ACTUS LOCALESÉCONOMIE Hydrocarbures : l’APC dénonce la cherté du transport pétrolier Charlie Réné 2022-04-25 25 Avr 2022 Charlie Réné L’Autorité polynésienne de la concurrence a publié ce lundi un avis sur l’approvisionnement en hydrocarbures de la Polynésie. Elle encourage le Pays a reprendre la régulation des tarifs du fret, et analyse le projet de convention négocié, dans cette optique, entre le gouvernement et les entreprises pétrolières. Une projet jugé « défavorable » au Pays et donc aux consommateurs : les propositions mises sur la table de l’APC permettraient d’économiser pas moins d’un milliard de francs par an. Pacific Petroleum & Services (PPS, filiale de Pacifique Energy et du Groupe Moux), Petropol (Groupe Siu) et Total. Trois sociétés qui se partagent l’activité d’importation et de distribution des produits pétroliers en Polynésie. Mais la concurrence n’est pas maître mot en matière de transport : pour limiter les rotations, et donc les coûts, la mutualisation est la règle depuis de longues années. Un mécanisme qui avait déjà été jugé nécessaire par l’Autorité de la concurrence et qui a longtemps été encadré : de 2006 à 2016, une convention signée entre le Pays, les importateurs et transporteurs « régulait » cette activité, chiffrée à environ deux milliards de francs par an. Des négociations avaient bien été lancées pour la renouveler et l’APC avait même publié un avis sur le secteur pour aider à cadrer les discussions… Mais six ans plus tard rien n’est signé. Un « plancher tarifaire sans aucune base légale » depuis 2017 Un projet de convention, plusieurs fois amendé, est toutefois sur la table depuis mai 2021. Et l’Autorité de la concurrence, qui s’est auto-saisie sur le sujet, propose dans un avis publié ce lundi, une analyse critique de ce document. Mais l’institution commence avant tout par rappeler l’intérêt de cette régulation. Laisser le marché en libre-concurrence serait un pari « risqué » pour le Pays, qui se doit de garantir l’approvisionnement du fenua. Les pétroliers, pour des raisons logistiques comme économiques, ont intérêt à mutualiser. Soit en interne, comme le groupe Moux, dont la compagnie Orient Oil Express dessert plusieurs îles sur le chemin entre Singapour et la Polynésie. Soit entre importateurs, comme Petropol et Total, qui chargent dans les mêmes navires (d’une société du groupe Total), le plus souvent depuis la Corée du Sud. Mais l’expérience de ces six dernières années montre que l’absence de cadre clair joue en défaveur des consommateurs. « Il y a eu entre 2017 et 2021, application commune par les trois transporteurs d’un plancher tarifaire sans aucune base légale », relève l’APC. Ce qui a eu pour effet de défavoriser certains acteurs (Petropol, seul acteur à ne pas disposer de transporteur dans son groupe), et de tirer les prix à la hausse. Le fret ne représente que 4 à 5 francs par litre à la pompe, et « seulement » 10% du coût total des carburants à leur arrivée au fenua. Mais dans le contexte actuel de hausse des cours mondiaux, travailler sur ces coûts, compressibles d’après l’APC, n’est pas un luxe. La convention de régulation entre le Pays, les importateurs et les transporteurs parait, plus que jamais, être une solution « judicieuse ». « Des conditions défavorables au Pays et non-justifiées » Sauf que les dispositions du projet de convention, tels que négociés par le Pays, seraient beaucoup moins judicieux. « Il ressort de l’analyse critique menée par l’Autorité que les projets de convention comportent des conditions défavorables au Pays et non-justifiées », résume l’APC. Indices choisis pour cadrer les prix, majorations incluses dans le calcul, dispositions contractuelles qui interrogent… Le sujet est très technique, mais l’autorité indépendante estime globalement que le projet de contrat défend beaucoup mieux les intérêts des entreprises pétrolières que ceux de la Polynésie. Et fait, point par point, des propositions de rectification pour « rééquilibrer » la convention. Des modifications qui auraient, précise l’avis, des effets cumulés « significatifs pour le consommateur polynésien » : entre la formule négociée par le Pays et la proposition de l’APC, l’écart de coût du fret pour la seule année 2021 serait de près d’un milliard de francs. Un écart qui se répercute intégralement dans le prix de vente autorisé, « ou dans le budget du Pays en cas de compensation par le FRPH », très sollicité ces derniers temps. Et qui « représente donc un manque à gagner équivalent pour l’économie polynésienne ». Reste à savoir, maintenant, comment ces propositions vont être reçues par les importateurs et transporteurs… Et comment elles vont être défendues dans les négociations par le gouvernement. À Papeete, la passe qui bloque L’approvisionnement de la Polynésie en hydrocarbures souffre de nombreuses contraintes. L’APC évoque l’isolement du fenua, bien sûr, l’étroitesse du marché, divisé entre trois importateurs (en 2021 et en volume, 45% pour PPS, 31% pour Petropol, 24% pour Total), ou la faiblesse des capacités de stockage. De ce côté-là, l’initiative est au privé, mais l’augmentation des capacités bute sur les questions foncières, administratives, règlementaires et environnementales. L’avis insiste plutôt sur les limites imposées par le port de Papeete et la passe qui y mène, dont la profondeur limite la taille des tankers qui peuvent alimenter le fenua et oblige donc à multiplier les trajets et les coûts. Un enjeu « persistant et transversal », déjà cité dans un avis de l’APC sur l’import de produits en Polynésie. Faut-il approfondir et élargir la passe et le port ? Déplacer une partie des activités sur la partie Est du port, avec un accès par la passe de Taunoa et un nouveau terminal de commerce ? La question se pose depuis de nombreuses années. En juillet 2021, le Conseil des ministres avait évoqué officiellement l’implantation « d’un nouveau port dans une zone naturellement plus adaptée, qui accueillerait une plateforme de débarquement et une zone de développement pour les entreprises » pour « répondre à la demande des compagnies maritimes ». Pas de précisions sur l’emplacement ou le calendrier depuis lors. Mais l’Autorité, elle « ne peut que saluer cette avancée ». 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