Banjul (Gambie) (AFP) – Le président gambien élu Adama Barrow devait prêter serment jeudi après-midi à l’ambassade de Gambie à Dakar, le sortant Yahya Jammeh refusant toujours de quitter le pouvoir malgré la menace soutenue d’une intervention militaire internationale.
La cérémonie d’investiture « aura lieu à l’ambassade gambienne à Dakar à 16H00 » (locales et GMT), a déclaré à l’AFP le porte-parole de M. Barrow, Halifa Sallah.
Cette annonce a été confirmée à Dakar par son service de presse dans un communiqué transmis à l’AFP. La cérémonie sera diffusée sur « deux écrans géants (…) installés devant l’ambassade » aux locaux trop exigus pour accueillir une assistance importante, selon la même source.
Elle sera retransmise sur la chaîne publique sénégalaise RTS, qui mettra son signal à disposition d’autres télévisions et radios, selon le texte.
L’entourage de M. Barrow, accueilli depuis le 15 janvier au Sénégal en attendant sa prise de fonctions, prévoyait initialement une cérémonie dans un stade de Banjul, la capitale gambienne.
Une idée abandonnée face à l’opposition de M. Jammeh, qui a en outre décrété mardi l’état d’urgence, validé pour 90 jours par l’Assemblée nationale dominée par son parti.
Parallèlement, le Conseil de sécurité de l’ONU devait voter jeudi à 18H00 GMT sur un projet de résolution présenté par le Sénégal pour soutenir une éventuelle intervention militaire des pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
Ce projet de résolution appelle le Conseil de sécurité à « apporter tout son soutien à la Cédéao dans son engagement à assurer le respect de la volonté du peuple » et presse M. Jammeh de « mener un processus de transition pacifique et ordonné et de transmettre le pouvoir au président élu Barrow le 19 janvier ».
Des troupes de plusieurs pays de la Cédéao – dont le Sénégal, unique voisin terrestre de la Gambie, et le Nigeria, poids lourd régional – se tenaient prêtes à intervenir à partir du Sénégal, a indiqué jeudi à l’AFP une source militaire sénégalaise.
Le Ghana a de son côté donné jeudi son accord pour déployer, en cas de besoin, 205 militaires en Gambie.
– Un émissaire guinéen à Banjul –
Peu avant la prestation de serment d’Adama Barrow à Dakar, rien n’indiquait que Yahya Jammeh allait céder son fauteuil à son successeur élu, dont il conteste la victoire au scrutin présidentiel du 1er décembre après l’avoir dans un premier temps reconnue.
Malgré les pressions internationales et abandonné au fil des jours par sa vice-présidente et plusieurs de ses ministres et la vice-présidente, Yahya Jammeh, au pouvoir depuis 1994, s’obstine à demeurer en place tant que la justice n’aura pas statué sur ses recours électoraux déposés depuis décembre.
A Banjul, peu d’habitants se hasardaient dans les rues où, selon des témoins, patrouillaient de nombreux militaires, sans que leur allégeance à l’un ou l’autre camp apparaisse clairement.
Tard mercredi soir, le chef de l’armée gambienne, le général Ousman Badjie, a déclaré à des Occidentaux dans un secteur touristique près de Banjul qu’il n’ordonnerait pas à ses hommes de résister en cas d’intervention des troupes africaines.
Ceci est une dispute politique », a-t-il dit, ajoutant: « Je ne vais pas impliquer mes soldats dans un combat stupide ».
Mercredi, le président mauritanien Mohamed Abdel Aziz a fait une irruption surprise dans le dossier gambien avec une « proposition » de sortie de crise, dont les détails n’ont pas été révélés mais qui, selon un diplomate mauritanien, mûrit depuis décembre.
Il s’est rendu à Banjul, où il a rencontré « en tête à tête » Yahya Jammeh puis Ousainou Darboe, chef historique de l’opposition à M. Jammeh. Puis il a gagné Dakar, où il s’est entretenu avec le président sénégalais Macky Sall et Adama Barrow, avant de retourner en Mauritanie, pays non membre de la Cédéao.
Le président mauritanien « est moins pessimiste à l’issue de ses contacts à Banjul et à Dakar », il « va continuer jeudi » ses échanges, a indiqué à l’AFP à Nouakchott une source officielle proche du dossier. « Il a réussi pour le moment à obtenir un apaisement au plan militaire », a-t-elle dit, sans autre détail.
A Conakry, une source proche de la famille de la Première dame gambienne Zineb, de père guinéen, a aussi fait état à l’AFP de la présence d’un émissaire dépêché à Banjul par le président guinéen Alpha Condé pour aider à « trouver une solution ». Il s’agit de l’ex-ministre Tibou Camara, beau-frère de Mme Jammeh. La durée de sa mission n’était pas déterminée.
Le risque de troubles a poussé des milliers de personnes – Gambiens, résidents étrangers comme touristes – à quitter le pays depuis plusieurs jours.
© AFP/Archives SEYLLOU
Adama Barrow, président élu de Gambie, lors d’une interview à Banjul le 12 décembre 2016.