conseil polynésien de la jeunesse. Le schéma reprend les bonnes vieilles recettes dans sa structure, mais introduit, dans son plan d’action, des idées et projets importants à développer entre 2025 et 2035. On retiendra que le gouvernement veut créer des hébergements post-cure, actuellement inexistants – pour lutter contre les addictions, qu’il veut, côté alimentation, organiser un suivi systématique des mineurs en surpoids de 7 à 18 ans, ou remettre en place la prise en charge des consultations de jeunes par des diététiciens. L’importance de la prévention et de la sensibilisation est inscrite à tous les chapitres, des questions de sexualité aux questions de santé, y compris de santé mentale, avec à chaque fois l’idée de créer ou renforcer les dispositifs particuliers aux îles.

Le plan d’action parle aussi, côté logement, d’agrandir le parc de foyers de jeunes travailleurs et de développer des partenariats publics-privés pour l’accession à la propriété, d’augmenter les effectifs de la DSFE côté protection de la jeunesse, de créer davantage d’antennes du Fare Tama hau dans les archipels ou de déployer des camps familiaux pour travailler sur la parentalité. Il s’agit en outre de proposer davantage de transports interîles et intercommunes abordables ou gratuits aux jeunes, de décentraliser les formations grâce au numérique, de rénover les internats ou encore de développer le mentorat pour « les jeunes en perte de repères ». Le schéma parle d’entreprenariat, de facilités de procédures dans l’administration, d’insertion, entre autres grâce à des programmes de jobs d’été, de séjours immersifs en reo ou de « projets générationnels » pour transmettre la culture, ou encore d’un « pass jeune polynésien » pour faciliter l’accès aux transports, au logement, à la culture, au sport, et aux loisirs, avec un avantage offert à « l’engagement » citoyen.

…Mais pas de chiffrage ou de calendrier dans le plan d’actions

Plus de 80 pages de propositions donc, qui ont globalement comblé le Conseil économique, social, environnemental et culturel. Il faut dire que l’effort de « coconstruction » du document avait inclus une partie des conseillers, dont la corapporteure du rapport du Cesec, Patricia Teriiteraahaumea, qui en tant que présidente de l’UPJ a même signé l’introduction du schéma aux côtés de Moetai Brotherson et Nahema Temarii. Difficile dans ces conditions d’être en désaccord, et l’avis consultatif vient surtout insister sur l’importance des travaux qui ont été menés, sur certains de ses objectifs et sur l’inquiétude qui pèse autour d’une partie de la jeunesse – 30 à 40% des moins de 25 ans sont considérés comme en « difficulté » par les autorités.

Une critique importante a tout de même animé les discussions. Le Cesec, d’abord, a noté que les actions listées dans le schéma ne sont ni hiérarchisées, ni chiffrées, ni inscrites dans un calendrier. Le gouvernement, en commission, a assuré que l’enveloppement budgétaire de 50 millions de francs annuels était affectée à la mise en œuvre et qu’elle « devrait être portée à 100 millions de francs dans le courant de l’année 2025 », sans qu’on sache exactement ce que recouvre cette somme. « Pour nous, et vu les enjeux, ça reste insuffisant », pointe Patricia Teriiteraahaumea, qui dit tout de même ne pas être inquiète de la « volonté d’action » du gouvernement. Il faudra aussi, pour chacune des actions listées dans le schéma, la volonté de l’assemblée de la financer.

Statut du bénévole, un débat à mener

Les plus de deux heures de débats sur ce texte se sont aussi cristallisées autour de la question du bénévolat. Le projet de schéma directeur propose de réformer le statut du bénévole pour gagner en formation, en protection sociale, et en « attractivité » et parle au passage d’un service civique volontaire « par et pour les jeunes ». L’avis du Cesec va dans le même sens, soulignant le « rôle essentiel du bénévolat pour le monde associatif » et encourageant le gouvernement à lancer une « grande réflexion sur le sujet ». Une réflexion sur un statut qui a déjà ses opposants : quand Lucie Tiffenat rappelle que le bénévolat est déjà utilisé de façon « abusive » par certaines structures et collectivités, Christophe Plée estime que « trop de texte tue le texte » et risque de tuer « l’engagement » et la « passion » dans les activités bénévoles.