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IA, démographie, économie… Les communes veulent « prendre de la hauteur » à Tubuai


Le 33e Congrès des communes sera lancé ce lundi 16 septembre à Tubuai. Entre les tavana, leurs équipes, les invités politiques ou institutionnels, ce sont 240 personnes qui sont attendues sur l’île des Australes pour quatre jours d’ateliers et de discussion. Au menu : des débats sur l’utilisation de l’intelligence artificielle, des réflexions sur les impacts du vieillissement ou des déplacements de la population, des partages d’expérience sur l’économie circulaire, notamment de la part du maire de Rapa Nui… Aux conversations techniques s’ajoute de forts enjeux politiques, à moins de deux ans des municipales.

Ils seront plus de 240, lundi à Tubuai, pour le lancement du 33e Congrès des communes. Il y a bien sûr les tavana de 46 des 48 municipalités du pays – Faa’a et Arue ne sont toujours pas adhérents du syndicat organisateur, le SPC-PF, même si la mairie de Teura Iriti s’y intéresse de près – leurs adjoints, cadres ou techniciens. S’ajoutent les élus et haut fonctionnaires du Pays, les parlementaires, les représentants de l’État et de ses services, les partenaires financiers et d’autres acteurs institutionnels ou privés invités à suivre les débats.

Réunir tous ces officiels aux Australes est bien sûr un défi logistique pour le Syndicat de Promotion des Communes de Polynésie (SPC-PF), qui avait créé cet évènement quelques années après sa création en 1980. Un effort, aussi, du point de vue financier puisque le congrès mobilise 8 à 12 millions de francs par édition – il a récemment été rendu bisannuel pour, justement limiter les dépenses. Mais pour la directrice générale des services de l’établissement public, Ivana Surdacki, l’investissement est plus que justifié par les enjeux : « Le Congrès, c’est une plateforme, un espace où on essaie de prendre un peu de hauteur par rapport au quotidien ».

Les évolutions de populations « questionnent » le FIP

Au programme, des ateliers, visites et projections qui visent à « mener une réflexion commune » sur des défis d’avenir. À commencer par les défis de la démographie. Les déplacements entre les centres urbains et les zones rurales se poursuivent, mais surtout, la population vieillit. Davantage matahiapo, moins d’enfants dans les écoles, « ça va forcément impacter les projets économiques, sociaux de la commune, (…) les projets de société, les politiques publiques », souligne la DGS, invitée de la rédaction de Radio1 ce mercredi. L’idée est de pousser les décideurs communaux à se « projeter », à anticiper, et inviter les autres congressistes à se « questionner » sur leurs dispositifs financiers à destination des municipalités.

Comme le Fonds intercommunal de péréquation (FIP) voté chaque année par le Pays pour financer les communes et dont la répartition se base en grande partie sur les données de population. « Bien entendu on va en parler, parce que ces dispositifs financiers ont été conçus à un moment, à une époque, et qui peuvent évoluer. À partir de quoi, sur quelle base, pourquoi ? On s’est dit que la démographie est intéressante pour questionner ce dispositif là, par exemple « , note Ivana Surdacki.

L’IA pour faire « gagner en efficacité » l’administration

Il s’agira aussi de questionner le rapport des communes aux « révolutions numériques », que ce soit sous l’angle des risques et des opportunités. Ainsi, un atelier devrait aider les tavana à faire le point sur les risques de cybersécurité, probablement très discutés entre les élus depuis le « ransomware » qui a paralysé les services de Mahina. Mais dans le même temps, les participants s’interrogeront sur les possibilités offertes par l’intelligence artificielle dans l’activité communale. Bientôt des IA qui répondent aux administrés ? « L’intelligence artificielle, quoiqu’on en dise, est déjà dans nos pratiques quotidiennes personnelles, mais aussi au travail, au quotidien dans nos organisations, reprend la directrice du SPC, qui, en plus des formations d’élus et des accompagnements techniques sur l’eau ou les cantines, sert de porte-voix des municipalités auprès des autres institutions. Et plutôt que d’en avoir peur, l’idée, c’est de dédramatiser, de faire connaitre, de comprendre, de s’approprier ces thématiques là pour mieux les utiliser à l’avenir ».

Pour la responsable, outre l’automatisation de certaines tâches, l’IA peut permettre aux administrations « d’aller plus vite » sur des rédactions de courriers, de commandes, de rapports, de montages de dossiers ou de présentation, et ainsi « gagner en efficacité » au bénéfice d’autres tâches.

Le maire de Rapa Nui en guest star

Enfin, c’est autour de l’économie circulaire que le SPC veut créer de la discussion à Tubuai. Un thème pas franchement neuf, et sur lequel, malgré le foisonnement d’initiatives dans les communes et les associations, le constat reste amer : la Polynésie n’a jamais autant importé et n’a jamais autant jeté. Raison pour laquelle le congrès est l’occasion de partager des idées concrètes, des retours d’expérience et surtout de « continuer la sensibilisation » auprès des élus, insiste Ivana Surdacki.

Pour ça les organisateurs veulent s’appuyer sur l’invité vedette de cette édition : Pedro Edmunds Paoa, le maire de Rapa Nui. Une île qui connait, comme beaucoup d’autres en Polynésie, les défis de l’insularité, ceux de l’isolement, la pression touristique ou les limitations physiques. Ce qui n’empêche pas son tavana d’être très engagé sur le sujet de l’économie circulaire, comme il avait pu le démontrer en avril dernier à une délégations du SPC (dont son président Cyril Tetuanui et dix autres tavana des Marquises, Tuamotu, Australes et Raromatai) qui s’était déplacée sur l’île de Pâques pour une conférence sur le microplastique. « C’est un juste retour que de lui dire : on a les mêmes problématiques, ce que tu fais toi avec ta population, ça peut nous intéresser et on veut le partager avec les autres maires qui n’ont pas pu venir à Rapa Nui », explique Ivana Surdacki.

Déchets, eau, CGCT… Des problématiques traitées « au quotidien » plus qu’au Congrès

Voilà pour les thèmes « officiels » de discussion de cette édition. Ce ne seront pas les seuls pour les 46 tavana présents, dont beaucoup font face à des difficultés récurrentes dans leur gestion. Sur la distribution de l’eau potable ou l’assainissement, beaucoup de communes sont encore loin de remplir les obligations fixées par le Code Général des Collectivités Territoriales, théoriquement en vigueur depuis dix ans en Polynésie, mais dont la pleine application fait l’objet de dérogations récurrentes. Ce sera encore une fois un thème d’interpellation de l’État, des parlementaires ou du Pays.

Comme d’ailleurs l’impact des nouveaux rythmes scolaires fixés par le gouvernement pour les missions communales. Ou l’exercice de la compétence déchet, toujours des plus coûteuses et des plus problématiques. Comme son prédécesseur, Moetai Brotherson s’était dit ouvert à l’idée de transférer au Pays cette compétence, une « grande concertation » avait même été lancée sur le sujet l’année dernière… Sans avancées officielles pour l’instant.

Pourquoi n’avoir pas inscrit ce sujet important au programme officiel du Congrès ? Le CGCT, l’eau, l’assainissement, les déchets, c’est le quotidien des communes, et il est traité toute l’année dans nos relations avec les services du Pays, répond la directrice générale des services du SPC. En faire un Congrès, juste pour dire voilà où on en est de nos échanges, des travaux que l’on mène ensemble… Les élus se disent qu’on pourrait attirer l’attention sur d’autres problématiques, plutôt que sur celles qui sont traitées au quotidien par nos services ».

Enfin, à deux ans des municipales, le 33e Congrès des communes devrait être un important centre de tractation électorale. Certes 45 des 46 tavana présents sont autonomistes, et les prises seront difficiles pour l’un et l’autre camp. Mais la réunion sera sûrement l’occasion de prendre le pouls politique de certaines équipes, de tendre des perches à certains élus. Le SPC se dégage de ce genre de débat : « Chaque évènement qui réunit les maires et les élus est l’occasion de discussions : à eux de choisir les sujets sur lesquels ils veulent échanger en dehors des espaces de congrès », note Ivana Surdacki. Pas de débats officiels non plus pour la présidence du syndicat : Cyril Tetuanui, tavana de Tumaraa, a été réélu en 2020 pour 6 ans… Et donc jusqu’aux prochaines municipales.

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