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Fuites d’hydrocarbures du « Corsaire » : le Port autonome dans le flou

Bran Quinquis, responsable environnemental du Port autonome, devant l’emplacement de l’échouement du Corsaire. ©CP/Radio1

L’épave du Corsaire gît toujours au fond du port, six mois après avoir coulé, et près d’un mois après une importante fuite d’hydrocarbures. La FAPE a adressé un courrier au Port autonome, se réservant « le droit de poursuivre une action en justice ». Le port, lui, pointe l’irresponsabilité des armateurs, dont l’identité n’est pas officiellement établie. Si l’épave est surveillée, assure le port, les travaux de démantèlement ne pourront pas débuter avant plusieurs mois. En attendant, le risque d’atteinte à l’environnement et à la santé publique reste présent.

Dans un courrier daté du 12 avril, adressé à la direction du Port autonome, la Fédération des associations de protection de l’environnement (Fape) s’interroge sur l’épave du Corsaire, ce navire qui pourrissait à quai depuis 2005, qui a coulé le 9 octobre 2022 et qui, le mois dernier, a provoqué des fuites d’hydrocarbures qui avaient conduit à l’évacuation temporaire du Fare Tama Hau voisin.

La Fape fait état de « 70 fûts estampillés Castrol remplis d’hydrocarbures usagés (…) des produits hautement polluants, reprotoxiques, cancérogènes et mutagènes » qui auraient été évacués du navire en toute discrétion peu après l’incident du mois de mars, soit 6 mois après l’échouement. La procédure usuelle pour le traitement de ce type de déchets est de les confier à la TSP qui les réexporte pour traitement.

Ces fûts d’huile moteur usagée, hautement toxique pour l’homme et l’environnement, auraient été extraits de l’épave du Corsaire après la fuite d’hydrocarbures du 15 mars dernier. La photo a été prise le 29 mars. Deux jours après, ils avaient été évacués du site. 

Les propriétaires aux abonnés absents

Le Port autonome, toujours réticent à s’exprimer, a finalement envoyé au feu son responsable environnemental, Bran Quinquis. Celui-ci explique que le Port autonome a mis en demeure les armateurs présumés de retirer l’épave et de signaler les sources de pollution potentielle. Une mise en demeure qui est restée lettre morte.  Eugène Degage prétend avoir vendu le navire en 2018 à Francky Wong, mais il n’y a pas de trace officielle de la transaction. C’est donc au Port autonome de se substituer au propriétaire qui devra ensuite régler la facture : une affaire qui devra sans aucun doute être tranchée par les tribunaux puisque personne n’assume la responsabilité de cette épave et de ce qu’elle contient.

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Ce ne serait pas la première fois qu’un navire qui présente un risque juridique fait l’objet d’une vente fantôme. Mais le Port autonome se dit également incapable à ce stade de dire précisément ce que contient l’épave, qui est pratiquement à la verticale, sa proue étant à 37 mètres de profondeur et sa poupe à 9 mètres. « L’épave n’est pas du tout stabilisée, on ne peut pas faire rentrer de plongeurs à l’intérieur. On a des photos qui montrent peut-être une dizaine de barils à l’intérieur, et le réservoir, mais on ne sait pas s’il était vide ou s’il était plein. On a retiré tout ce qu’on pouvait retirer, des extincteurs, des sièges, des radeaux de survie, des cartons…» Le reste du contenu du navire devra attendre le découpage de la coque. Quant aux fûts photographiés le 29 mars au matin sur le site d’une entreprise de travaux sous-marins juste à côté du quai utilisé par la société Aremiti, et qui depuis ont été soit évacués, soit mis hors de vue dans des containers, pour le Port autonome rien ne dit qu’ils ont été extraits de l’épave.

Une qualité des eaux « en-dessous des normes de rejet »

Après la fuite du 15 mars, admet le Port autonome, il reste des « petites » fuites d’hydrocarbures mais trois séries d’analyses montreraient une qualité des eaux « en-dessous des normes de rejet », assure le responsable. Des barrages anti-pollution sont maintenus autour du périmètre de l’échouement. Le Port autonome ne veut pas être taxé de laxisme alors que les premiers délinquants sont les armateurs, dit le responsable. « Ce bateau, il semblerait qu’il ait servi de débarras », dit Bran Quinquis.

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« Maintenant on se retrouve avec un vrai problème sur les bras, et on aurait aimé être un peu mieux accompagnés par le propriétaire », dit Bran Quinquis, qui dit aussi qu’il « n’est pas persuadé » que le Corsaire ait été à jour de ses droits d’amarrage.C’est passer un peu vite sur la responsabilité juridique du Port autonome, qui selon la convention internationale Marpol dont la Polynésie est signataire, a un devoir de surveillance et de signalement. La position du port est que tant qu’aucun danger imminent n’est mis en évidence, les navires restent des propriétés privées sur lesquelles il ne peut pas intervenir.  Certes, mais lorsque le Corsaire s’est mis à gîter avant de finir par couler cinq jours plus tard, le danger imminent semblait assez évident.

Le risque n’est toujours pas écarté

Les travaux sous-marins ne pourront pas commencer avant « la fin de l’année » : l’épave, en coulant, s’est posée sur le câble optique qui assure la surveillance du port, et sur les chaînes de fixation du ponton flottant. Il est prévu de refaire de nouveaux câbles avant d’intervenir sur le Corsaire. Il faudra vider puis découper sous l’eau cette épave de 840 tonnes en 20 morceaux, et il faut 5 mois pour rassembler le matériel nécessaire à ces travaux. En attendant, il n’est donc pas exclu que d’autres fuites se produisent. La Fape, qui pose dans son courrier des questions auxquelles le Port se dit dans l’incapacité d’apporter des réponses à ce stade, « se réserve le droit de poursuivre une action en justice. »

Un inventaire des épaves en cours au Port autonome

Le Corsaire n’est pas le seul bateau au fond du port, comme le rappelle dans son courrier la Fape qui demande combien d’épaves le Port abrite. Le Taporo VII, près d’un an après son naufrage, attend toujours un éventuel renflouement : l’armateur et l’assureur ne seraient pas d’accord sur la viabilité du navire. Dans le cas du Taporo, selon le responsable environnement du Port autonome, les opérations de dépollution se sont déroulées dans de bonnes conditions. Mais « maintenant il nous prend une place à quai, et on est au chausse-pied au Port, donc il va falloir rapidement trouver une solution. »

Un inventaire de épaves et des bateaux qui sont en train de le devenir est en cours, assure Bran Quinquis sans donner de chiffre : « Les propriétaires vont être très prochainement mis en demeure de les retirer, et s’ils font la sourde oreille on fera le nécessaire et ils seront refacturés. J’encourage vraiment tout le monde à s’occuper de leurs bateaux qui ont été abandonnés. »

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Courrier FAPE – Corsaire