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Hausse de taxe sur le sucre : « l’emploi local est un peu lésé dans cette loi »

Les sodas, glaces et autres produits sucrés, déjà soumis à une taxe de prévention, la TCP, se verront appliquer, dès 2025, un taux de TVA à 16% contre 5% aujourd’hui. « Surpris » par la forme mais pas choqués sur le fond, les fabricants locaux se disent prêt à « accompagner » le gouvernement dans ses projets, mais demandent une « correction » de la loi pour tenir compte du « différentiel d’emploi entre l’importation et le local ». Bruno Bellanger, coprésident du Sipof et directeur général délégué de la Brasserie de Tahiti, tient aussi à ce que les recettes dégagées, 2,3 milliards par an en plus des 1,8 de la TCP, soient bien utilisées pour la prévention et l’éducation à l’alimentation.

Nos articles sur la réforme fiscale 2025 : 

[Mise à jour 16h45 : réponse du président de la CTC – lire plus loin]

Radio1 : Jeudi dernier à l’Assemblée, lors d’un débat sur l’obésité, le ministre de l’Économie et des Finances Warren Dexter, a annoncé une des mesures fiscales phares du débat budgétaire à venir : une hausse de TVA de 5 à 16% sur les produits déjà concernés par la TCP (Taxe de consommation pour la prévention, dite aussi « Taxe sur le sucre »). Ça concerne des produits importés, mais ça concerne surtout beaucoup de produits locaux. En tant que coprésident du Sipof (Syndicat des industriels de Polynésie française) et donc représentant des fabricants polynésiens, qu’avez vous avez pensé de cette annonce ?

Bruno Bellanger : L’annonce nous a un peu surpris. Mathématiquement, elle n’est pas illogique puisque d’un côté, on applique une taxation particulière sur ces produits – c’est donc que le gouvernement considère que ce sont des produits un peu « négatifs » – et de l’autre côté, on leur appliquait un taux de TVA incitatif. Il y avait un croisé fiscal, il va être modifié, mais c’était tout de même un peu une surprise. La TCP aujourd’hui, c’est 1,8 milliard de francs de recettes. Ce que le gouvernement attend là, de l’augmentation de la TVA, d’après mes chiffres, c’est 2,3 milliards, donc c’est plus que la TCP. Et surtout, c’est 800 millions de recette pour la partie importée et 1,5 milliards de francs pour pour la partie production. Ça veut dire que c’est le local va porter les deux tiers de cette augmentation, alors que la production locale cotise déjà davantage à la PSG au travers de ses salariés… On aimerait quand même que le gouvernement et le ministre Warren Dexter intègrent un peu dans leurs plans la problématique du différentiel d’emploi entre l’importation et le local. L’emploi local est un peu lésé dans cette loi et on aimerait bien que ça soit corrigé.

Ça veut dire que vous demandez des aménagements fiscaux spécifiques à la production locale ?

Ça veut dire qu’on pourrait essayer d’étudier des systèmes, comme il en existe déjà, qui permettent à la production locale au moins de conserver ses parts de marché, même si les volumes vont baisser du fait de l’augmentation des prix.

Les onze points de TVA en plus vont être directement répercuté sur le prix en magasin ? 

C’est aussi simple que ça.

Vous vous êtes entretenus, avec les autres responsables du Sipof, avec le ministre des Finances Warren Dexter ce mardi. Quelle a été sa réception à cette demande « d’adaptation » de la loi ?

Warren Dexter est quelqu’un qui connaît très bien le secteur de l’industrie. Il est sensible à ces arguments. On va se revoir, on va discuter. Le triangle, c’est limiter l’inflation, créer de l’emploi et faire des recettes budgétaires. Ce n’est pas évident de se positionner dans les trois. Et on l’accompagnera dans cette tâche.

On imagine tout de même quand on a entendu le ministre dire à l’Assemblée, devant les élus, qu’il fallait taxer « ces saloperies » et que ça n’était pas un souci s’il y avait l’inflation sur ces produits, ça a dû rester en travers la gorge de certains industriels…

On connaît le tempérament et la fougue de Warren Dexter, mais c’est quelqu’un avec qui on peut discuter. Ça nous a étonné, c’est tout.

Aujourd’hui, on ne l’a pas précisé, mais la TCP concerne exclusivement des produits sucrés. Il y a des jus de fruit, des sodas, des glaces, des biscuits… Le gouvernement envisage aujourd’hui d’étendre cette liste à d’autres types de produits pas vertueux pour la santé… 

Vous savez, en 2018 (date d’une première réforme et d’une première extension de la liste de produits soumis à la TCP, ndr) c’était simple, c’était la brasserie de Tahiti qui payait 95% de la TCP. C’était vraiment une société qui était visée, un type de produits qui était visé… Et à l’époque, le sucre était PPN, c’est-à-dire que le sucre en matière première était un ‘bon produit’, dès qu’il était dans du coca, c’était un mauvais produit. On n’est plus sur ces systèmes-là aujourd’hui, mais c’est vrai qu’on trouve toujours un peu injuste que seulement les produits sucrés soient visés, alors que les produits gras, les produits salés ne le sont pas. C’est apparemment dans les tuyaux du ministre de la Santé Cédric Mercadal et du ministre de l’Économie et des Finances d’élargir l’assiette de la TCP.

Warren Dexter a annoncé qu’une première extension de la liste pourrait être faite d’ici la fin de l’année, avant l’entrée en application de la hausse de TVA…

Nous, ce qu’on aimerait, c’est simplement que tout le monde soit traité à la même enseigne, c’est-à-dire sucré, salé, et qu’il y ait aussi une vraie politique de prévention, que le budget de la TCP, qui devait à l’époque partir dans la prévention, ne parte pas dans des actions qui n’ont rien à voir. Il y a un travail à faire dans les familles et nous, on l’accompagnera. Bien sûr, on a des gammes d’eau, on a des gammes de jus, on a des gammes de thé sans sucre ajouté. On est là pour créer de l’emploi, on est là pour faire de la pour faire de la valeur ajoutée, mais on est aussi là pour accompagner les politiques sociales et santé, bien sûr.

Si les Polynésiens consomment moins de produits sucrés, comme le souhaitent les autorités de santé, est-ce que les industriels polynésiens ont d’autres relais, d’autres produits, qui leur permettront de maintenir leur niveau d’emploi et d’activité ?

Vous savez, je crois qu’il y a des gens qui fument. On peut augmenter les paquets de cigarettes par cinq, il y en aura toujours. Les gens boiront toujours. Ils boiront des produits moins sucrés, ils boiront des produits sans sucre ajouté, ils boiront des produits plus « healthy », ou plus de choses comme ça. Ce n’est pas une question de pouvoir d’achat, c’est une question d’équilibre global de ce qu’on mange, de combien on mange, de combien de fois on mange. On suivra l’évolution, on accompagnera… On a toujours su faire des produits qui s’adaptent.

Lors de la mise en place de la TCP, vous aviez observé une baisse importante sur le marché des produits sucrés ? 

La TCP a été mis en place il y a plus de 20 ans, sous le gouvernement de Gaston Flosse, et oui, on avait vu une grosse baisse dans les trois premiers mois parce qu’il y a toujours des effets de stock avec les magasins. Avec la TVA, ça ne sera pas pareil. On s’attend à une une baisse des ventes et petit à petit, les ventes reviendront au même niveau. Le système de taxation n’a jamais été quelque chose qui empêchait à long terme. C’est l’éducation qui change les choses au long terme.

Vous souhaitez que ces taxes spécifiques aillent dans des budgets spécifiques. Comme la TCP qui est fléchée vers la prévention. Mais le fait est que cette hausse de TVA va aller dans le budget général, elle n’est pas du tout fléchée. Qu’est-ce que vous en pensez de ça ?

Je n’ai pas de commentaire. La TVA va toujours dans le budget général… Le raisonnement du ministre, c’est de ne pas appliquer de taux réduit de TVA à un produit dont on essaye de réduire la consommation. La hausse va donc arriver dans ce budget-là. De toute façon, le budget général alimente aussi la PSG.

On a un gros problème quand même de santé publique aujourd’hui, et on sait très bien que les produits, notamment les sodas, ont des pourcentage de sucre beaucoup plus élevés, par exemple, qu’en métropole. Est-ce que ce n’est pas aussi aux industriels aujourd’hui de faire un effort éventuellement sur leurs recettes pour éviter d’être davantage taxés ?

Je suis extrêmement content de cette question parce que c’est une erreur monumentale, du rapport de la Chambre territoriale des comptes. Aujourd’hui, à la brasserie de Tahiti, il n’y a que deux produits sur les 25 références qui sont fabriquées localement qui dépassent le taux de 10 grammes de sucre par 100 mL. Ce qui a été écrit sur le côté plus sucré qu’en métropole, c’est faux. Même le président de la CTC ne sait pas d’où viennent ces sources, c’est ce qui m’a été dit. C’est une information vraiment erroné et c’est dommage d’avoir sorti ça. Effectivement, ces systèmes fiscaux ont fait baisser les taux de sucre dans les boissons, très fortement en 5, 6 ans et ça va continuer. Donc oui, c’est incitatif, oui, ça fonctionne.

[Mise à jour du 02/10 à 16h45 : Le président de la CTC a répondu, par communiqué à ces affirmations. Il confirme les informations contenues dans le rapport sur la prévention de l’obésité chez les jeunes, qui a été présenté aux élus mais qui n’a pas encore été diffusé au public sur les différentiels de taux de sucre sur certaines sodas produits sous franchise en Polynésie. Des informations qui « proviennent des données publiques disponibles en accès libre sur le site internet du fabriquant » et dont les captures d’écran ont été « versées au dossier d’instruction ».]

Vous, vous êtes tenus par le cahier des charges de marques internationales sur ces taux de sucre ? 

On peut le faire sur les produits qui nous appartiennent. Mais sur les produits fabriqués sous licence, on ne peut pas le faire nous-mêmes. Mais c’est une tendance dans le monde entier de vouloir accompagner la baisse du sucre. Donc oui, ça se fait, mais ça se fait petit à petit.

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