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Guerre des télécoms : la justice rejette le recours à 5 milliards de Vodafone

Patrick Moux à bord du Vaearai ce matin. ©C.R. / Radio1


Pacific Mobile Telecom, la maison mère de Vodafone Polynésie, exigeait d’Onati une réparation de 5 milliards de francs pour des offres anticoncurrentielles proposées jusqu’en 2018. Le tribunal de commerce, relevant que la filiale de l’OPT qui gère le réseau Vini avait corrigé ses pratiques après échanges avec l’Autorité de la concurrence, a rejeté la demande. Vodafone, qui peut encore faire appel, menait une contre-attaque médiatique ce matin, en détaillant ses offres de Noël et en rappelant les autres procédures en cours.

C’était un des épisodes attendus de la guerre des opérateurs, sur le terrain de la justice. Après le tribunal administratif et avant le Conseil d’État, qui devrait être amené à s’exprimer sur la légalité de la DSP accordée par l’OPT à sa filiale télécom Onati, c’est devant le tribunal de commerce que Pacific Mobile Telecom avait attaqué son concurrent public. L’opérateur du réseau Vodafone en Polynésie dénonçait des offres développées par Vini dans le cadre de son programme de fidélité jusqu’en 2018. Des offres qui avaient attiré l’attention de l’Autorité de la concurrence, qui avait demandé à la filiale télécom de l’OPT de rectifier sa politique commerciale. C’est sur la base de cet échange que Vodafone demandait une réparation : 5 milliards de francs de dommage-intérêts pour le préjudice subi pendant plusieurs années du fait de ces « pratiques anti-concurrentielles ».

Sauf que, justement, Onati avait corrigé le tir rapidement une fois saisi par l’APC, qui n’avait pas formellement condamné l’opérateur public dans ce dossier. Aucune raison d’indemniser, a donc estimé le tribunal mixte de commerce, pour qui ce type d’affaire, fréquente en métropole, est plutôt une nouveauté. Les juges professionnels et consulaires ont rejeté l’ensemble des demandes de Vodafone, qui est au passage condamné aux frais irrépétibles. Dans un communiqué, Vini s’est félicité d’une « victoire » et promet d’étudier « dans le détail » cette décision.

Le « double abonnement » pour la fibre toujours dans le viseur

Nul doute qu’elle sera aussi décortiquée du côté de Vodafone, où on se réserve le droit de faire appel. Mais la contre-offensive se fera avant tout sur le terrain commercial pour le réseau du groupe Moux. Ce matin, au moment où la décision était annoncée, tout l’état-major de l’opérateur privé était réuni à bord du Vaearai, un autre symbole d’un « acteur qui fait tout pour faire entrer la concurrence sur son marché », pour une des opérations de communication dont Vodafone a le secret. Au micro et en live sur les réseaux sociaux, Patrick Moux a ainsi présenté les nouvelles offres « spéciales Noël » de l’opérateur, dévoilé une série de jeux-concours, fait diffuser des témoignages de clients ravis de la qualité du service, et répondu à certaines publicités de Vini… Aucun mot sur la décision du tribunal de commerce, tombée quelques minutes avant la conférence de presse. Mais le vice-président de Pacific Mobile Telecom a rappelé que d’autres procédures étaient en cours.

Il y a d’abord celle qui a été lancée devant la justice administrative à propos de la délégation de service public d’Onati. Mais le dirigeant communique surtout la procédure qui a été lancée en début d’année auprès de l’Autorité polynésienne de la concurrence, justement. Elle vise l’obligation faite par Onati aux clients des offres fibre optique, de lui payer, quel que soit leur opérateur internet, une ligne téléphonique fixe. 3 565 francs par mois « qui ne sont justifiés par rien », appuient les cadres de Vodafone qui y voient de la « vente liée » et donc un « abus de position dominante » : « la fibre optique ne nécessite pas de réseau téléphonique en cuivre, on facture deux fois les Polynésiens pour un seul service » répètent-ils. Une pétition lancée par Te Tia Ara avait déjà amassé près de 6 000 signatures sur le sujet en 2022, Vodafone aimerait la relancer. Et s’attend surtout à des décisions rapides du côté de l’APC, « qui a fait de ce sujet une priorité ». « D’ici là peut-être que l’OPT entendra raison et arrêtera de faire payer inutilement les Polynésiens, appuie Patrick Moux, mais ça ne peut être que leur décision ».

La portabilité ? « Trop cher »

Le dirigeant de Vodafone est moins incisif sur la question de la portabilité du numéro, un combat qu’il avait pourtant lui-même porté dans les premières années du concurrent privé à l’OPT. Impossible, en Polynésie de changer d’opérateur en conservant ses 8 chiffres, il faut a minima changer l’indicatif en 87, 88 ou 89. La portabilité, un droit garanti depuis 20 ans en Europe, est pourtant prévue dans la loi polynésienne depuis 2013. Mais le gouvernement, peut-être pour préserver l’OPT, n’a jamais fait appliquer ce texte. Un dossier sur lequel ça n’est pas Vodafone mais Viti qui tente désormais de faire changer les choses, et qui a obtenu gain de cause devant le tribunal administratif en septembre. Le gouvernement semble s’être fait à l’idée et des réunions techniques ont eu lieu avec les opérateurs, dont Vodafone.

Mais la filiale du groupe Moux est désormais opposée à l’idée de mettre en place une portabilité. Il faut dire que le concurrent numéro 1 de Vini a investi « lourdement » pour imposer son 89 dans le paysage des télécoms polynésiens et qu’il n’a aujourd’hui plus d’intérêt de permettre à Viti, petit poucet du marché, d’y pénétrer plus facilement. « Changer les règles en cours de route ça n’est pas très fair-play », tente Patrick Moux, qui explique aujourd’hui aux autorités que la mise en place technique de la portabilité a « un coût qui sera supporté par les abonnés ». Un coût pas encore évalué. Qu’importe : « on a prouvé que sans portabilité on pouvait évoluer, reprend le dirigeant. Le vrai problème qu’on a rencontré ce sont tous les coups bas que l’OPT a pu nous faire ».

Le gouvernement devrait tout de même avancer sur ce dossier : le tribunal administratif lui a ordonné de prendre les dispositions nécessaires à la mise en place de la portabilité avant le 1er janvier. Après quoi il s’expose au paiement d’une astreinte de 200 000 francs par jour de retard.

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