ACTUS LOCALESSANTÉSPORTS Hawaiki Nui Va’a : « On peut prévenir beaucoup d’accidents, mais on n’est jamais à l’abri d’un pépin » Charlie Réné 2023-11-06 06 Nov 2023 Charlie Réné ©Va’a News Du malaise mortel de Kevin Kouider aux crampes ravageuses de Keoni Sulpice, la trentième édition de la Hawaiki Nui Va’a a été rythmée par des accidents physiques et médicaux. Le Dr Didier Bondoux, qui a suivi la course pour Shell Va’a, fait le point sur ce qui est prévisible et ce qui ne l’est pas, et ce que peuvent faire les sportifs pour limiter la casse. Il pointe notamment l’abus de boissons énergisantes et les dangers des produits dopants. Peut-on prévenir tous les accidents, dans une compétition comme la Hawaiki Nui Va’a ? La question s’est beaucoup posée après une édition marquée par plusieurs incidents physiques et médicaux. Mais pour le Dr Didier Bondoux, la réponse est claire : « non, on ne peut pas tout prévoir, tout éviter ». « On peut faire le maximum pour limiter les risques, mais on ne pourra pas les supprimer » pointe le médecin qui officie depuis une dizaine d’années comme référent médical de Shell Va’a et qui suit depuis bien longtemps la grande course des Raromatai. « On est pas sur un terrain de tennis ou une salle de sport, on est dans l’eau » Mais pas question pour lui de « faire des raccourcis », des « amalgames », trop fréquents ces derniers jours, sur les réseaux sociaux. « Chaque cas est un cas particulier » insiste-t-il. À commencer par le malaise puis le décès de Kevin Kouider, qui a « retourné tout le monde en Polynésie », et qui serait d’après ses proches lié à un accident vasculaire cérébral. « Si problème neurologique il y a eu, malheureusement, ça aurait pu se passer chez lui, en dehors de toute compétition, à n’importe quel moment », rappelle le Dr Bondoux. Un cas qui n’a rien à voir, par exemple, avec l’abandon puis l’évacuation inattendue de René Avaepii, le lendemain, qui s’est faite à sa demande. Une bonne décision du rameur de plus de cinquante ans, qui a ensuite subi des examens des artères coronaires à Tahiti. « Je suis arrivé au bon moment, ça aurait pu être plus grave », précisait-il en fin de semaine depuis Taaone. Cette prudence, pour le Dr Bondoux, doit être le maître mot de ce genre de compétition : « On n’est pas sur un terrain de tennis, on n’est pas dans une salle de sport, on est dans l’eau. Donc à tout moment, un malaise, même une perte de connaissance brève, à l’origine pas forcément grave, peut devenir dramatique parce qu’on est situé sur un plan d’eau. » Le médecin, bien sûr, conseille aux sportifs d’être correctement suivis, « ce qui est le cas de René » : « On est jamais à l’abri d’un incident ou un accident, que ce soit en dehors d’un terrain de sport comme à la maison. » https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2023/11/BONDOUX-un-petit-evenement-peut-devenir-dramatique.wav Crampe, digestion… La « succession d’évènements » qui a mis Shell en difficulté Rien à voir non plus avec les problèmes physiques qui ont coûté à Shell la victoire, et qui sont « beaucoup moins rares » à la Hawaiki Nui Va’a. « Initialement, il y a eu Narai Atger qui a un problème digestif et il ne pouvait absolument pas rester sur le va’a. Il est donc sorti, ce qui a amené les cinq autres à vouloir absolument remonter le rythme pour perdre un minimum de temps sur les équipes qui les précédaient, raconte le Dr Bondoux. Je pense qu’ils ont puisé dans leur énergie… dont Keoni, qui avait participé la veille à la course. Donc je pense que c’est une succession d’événements qui a fait qu’il a eu des crampes. Il ne pouvait absolument pas continuer. » https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2023/11/BONDOUX-SHELL.wav Chez Shell comme dans d’autres grandes équipes, les rameurs font l’objet d’un suivi médical particulier, et sont accompagnés par des préparateurs et soignants lors des compétitions importantes. « On prévient les accidents, mais on n’est jamais à l’abri d’un pépin de santé », résume le Dr Bondoux. Toujours pas de contrôles anti-dopage En dehors de ces cas médiatisés, la Hawaiki Nui Va’a a été, comme tous les ans, marquée par des malaises moins graves, après l’arrivée, notamment des cas de déshydratation ou d’hypothermie après de longues heures en mer. Les rameurs sont-ils suffisamment sensibilisés à la préservation de leur santé ? Sur Polynésie la 1ère, le président de la fédération Rodolphe Apuarii a interpellé sur les compléments alimentaires pris par beaucoup de sportifs au fenua. « Certains baissent leur alimentation et augmentent les produits », note-t-il, souvent à leurs dépens. Des produits, il en circule beaucoup d’autres dans les circuits sportifs polynésiens. Et la question du dopage est revenue dans les conversations après cette édition qui n’a fait l’objet d’aucun contrôle spécifique. « Ceux qui connaissent Kevin Kouider de près mettent complètement de côté cette possibilité, maintenant, il ne faut pas nier qu’indépendamment de son cas, dans le va’a comme dans d’autres sports, il faut faire attention au dopage, commente prudemment le Dr Bondoux. On sait que c’est hyper dangereux au niveau vasculaire, au niveau neurologique, on a plein d’exemples de sportifs de très haut niveau qui ont eu des problèmes de santé gravissimes et on s’est rendu compte que c’était des personnes qui abusaient et réabusaient de certains produits illicites. » https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2023/11/BONDOUX-Dopage.wav Dans les fédérations on considère qu’il est trop onéreux au niveau local de mener des contrôles spécifiques aux stéroïdes, amphétamines et autres anabolisants qui font partie des substances les plus dangereuses. Alors ces dernières années, la fédération de va’a avait surtout communiqué et – par moment – effectué des contrôles anti-paka, autre produit placé sur la liste des produits dopants. « Loin d’être ridicule », pour le Dr Bondoux, qui précise que le cannabis est parfois utilisé en anti-crampe. « C’est une première étape, mais s’agissait aussi de montrer aux sportifs qu’on ne pouvait pas faire n’importe quoi et d’envoyer un message aux jeunes ». Les « boissons énergisantes » pas adaptées pour les sportifs Le médecin interpelle en outre sur les « boissons énergisantes, « de type Monster ou Redbull », qui seraient selon lui « beaucoup trop répandues dans toutes les équipes de va’a ». « Bourrées de sucre, de caféine ou de taurine », elles n’auraient « aucun intérêt chez le sportif ». « Ce sont des stimulants, qui peuvent déshydrater, donner soif aux sportifs, ça fait de la tachycardie, donc au lieu de rendre le coeur un peu plus lent dans une compétition, ça emballe le cœur, martèle le médecin. En boite de nuit, au pire, pourquoi pas, mais sur un terrain de sport, jamais. » https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2023/11/BOUDOUX-Boissons-energisante.wav Ces boissons, toutefois, ne doivent pas être confondues avec les boissons dites « énergétiques », créées pour les sportifs, « qui amènent du sucre en petites quantités, de l’eau surtout, qui sont là pour réhydrater ». 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