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Géros vs. l’État : le coup de com’ contre Moetai Brotherson

La résolution invitant l’État à discuter décolonisation sous l’égide de l’ONU, et la délibération pour autoriser le président de l’assemblée à attaquer la France en justice en cas de refus ont été adoptées grâce aux voix du Tavini, en l’absence de Moetai Brotherson qui a préféré partir inaugurer les illuminations de la présidence. De l’aveu même d’Anthony Géros, la délibération est non conforme au statut, mais le Tavini pourra ainsi toquer directement à la porte des instances internationales en disant avoir épuisé les possibilités nationales de recours. Sans grand espoir sinon celui d’alimenter un récit victimaire à destination de son électorat. Et de marquer le fossé qui se creuse entre l’exécutif et l’assemblée.

« Que faire ? a plaidé Anthony Géros en parlant de la position de l’État. On veut leur parler en direct, ils ne veulent pas, on va à l’ONU ils ne veulent pas non plus, qu’est-ce qui nous reste ? » Les deux textes qu’il portait pour relancer le dialogue de décolonisation que le Tavini réclame à la France dans le cadre des Nations-Unies ont été adoptés à la toute fin de la dernière séance de la session budgétaire, jeudi soir, sans grand espoir d’aboutir à autre chose que de toujours se draper, devant l’électorat Tavini et ses soutiens internationaux, dans sa dignité outragée.

Pendant que les interventions s’enchaînaient au mépris des temps de parole impartis, Moetai Brotherson, lui, quittait rapidement l’hémicycle pour rejoindre la présidence où il était attendu pour appuyer sur le bouton des illuminations de Noël. Il n’est pas reparu.

Non à la consultation populaire

L’opposition, qui avait déposé une demande de modification à la résolution pour faire précéder le processus par une consultation populaire, savait qu’elle était vouée à l’échec – le Tavini estime qu’il a été mandaté en avril 2023 pour faire advenir l’indépendance – mais les autonomistes saisissaient ainsi l’occasion de rappeler que c’est la prime majoritaire qui a porté au pouvoir un camp minoritaire en voix. Pour Anthony Géros, de toute façon, le statut ne prévoit pas la possibilité d’une consultation populaire sur la base d’une résolution.

« Forcer la main » à Moetai Brotherson

Quant à la possibilité pour le président de l’assemblée de traîner l’État devant la justice nationale puis devant les instances internationales, personne n’y a cru, à commencer par Moetai Brotherson, relate Nicole Sanquer qui siégeait en commission des institutions la semaine dernière  :« Moetai Brotherson a tué le débat en soulevant le problème de compétence et en prévenant que la délibération allait être déférée (devant le Conseil Constitutionnel par le Haut-commissaire, ndr) parce que la compétence d’ester en justice pour ce genre de question, c’est Moetai Brotherson qui l’a. Et Tony Géros a avoué en commission que c’était juste pour lui forcer la main que ce texte avait été fait. »

« Je pense surtout que c’est un moyen de montrer à leurs électeurs qu’ils n’ont pas abandonné, malgré la gestion autonomiste qu’ils ont du Pays », conclut la présidente de AHIP. 

« Règlement de comptes »

Même analyse d’Édouard Fritch : « On assiste tout simplement à un règlement de comptes entre le président de l’assemblée et le président du gouvernement. (…) On sent très bien qu’ils veulent mettre M. Brotherson en difficulté. »

Le président de l’assemblée lui-même manquait de conviction. Il s’attend à un coup de règle constitutionnelle sur les doigts de la part du Haut-commissaire qui pourra déclarer la délibération non conforme, voire l’expédier à Paris pour laisser le Conseil constitutionnel trancher : « Je pense que tout simplement nous sommes dans une compétence qui n’est pas la nôtre, il va me dire que c’est au président du Pays à le faire et il va rejeter », admet Anthony Géros. qui allume le deuxième étage de sa fusée : dans l’impossibilité de porter de demander aux tribunaux nationaux la collaboration de la France au processus onusien, il pourra alors, dit-il, la présenter devant la justice internationale: « Ah ben ça va aller plus vite. »

Avec, comme presque toujours en matière de justice internationale, un résultat incertain et non contraignant pour l’État. Bref, c’est une pièce de théâtre qui a clôturé la session budgétaire hier à Tarahoi. Si déclaration de guerre il y a eu, elle n’a pas dépassé les frontières du centre-ville.

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