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Fraude fiscale : la fin des « moyens limités » de la justice ?

Le gouvernement a formulé un vœu pour faire adopter par l’État une loi d’homologation, permettant de faire appliquer au fenua les peines d’emprisonnement prévues depuis 2021 pour fraude fiscale. Le parquet compte « des dizaines de dossier de ce type » qui échappent parfois à la justice pénale. 

En 2021, le Pays a adopté une loi relative à la création du délit de fraude fiscale en Polynésie française. Le texte intégrait ainsi au Code des impôts un arsenal de sanctions pénales pour quiconque tenterait de se soustraire à ses obligations fiscales.

Des faits passibles « indépendamment des sanctions fiscales applicables, d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 59 millions de francs CFP, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction ». L’article 520 du Code des impôts précise par ailleurs que les peines peuvent même aller jusqu’à « 7 ans d’emprisonnement et 357 millions de francs », si les faits sont commis en bande organisée, ou « réalisés ou facilités » par divers moyens, tels que l’usage de fausse identité ou d’une fausse domiciliation fiscale.

Pour autant, « nous avons des moyens qui sont actuellement limités », souligne la procureur de la République Solène Belaouar, de retour à son poste en ce début d’année après une longue période d’indisponibilité.
Car si certaines dispositions de la loi sont entrées en vigueur dès sa promulgation au JOPF en 2021, ce n’est pas le cas des peines d’emprisonnement prévues. Comme le stipule la loi organique, elles ne peuvent être applicables qu’à l’entrée en vigueur d’une loi d’homologation votée par le Parlement.

Au fenua, le gouvernement  a formulé un vœu en ce sens lors du Conseil des ministres du 9 janvier. Ce qui n’avait jamais été fait jusque-là. Si cette loi est adoptée, la justice en Polynésie sera à même d’envoyer les délinquants fiscaux derrière les barreaux. « Nous sommes favorables à ce qu’il puisse y avoir des peines de prison qui s’appliquent pour la fraude fiscale, ça permettra d’avoir une répression plus efficace comme cela peut se pratiquer en métropole », salue la procureur. Ce qui commencera par des placements en garde à vue, inapplicables en l’état.

Des dossiers pour fraude fiscale, il y a en a eu au fenua depuis 2021, « ça se compte en dizaines » répond la magistrate. Pas tant parce que l’administration joue le jeu du signalement –« il n’y en a pas beaucoup «  – mais plutôt grâce « à d’autres enquêtes ». « On va découvrir ce type de fait suite à un accident du travail par exemple, ou après un litige dans le cadre d’une vente. On peut aussi avoir des dénonciations de particuliers ou d’entreprises ».

Mais en l’absence d’homologation des peines prévues par le Code des impôts, les fraudeurs échappent aux sanctions pénales. Les amendes prévues ne sont pas non plus appliquées. Dans certains cas, le parquet parvient à dénicher « d’autres infractions punies de prison, comme l’escroquerie, le travail dissimulé, l’abus de confiance ou l’abus de biens sociaux ».

Dans d’autres cas, les mis en cause n’écopent que d’un redressement : « si on ne trouve pas d’autres infractions, on peut se retrouver limités. Donc cette homologation va vraiment accroitre la répression, c’est certain ».

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