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Grève d’ADT : les compagnies « pas tenues » de loger ou de rembourser


Plus de 2 100 passagers ont été privés de vols vers ou depuis Raiatea, Bora Bora et Rangiroa ce lundi. Près de 1 500 de plus devraient s’y ajouter mardi puisque la grève d’ADT, très suivie chez les pompiers d’aéroport de ces trois îles, se poursuit après une journée sans négociations officielles avec les grévistes. Face aux coups de gueule des passagers, Air Tahiti et Air Moana expliquent n’être que des « victimes collatérales » du conflit. Et rappellent que les compagnies, si elles peuvent « faciliter » les choses, n’ont aucunement l’obligation de dédommager, de rembourser ou de payer un logement aux passagers bloqués.

[Mise à jour 19h00 : la grève se poursuit ce mardi]

Dix-neuf vols annulés pour Air Tahiti dans la journée, dix du côté d’Air Moana. La grève déclenchée à ADT par la CSTP-FO, la CSIP, O Oe to Oe Rima et Otahi a fortement perturbé le trafic aérien ce lundi. Les vols internationaux ont certes atterri et décollé à l’heure dans la matinée. Et devraient continuer à être assuré ce lundi soir et les jours suivant, l’aéroport de Tahiti-Faa’a étant moins touché que les plateformes de Raiatea, Bora Bora et Rangiroa, elles aussi gérées par ADT, et où la quasi-totalité des pompiers d’aéroports ont arrêté le travail.

Certes, les rotations vers les autres îles du fenua ont pu être assurées sans problème, par Air Tahiti en tout cas, à quelques modifications d’horaire près. Mais c’est tout de même plus de 2 100 passagers qui ont été privés de vol sur la journée en comptant ceux d’Air Moana. Parmi eux, une grosse moitié de résidents polynésiens, qui revenaient pour certains de week-end ou de vacances dans les archipels, et se retrouvent donc bloqués loin de chez eux. Ou des îliens qui avaient à faire à Tahiti et se retrouve cloués au sol. Les autres, des visiteurs extérieurs, principalement des métropolitains et des Américains, font face, en plus des problèmes de logement, au risque de rater une connexion internationale à Tahiti – Faa’a… Ou de passer complètement à côté de leurs vacances pour les séjours les plus courts.

Modification sans frais, mais pas de remboursement ni de prise en charge du logement

Qui pour prendre en charge tous ces passagers ? Pour les dédommager ? A priori personne. Les compagnies locales, l’affirment : toutes les équipes « sont sur le terrain » pour « répondre », « assister au mieux » les clients, les « conseiller » ou les « accompagner »… mais pas plus. Air Moana comme Air Tahiti rappellent être « victimes », plutôt qu’acteurs, du conflit social en cours. « Souvent on fait l’amalgame, on pense que le transporteur est responsable jusqu’au bout malgré les cas de force majeure, comme c’est le cas actuellement, explique Édouard Wong Fat, le directeur général d’Air Tahiti. Mais dans ces cas de force majeure, on subit l’évènement, on fait partie des dommages collatéraux de ce mouvement social, au même titre que nos visiteurs qui ne peuvent pas aller dans les îles ou nos résidents des îles qui ne peuvent pas se déplacer ».

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Force majeure, la grève d’ADT ? Élément « extérieur » à la compagnie en tout cas. Et les conditions de vente d’Air Tahiti et Air Moana excluent bien expressément une prise en charge des frais induits par l’annulation du vol dans ce genre de cas. Pas de réservation gratuite d’un logement, comme cela se pratique dans l’aérien international, en cas de problème technique par exemple. Pas de compensation financière, même si certains passagers pourraient être bloqués plusieurs jours sur une île où ils ne résident pas. Pas de remboursement automatique, non plus, si le client abandonne son voyage.

Le transport est seulement tenu d’amener ses clients à bon port… dès que ce sera possible. « On peut faciliter les choses, et on le fait, que ce soit pour les touristes ou les résidents », précise-t-on chez Air Moana. Les deux compagnies ont ainsi supprimé certains frais de modification de vols, pour ceux qui avaient prévu un déplacement ce mardi et qui ont la possibilité de reporter. Mais les annulations de billet avec remboursement ne seront autorisées que si le tarif choisi le permet. Du côté de l’association de consommateurs Te Tia Ara, on le confirme : dans le transport aérien domestique c’est le contrat, et donc les conditions de vente, qui font loi.

Passagers « à la rue » ou dans l’incompréhension

Certains touristes pourront tout de même se tourner vers leur tour-operateur, globalement chargé du bon déroulement du séjour. Ou vers une assurance voyage. Les locaux, eux, n’ont que peu de voies de recours : se retourner contre ADT parait difficile dans le cadre d’une grève du personnel. Tous partagent le même constant : le manque d’information sur la situation. Comme cette entrepreneuse de Tahiti en vacances à Rangiroa avec son mari et ses quatre enfants, qui a entendu parler de la grève dimanche soir « par hasard » sur Facebook. « On est allé à la pêche aux infos, et la page d’Air Moana disait que, peut-être, les avions seraient annulés aujourd’hui. Mais on n’a eu aucun message ni mail de leur part », décrit-elle. Son inquiétude porte surtout sur la suite : le Airbnb loué ces derniers jours, « on l’a rendu ce matin, à 10 heures, donc on est à la rue », le budget vacances est déjà dépensé, et l’activité de patentés du couple « ne peut pas tourner ». « On rate des commandes, on perd pas mal d’argent », pointe la mère de famille, qui a du mal à ne pas s’agacer des « caprices » des salariés d’ADT. Quant aux demandes formelles d’assistance au transporteur, Air Moana les oriente vers le service clientèle… qui promet une réponse sous 48 heures.

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D’autres coups de gueule du côté de Tahiti-Faa’a ou des passagers – d’Air Tahiti cette fois – s’étonnent qu’un « service minimum » ne soit pas imposé par les autorités. Ou que des solutions alternatives – des rotations spéciales de navettes pour les Raromatai par exemple – n’aient pas tout de suite été étudiées.

Sans discussions directes, la grève continue

Chez Air Tahiti, on dit avoir déjà eu des discussions sur ce sujet, mais le problème est toujours le même : le manque de visibilité. « C’est un conflit dont on n’a pas les clés », martèle Édouard Wong Fat qui ne peut que « constater » les conséquences de la grève, et « espérer » une issue rapide. Le directeur général voulait aussi prévenir en milieu de journée. Ce mardi, « on a un petit peu plus de 1 000 passagers concernés de nouveau dont à peu près 55% de visiteurs et 45% de résidents, donc assez vite des volumes importants de passagers dont il faut s’occuper, qu’il faut loger sur Tahiti, qu’il faut loger dans les îles, donc un sujet qui va être assez vite un sujet très compliqué à gérer ».

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À ce millier de passager s’ajoute environ 500 personnes que devait transporter Air Moana, qui ne peut maintenir, dans la journée de mardi, que sa rotation vers les Marquises.

Du côté d’ADT, on confirme « qu’aucune rencontre » n’a eu lieu avec les chefs de file de la CSTP-FO, de la CSIP, de O oe to oe rima ou de Otahi, et ce « malgré plusieurs invitations ». Comme dimanche, les deux parties se rejettent la faute : « il n’y a pas eu de rencontre parce qu’ils n’ont rien à nous proposer », assure un syndicaliste. La seule réunion officielle sur le sujet a eu lieu à la présidence, entre des représentants du Pays et le directeur d’ADT Gwenaël Ronsin-Hardy, qui ne souhaite pas commenter le contenu des échanges. En tant qu’actionnaire à 49% de la société de gestion aéroportuaire, le Pays a son mot à dire sur une partie des revendications des grévistes (revalorisation salariale, embauches, gestion RH, formation…). Mais la discussion a surtout porté sur un des nœuds du conflit : l’appel à candidature lancé par le Pays pour trouver un nouveau délégataire de service public pour la gestion des aéroports de Rangiroa, Bora Bora et Raiatea et les conditions de reprises des salariés de ces plateforme. Un sujet sur lequel les responsables d’ADT expliquait dimanche avoir déjà obtenu des « garanties » de la part du Pays, qui n’ont visiblement pas été convaincus les syndicats.