Alors que Tahoera’a est resté très discret ces derniers mois, Gaston Flosse est revenu à la charge, ce matin, attaquant le gouvernement sur le « fiasco » de sa gestion de crise et reprochant à son président son manque de clarté sur l’avenir institutionnel. Pour le Vieux Lion, à la tête d’un parti fracturé, il s’agit de promouvoir son idée « d’État associé » et de tenter, encore une fois, de se remettre sur le devant la scène politique.
Le Tahoera’a est toujours là. C’était un peu le message de Gaston Flosse, qui a tenu une longue conférence de presse ce matin, au siège du parti orange, rue Cardella. Un parti peu audible ces derniers mois, que ce soit à l’assemblée ou devant les caméras. Expliquant avoir souffert du Covid en octobre, l’ancien président de 89 ans – qui « compte bien » se faire vacciner d’ici quelques semaines – s’est présenté « en pleine forme ». « Le vieux est toujours là », sourit-il, entamant une tournée des sujets d’actualité. À commencer bien sûr par la gestion de la crise sanitaire. Un « fiasco », attaque-t-il, reprochant au Pays, pêle-mêle, son manque de transparence, de compétence, et surtout son manque de répondant face à l’État. Décrivant une présidence qui se limite à « traduire » et à « appliquer les mesures » décidée par le Haussariat, Gaston Flosse insiste : « Nous manquons d’un patron dans ce pays ».
Côté propositions, l’ancien « patron » reste toutefois dans le flou. Regrettant que le Pays n’ait pas suivi la stratégie de la Nouvelle-Calédonie – « ils sont plus intelligents que nous » – il s’oppose toutefois à une fermeture des frontières, exigeant seulement un test « massif » de la population et s’interrogeant, sans le résoudre, sur le problème des livraisons de vaccins « insuffisantes ». Dans le même temps, le leader orange dénonce les conséquences économiques des restrictions actuelles et estime que le Pays pourrait en demander davantage à l’État, qui a pourtant lui-même marqué la limite de son intervention. À l’entendre, la Nouvelle-Calédonie aurait accédé à un fonds de solidarité national qui lui permet de « prendre en charge 84% du salaire net des salariés en rupture d’activité ». Une déclaration hasardeuse : le fonds de solidarité aux entreprises s’applique bien au fenua au terme d’une convention État-Pays. Et si un dispositif « spécial Covid-19 » a bien été ajouté au chômage partiel déjà existant en Nouvelle-Calédonie (qui dispose d’une caisse spécialisée), ce dispositif est financé par la fiscalité locale, et par un prêt d’environ 28 milliards de francs à l’État, le même montant qu’en Polynésie.
Édouard et Oscar, « même combat »
Mais plus que la gestion quotidienne, c’est pour le temps long et l’avenir institutionnel que Gaston Flosse semble se mobiliser. Longtemps champion de l’autonomie, le chef de file du Tahoera’a a entamé, l’année dernière, un tournant, en promouvant l’idée d’une Polynésie devenue « État associé à la France ». Une stratégie qui semblait d’abord se tourner vers l’électorat indépendantiste, mais que l’élu présente aujourd’hui, au contraire, comme la seule façon « d’éviter une rupture avec la France ». « Notre statut a évolué plusieurs fois et c’est la suite logique », clame-t-il. Plus de main tendue au Tavini, comme c’était le cas avant les municipales : « en opposition à la France », l’indépendance d’Oscar Temaru « qui préfère aller discuter à New York qu’à Paris » et qui promeut une « rupture avec la France », est « vouée à l’échec ».
Gaston Flosse revendique sa « clarté » sur le sujet et reproche au contraire à Édouard Fritch ses « incohérences ». Pour preuve, une réunion du SPC du 2 février dernier, durant laquelle Oscar Temaru avait tenté de convaincre les maires de soutenir sa démarche à l’ONU. « Un échec », là aussi, juge son vieux rival, qui s’attarde davantage sur le discours d’Édouard Fritch. Comme l’avait rapporté Tahiti Infos, le président du Pays, qui encourageait le tavana de Faa’a à adhérer au SPC, s’y montre très conciliant avec le combat du leader indépendantiste, avec qui il dit échanger régulièrement. « Il l’appelle notre metua, il dit que l’indépendance est inévitable, qu’est ce que ça veut dire ? s’interroge son prédécesseur à la présidence et la mairie de Pirae. Ma lecture, c’est que pour Édouard Fritch, le choix est clair, c’est l’indépendance ».
L’octogénaire ne mâche pas ses mots à l’égard de son ancien dauphin : Édouard Fritch est, à ses yeux, un « homme sans conviction, sans vision pour l’avenir du Pays, un incompétent, indigne de confiance ». « Bon, je suis un peu sévère », lâche-t-il. Mais l’objectif est fixé : après 9 ans de présidence Fritch, « dont on ne sait pas ce qu’on va retenir », « il faut qu’il y ait un changement ».
« Le problème Iriti » irrite
Une charge qui cache d’autre tensions au sein même de la famille Tahoera’a. Entouré de Tauhiti Nena, de Sylviane Terooatea et de Vaitea Le Gayic tout juste revenue de A here ia Porinetia, Gaston Flosse ne cache pas son manque d’emprise sur les huit élus du groupe orange, qu’il qualifie lui-même « d’absent » à l’assemblée. « Ça n’est pas que je manque d’influence, c’est qu’ils veulent leur autonomie », lâche-t-il. Pas question pour autant « d’aller me disputer avec eux, on attend paisiblement le renouvellement de l’assemblée ». Jamais nommée en une heure de conférence, la présidente du groupe Teura Iriti « pose problème » elle aussi. Il faut dire que la tavana d’Arue, dont l’élection a été annulée par la justice, a pris ses distances avec le Vieux lion, et ne compte pas sur le parti pour les élections à venir. « Je lui ai proposé mes services, mais elle ne veut pas du Tahoera’a Huiraatira à Arue, explique-t-il. Elle a dit ‘je prends mon envol’, c’est l’oiseau qui quitte son nid, qui quitte sa famille… Où est-elle exactement aujourd’hui ? Je ne sais pas ».
Une fracture qui pose la question de l’avenir du Tahoera’a. Dès le mois de juillet, son président avait annoncé un changement de nom qui devait correspondre à la nouvelle orientation « souverainiste » du parti. Sept mois plus tard, le Amuitahira’a no te nuna’a ma’ohi – ou rassemblement du peuple ma’ohi – est toujours dans les cartons. « À cause des restrictions Covid » assure Gaston Flosse qui, pour des raisons purement démocratiques, ne veut pas avancer sans convoquer un Congrès. « Et quand le Tahoera’a convoque un Congrès, on est au moins 10 000 personnes ». Rendez-vous est pris, donc, « dès que possible », après la levée des interdictions de rassemblement.