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Forum des îles du Pacifique à Nouméa : « Nous sommes là pour comprendre »

Si au fil de leurs rencontres, la mission d’information du Forum des îles du Pacifique a constaté « des positions politiques extrêmement différentes », ses membres se sont montrés optimistes pour l’avenir du pays en ce troisième et dernier jour de visite sur le Caillou où se sont encore enchaînées de nombreuses rencontres. Les précisions de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.

C’est essentiellement « pour aider notre pays frère » que les membres de la mission d’observation et d’information du Forum des îles du Pacifique ont été missionnés sur le Caillou où ils achèvent leur troisième et dernière journée de rencontres ce mardi.

En la personne du Premier ministre des Fidji, la délégation a tenu un discours d’introduction face aux autorités religieuses et à la presse pour ouvrir cette nouvelle journée marathon. « Nous sommes là pour appréhender et pour comprendre. Nous avons entendu des positions politiques extrêmement différentes hier (lundi), a notamment confié Sitiveni Rabuka. Nous espérons qu’il sera possible de trouver une solution pour le peuple et le gouvernement. »

Un rapport présenté au prochain sommet du FIP

Pour rappel l’objectif de ce déplacement doit notamment permettre aux Calédoniens de partager leur expérience et leur vision des émeutes auprès de cette instance. Le FIP regroupe 18 États indépendants et territoires associés d’Océanie. Au terme de leur visite, les membres de la mission rédigeront un rapport sur la situation du Caillou. Les conclusions et les propositions contenues dans ce document seront présentées au prochain sommet du Forum des îles du Pacifique, prévu en août 2025, aux Salomon.

Après avoir rencontré les représentants des principales institutions, dont le Congrès, le gouvernement, la province Sud et celle des Îles ou encore le Sénat coutumier et les différents groupes politiques, dimanche et lundi, les membres de la délégation ont poursuivi leurs entretiens, ce mardi.

La mission a ainsi reçu à la Communauté du Pacifique Sud le monde de l’enseignement, puis le comité « Parole, mémoire, vérité et réconciliation » ainsi que des « représentantes » des femmes, sans oublier une délégation de maires avant de terminer leur séjour par une visite du lycée Pétro-Attiti à Rivière-Salée, pour se rendre compte, une nouvelle fois, de l’ampleur des dégâts occasionnés par les émeutes.

Faut-il « océaniser » davantage encore les programmes ?

Le vice-recteur Didier Vin-Datiche et la membre du gouvernement Isabelle Champmoreau ont notamment rencontré les membres de la délégation.

Si les représentants de l’enseignement ont été conviés par la délégation du FIP, c’est « parce que rien n’est plus important que l’école pour la société et pour sa reconstruction aujourd’hui », lance d’emblée le vice-recteur Didier Vin-Datiche, qui se veut rassurant : « Aujourd’hui, les taux de présence de nos élèves dans les établissements se sont considérablement redressés, notamment en collège où tout fonctionne normalement. Pour les lycées, dans quelques filières professionnelles, notamment en CAP, nous avons encore un petit gap. Nous arrivons à la fin de l’année et donc il importe d’être présent dans les établissements pour avoir ses notes et passer les examens. Nous avons perdu entre trois et dix semaines de cours, selon le contexte dans lequel l’établissement se trouvait. Mais le mode de contrôle continu fait qu’on interroge les élèves sur les parties du programme qu’ils ont traitées, ce qui limite l’ampleur des difficultés. »

Au-delà de dresser un point de situation, cette rencontre a tenté de répondre à une question « au cœur » des discussions : « Pour quelles raisons s’en est-on pris à l’école, alors que le modèle scolaire calédonien, jusqu’à une date assez récente, était présenté comme un modèle et qu’il avait permis à de nombreux élèves de toutes les communautés d’acquérir des diplômes ? »

Parmi les « pistes d’amélioration » avancées, figure une adaptation régionale des programmes plus poussée. « On cite par exemple la possibilité de renforcer la coloration océanienne de nos enseignements, qui existe déjà, mais de façon à aider nos élèves à mieux comprendre leur territoire et les territoires qui l’entourent, ce qui leur permet ensuite d’avoir des opportunités de formation, voire d’insertion professionnelle plus grande, estime le vice-recteur. On est au début de la réflexion, de la refondation, si nécessaire, du modèle. Pour l’histoire par exemple, qui est déjà contextualisée, n’y a-t-il pas déjà des espaces et des temps qui permettent à nos élèves d’évoquer les événements les plus récents, les questions vives, avec un peu de savoir-faire didactiques que les enseignants savent traiter ? Pour les langues, il faut voir dans quelle mesure peut-être revoir la carte des langues. L’anglais a de l’importance, les langues locales aussi, donc il faut essayer de trouver un équilibre et cela demande un gros travail d’exploration qu’on ne pourrait pas faire en quelques jours, ni en quelques semaines. »

 

« La réponse des ministres a été de garder espoir »

Sur le plan plus politique, la mission a rencontré, ce mardi les maires du Grand Nouméa ainsi que les présidents de l’Association des maires et l’Association française des maires de Nouvelle-Calédonie. Ils se sont entretenus pendant près d’une heure avec les membres de la mission.

« Nous sommes souvent les oubliés donc c’était intéressant de leur faire part de notre point de vue, de ce qui s’était passé dans nos communes, notamment dans les communes de l’agglomération puisque c’est là qu’il y a eu le plus de dégâts, explique le premier magistrat du Mont-Dore, Eddie Lecourieux. La réponse des Premiers ministres présents a été de garder espoir et de nous transmettre tous les encouragements pour la suite, sachant que plusieurs fois ils ont participé à des missions de dialogue et de réconciliation. Ils ont cité des exemples où cette mission a favorisé la reprise des discussions et la paix. »

Au cours de leurs échanges, la mission a livré à ces maires leur première analyse des exactions : « On le savait déjà, mais ce qui a retenu mon attention, c’est qu’au troisième jour de leurs rencontres, ces membres remarquent que ces violences ne sont pas un problème d’affrontement entre une population blanche contre une population noire, poursuit Eddie Lecourieux. C’est un problème pour eux qui est plus fin, qui est plus politique, mais pour lequel ils n’ont pas défini toutes leurs données. »

 

« La société civile doit reprendre son rôle de contre-pouvoir »

Des représentantes d’associations et de collectifs de femmes ont été reçues en fin de matinée à la CPS. C’est pour être « le porte-parole de toutes les femmes ignorées de tout processus politique et de tout le système mis en place depuis plus de 40 ans » que Sonia Togna a participé à la rencontre avec la mission d’information et d’observation.

Et la présidente de l’Union des femmes francophones d’Océanie (Uffo) n’y va pas par quatre chemins : « Nous, les femmes exclues, on va tout faire pour être entendues à tous les niveaux et on compte sur cet entretien pour que les leaders du Pacifique demandent à la Nouvelle-Calédonie de répondre aux objectifs du programme « Pacifique blue », qui a un projet social beaucoup plus harmonieux et qui amène nos populations vers une société beaucoup plus juste, martèle Sonia Togna. Ici, on a basé notre bien-être sur le développement économique, mais ça n’est plus suffisant. Les gens ne se reconnaissent plus dans tout ce système, y compris celui de l’éducation. On essaie de faire rentrer une société océanienne dans un cadre qui n’est pas conçu pour nous. Quand est-ce qu’on sera entendus dans nos pays ? Quand ? »

Pour Sonia Togna, il est un peu trop facile de faire appel aux représentantes des femmes, une fois que les exactions ont ravagé le pays. « Aujourd’hui, la paix vient d’être mise à mal. Allez, on va chercher les femmes, mais à quel moment on nous a entendus ? En 2018, dans le contexte politique et dans le processus de décolonisation dans lequel la Nouvelle-Calédonie s’est engagée, nous avons demandé que les femmes soient intégrées à tous les niveaux de décision, notamment en matière de traitement des violences et d’accession des femmes au monde économique. On les a ignorées. Par contre, quand le feu est là, il faut aller chercher les femmes parce que c’est la base des valeurs océaniennes. »

La représentante de l’Uffo en profite pour lancer un appel aux Calédonien(e) s :  » La société civile doit reprendre aussi son rôle de contre-pouvoir. On a malheureusement développé le concept de la bonne gouvernance en incluant la société civile dans toutes les décisions. Résultat, il n’y a plus de contre-pouvoir car tout le monde est d’accord. Et finalement, l’action concrète auprès du changement pour les populations n’arrive pas. »

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