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Grèce: la participation du FMI compromise par une dette « explosive »

Washington (AFP) – Réclamée notamment par l’Allemagne, la participation du FMI au plan d’aide européen à la Grèce est compromise par un rapport confidentiel de l’institution jugeant la dette du pays « explosive » et l’allégement promis par l’Eurozone peu « crédible ».

« La dette grecque est totalement intenable. Même avec une application pleine et entière des réformes approuvées dans le cadre du programme (d’aide, NDLR), la dette publique et les besoins de financement vont devenir explosifs sur le long terme », écrit le Fonds monétaire international dans ce rapport obtenu vendredi par l’AFP.

Sans mesures d’allègement, la dette grecque devrait ainsi atteindre le vertigineux ratio de 275% du produit intérieur brut en 2060, contre 180% actuellement, indique ce document qui doit être discuté par les Etats membres du FMI le 6 février.

Ce sombre diagnostic a une traduction concrète: à l’heure actuelle, le FMI –qui a participé aux deux précédents renflouements de la Grèce en 2010 et 2012– n’est pas en situation de contribuer financièrement au plan de 86 milliards d’euros accordé à l’été 2015 par la zone euro.

Selon ses règles internes, le Fonds ne peut ainsi accorder un prêt à un Etat que s’il juge sa dette soutenable. Une exception concoctée en 2010 pour aider la Grèce a été supprimée en 2016 sous la pression notamment des Etats-Unis.

– Casse-tête –

Le casse-tête sur la Grèce n’est donc pas prêt d’être résolu: Allemagne en tête, plusieurs pays européens ont fait de la participation du FMI une condition sine qua non au renflouement d’Athènes.

Jeudi, les principaux dirigeants de la zone euro avaient d’ailleurs semblé par avance balayer toute réserve du FMI, en prenant pour acquis sa participation financière.

« Le FMI va faire ce à quoi il s’est engagé », avait ainsi affirmé le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble.

Dans ce rapport qui doit guider la décision de ses Etats membres, le FMI ne tranche pas la question mais appelle l’Eurozone à en faire beaucoup plus pour ramener la dette grecque dans les clous.

« La Grèce a besoin d’un important allègement de dette de ses partenaires européens pour garantir la viabilité de la dette », indique le Fonds, répétant le message qu’elle martèle depuis plusieurs mois. 

Sous la pression allemande, la zone euro rechigne toutefois à un nouveau geste en faveur de la Grèce et a reporté toute mesure d’allègement à la fin du programme actuel en 2018.

« Pour apporter plus de crédibilité à la stratégie de la dette pour la Grèce, plus de détails seront nécessaires sur la nature et l’ampleur de l’allègement de la dette », assure toutefois le rapport qui liste une série de recommandations précises.

Le FMI appelle ainsi notamment à prolonger la période de grâce sur les remboursements jusqu’en 2040 et à étendre la maturité des prêts jusqu’en 2070, bien-au delà de ce qui avait été envisagé jusque-là par l’Eurozone.

– Risques –

Ces remèdes pourraient toutefois être politiquement explosifs, notamment en Allemagne qui tient ses élections générales à l’automne. Quand un tel gel des remboursements avait été évoqué début 2016, M. Schäuble avait ironisé: « On pourrait accorder une période de grâce de 1.000 ans ».

Interrogé par l’AFP, le commissaire européen à l’Economie Pierre Moscovici a assuré être « confiant » dans la démarche adoptée par les Européens et assuré que le travail « pour réduire encore la dette grecque » se poursuivait.

Le rapport recèle également un autre point de divergence: les Européens tablent sur un excédent budgétaire primaire (hors charge de la dette) de 3,5% du PIB, que le FMI juge peu réaliste. Son rapport table d’ailleurs sur un excédent de seulement 3,0% en 2019.

Et une hypothèque majeure pèse sur les finances grecques, prévient le FMI. Si Athènes n’applique pas les réformes demandées par ses créanciers, la viabilité de la dette ne sera « pas garantie » même avec des mesures d’allègement drastiques.

Ce risque n’est pas anodin: les relations entre le gouvernement grec et ses bailleurs de fonds restent marquées par de nombreux épisodes de tension. Mi-décembre, la zone euro était provisoirement revenue sur son engagement de réduire la dette après la décision d’Athènes d’accorder une aide financière à certains retraités.

« Les autorités doivent approfondir et accélérer la mise en oeuvre des réformes », assène le rapport du FMI.

Le ministre grec des Finances Euclid Tsakalotos (g) et le commissaire européen à l'Economie Pierre Moscovici, le 27 janvier 2017 à Bruxelles. © AFP

© AFP EMMANUEL DUNAND
Le ministre grec des Finances Euclid Tsakalotos (g) et le commissaire européen à l’Economie Pierre Moscovici, le 27 janvier 2017 à Bruxelles

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