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« Holiday on ice » version hawaiienne

Quatre prévenus comparaissaient ce mardi pour association de malfaiteurs après avoir importé 28 grammes d’ice de Hawaii, alors qu’ils en espéraient deux kilos. 28 grammes qui ont été fumés par les deux personnes chargées de les vendre à Tahiti. Bref un fiasco total qui leur a cependant valu d’être condamnés à des peines allant de 12 à 18 mois de prison ferme.

Quatre heures d’audience pour quatre prévenus et 28 grammes d’ice. Cela prouve que la justice prend à cœur les affaires de méthamphétamine, même si à en croire les réseaux sociaux, les peines sont trop légères et la justice plutôt laxiste à ce sujet.

Si cette affaire ne restera pas dans les annales du crime, elle a le mérite de montrer la mécanique du passage de simple consommateur à dealer, voire importateur. Mais surtout que nul n’est à l’abri de cette drogue que l’on soit issu de famille aisée ou modeste, sportif de haut niveau ou personne bien intégrée dans la société, voir même représentant de la loi.

Comme le fera remarquer un avocat, l’ice, c’est la drogue de l’opportunité. Et des opportunités il y en a. L’opportunité de fumer gratuitement, de faire des rencontres plus ou moins heureuses, de se faire pas mal d’argent, de se sentir fort et puissant, mais aussi de se retrouver accroc, de tout perdre et de finir derrière les barreaux.

Un gendarme comme indic

Tout commence avec la garde à vue d’Ismaël M. bien connu de la justice comme étant le chat noir du trafic d’ice. En gros, tout ce qu’il entreprend échoue. Il avait été entendu pour s’être trompé de maison en voulant braquer un dealer pour lui saisir son ice. Lors de sa garde à vue, il avait notamment révélé ses accointances avec un gendarme adjoint volontaire qui le renseignait sur des affaires en cours, et le conseillait pour la bonne marche de son trafic. En échange il lui rendait quelques services comme passer à tabac un gars qui devait de l’ice au cousin du gendarme. Un passage à tabac auquel le gendarme a participé utilisant au passage l’équipement mis à sa disposition par sa hiérarchie. Il a depuis été condamné à 5 ans de prison ferme.

Un projet d’importation de deux kilos d’ice

Suite à ces révélations les enquêteurs mettent plusieurs personnes sur écoute et identifient l’un des prévenus de ce matin, Laurent S., 32ans, comme importateur d’ice. Un solitaire qui à l’occasion revend de petites quantités. Mais les écoutes révèlent aussi que Laurent a un projet d’importation de deux kilos d’ice dans les tuyaux. Et pour une fois Laurent n’est pas seul ; il s’est acoquiné pour l’occasion avec un certain John S., 27 ans. C’est lui qui finance le voyage à Hawaii, et son cousin, Teahinui S., 20 ans, donne une partie des fonds pour l’achat de l’ice.

Tout l’argent part en restos et boites de nuit

Mais à Hawaii, l’argent est dilapidé en restaurants, boîtes de nuit, shopping etc… Avec le peu qui leur reste, Laurent achète 28 grammes, bien loin des 2 kilos prévus. John planque la marchandise dans l’une des peluches qu’il a achetées pour sa fille. Une de ses tantes se trouvant par hasard en même temps que lui à Hawaii pour suivre la Molokai Hoe, il décide de lui remettre le sac contenant les peluches. Il donne le sac à un rameur de sa connaissance, pas au courant de ce qu’il transporte, afin qu’il le remette à sa tante à l’aéroport. Elle non plus ne sait pas ce que contient le sac, en dehors des peluches.

Elle oublie le sac contenant l’ice dans l’avion, la douane le lui rend

Arrivée à Papeete, elle oublie le sac dans l’avion. Il sera remis aux douanes, qui le rendra le lendemain à la tante venue le récupérer. Puis elle est contactée par Tuterai M., et Teahinui S. qui devaient récupérer le sac. Ceux-ci mettent la main sur l’ice et, au lieu de la revendre comme prévu, la fument.

Pendant ce temps-là à Hawaii, John et Laurent achètent encore 58 grammes de meth. C’est John qui devait la ramener in corpore. Mais pris de panique avant de passer la douane américaine, il s’en débarrasse et prend l’avion. Et c’est un comité d’accueil constitué de représentants de l’ordre qui l’attend à sa descente d’avion à Papeete. Laurent, lui, restera un peu plus de temps à Hawaii et, se sachant recherché, reprendra l’avion pour se rendre à la gendarmerie.

La tête pensante

« D’où vient cette idée d’organiser un voyage à Hawaii avec Laurent ? » demande le juge à John. Celui-ci le regarde étonné par la question et lui dit, « ben, de la tête ». Éclat de rire dans la salle. « Oui mais de laquelle de tête, la vôtre ou la sienne ? » Il ne répond pas. Toutefois, il reconnait les faits et s’excuse d’avoir fait courir des risques à sa tante et aussi au rameur à qui il avait confié le sac de peluches. « C’est lui qui aurait pu se faire arrêter » lui fait remarquer le juge, « oui mais il ne savait pas qu’il y avait de la drogue dans le sac » assure John, « mais c’est lui qui passe le sas de sécurité avec le sac » insiste le juge, « mais il ne savait pas qu’il y avait de la drogue dans le sac », maintient John.

On apprendra que c’est un perliculteur aux Gambier et qu’il n’a qu’une seule condamnation à son casier pour défaut de permis. Il n’a jamais fumé de paka et c’est lors d’une visite à Tahiti qu’à cause « de mauvaises fréquentations, j’ai fumé de l’ice pour la première fois. Je ne savais pas ce que je faisais, ni les conséquences. »

« L’ice c’est tellement addictif que t’as plus aucune valeur, tu mens, tu voles »

C’est au tour de Laurent de passer à la barre et celui-ci confirme les faits. « Vous êtes d’une famille plutôt favorisée, pourquoi l’ice ? Vous n’avez pas besoin d’argent, vous n’êtes pas pauvre », tente de comprendre le juge. « L’ice c’est tellement addictif que t’as plus aucune valeur, tu mens, tu voles… » explique Laurent. « Vous ne travaillez pas, vous voyagez, vous surfez », remarque le juge. « C’est ma mère qui me donnait un peu d’argent et je me suis lancé dans le business pour ne plus dépendre de mes parents et payer ma consommation. »

Laurent a vécu pas mal de temps en Australie où il a fait des études, et il est assez connu comme surfeur de gros, allant souvent à Hawaii pour surfer sur des spots réputés. « Il y a beaucoup d’ice dans le surf, avec ça on a plus peur, on a des montées d’adrénaline et on charge du gros. » Il a déjà été condamné à un an de prison avec sursis pour trafic d’ice, « une peine qui visiblement ne vous a pas donné à réfléchir », lui assène le juge.

Teahinui S. n’a pas désiré s’exprimer à la barre, comme la justice l’autorise. Il a juste dit qu’il confirmait sa déposition, dans laquelle il reconnait les faits. On n’apprendra pas grand-chose sur lui, si ce n’est que son casier judiciaire est vierge.

«L’ice m’a fait devenir bagarreur. »

Quant au dernier des prévenus à passer à la barre, Tuterai M., lui aussi c’est un ancien champion de sport de glisse, et lui aussi est un fils de « bonne famille » qui est tombé dans l’ice. Il confirme les faits qui lui sont reprochés et ajoute, « on ne pensait qu’à fumer, c’était la seule idée que l’on avait en tête. » Il reconnaît qu’il a souvent été utilisé comme « gros bras » et précise que c’était « l’ice qui m’a fait devenir bagarreur. » Son casier vient confirmer son goût pour la castagne, puisqu’il a été condamné quatre fois pour des faits de violences. Une violence qu’il ne porte pas sur son visage, car maintenant qu’il est sevré, il est plutôt avenant. Comme quoi l’ice influe énormément sur la personnalité quand on est sous sa coupe.

Alors que le procureur a requis contre Laurent S. 24 mois de prison, contre John S. 24 mois avec maintien en détention, à l’égard de Teahinui S. 18 mois de prison et pour Tuterai M. 12 mois de prison, le tribunal a revu un peu le quantum à la baisse, comme le réclamaient les avocats des prévenus.

Ainsi, Laurent S. a été condamné à 2 ans de prison avec 6 mois de sursis avec mandat de dépôt à effet différé. John S. à 2 ans de prison avec 6 mois de sursis avec maintien en détention. Teahinui S. et Tuterai M ont tous deux été condamnés à 18 mois de prison dont 6 avec sursis. Tous ont des obligations de trouver du travail et de se soigner.

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