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Ice, cocaïne, paka… Les douanes doivent « sans cesse répondre à l’inventivité des trafiquants »

Avec 18 kilos de métamphétamine et 81 kilos de cannabis saisis, l’activité douanière a battu plusieurs records en 2023, sans que l’on sache si ces « bons chiffres » démontrent davantage d’efficacité ou un trafic toujours plus développé. Quoiqu’il en soit, le directeur régional des douanes Serge Puccetti assure que ses services accentueront les contrôles en cette année olympique. Aux frontières, sur les routes et dans les rues de Tahiti, mais aussi dans les archipels qui, comme les Marquises, se trouvent sur « la voie d’entrée des stupéfiants ».

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Année faste pour la douane au fenua. En 2023, le service d’État, qui agit aussi pour le compte du Pays (lire plus bas) a intercepté 5000 articles de contrefaçons – des plaquettes de frein au café en passant par beaucoup de jouets -, et a mis la main sur 81 kilos de paka dans des contrôles routiers, aux arrivées de navettes maritimes ou lors d’opération anti-délinquance…. Ses agents ont surtout saisi 18 kilos de métamphétamines dans l’année, soit plus de 4 milliards de francs de drogue si on en croit la valeur du gramme sur le marché pris comme référence par le parquet.

Des chiffres de saisie en nette hausse : bonne ou mauvaise nouvelle ? Difficile à dire, même pour le directeur régional des douanes Serge Puccetti qui était l’invité de la rédaction de Radio1 ce midi. « C’est toujours la question : y’a-t-il plus de saisie parce que l’on est meilleurs ou parce qu’il y a plus de trafic ? En fait c’est les deux, assure le responsable, en poste à Tahiti depuis septembre dernier. Il faut savoir une chose, c’est que la douane a saisi 18 kilos en 2023, mais sur la fin de l’année, il y a 17 kilos dix qui ont été appréhendés aux États-Unis, principalement Los Angeles, et qui étaient destinés à la Polynésie. Donc s’ils étaient arrivés ici, on aurait saisi quasiment 35 kilos. Vous voyez, ce sont des chiffres qui commencent à être vraiment importants ».

Fret aérien, poste, paquebots, conteneurs…

Des « chiffres importants » que le directeur régional met donc surtout au crédit d’une coopération toujours plus développée entre autorités. Autorités françaises, avec la justice, la police et la gendarmerie, et autorités internationales, notamment du côté des États-Unis, toujours principale porte d’embarquement de la métamphétamine du fenua. Comme d’habitude, peu de précisions sur la nature exacte de cette coopération « régionale », qui semble porter ses fruits, et qui doit se renouveler sans cesse pour être efficace. Car le trafic évolue en permanence, s’adapte après chaque coup de filet, « innove » chaque année.

« Quand on fait beaucoup d’affaires sur un vecteur, évidemment, ce vecteur se tarit, les trafiquants prennent d’autres voies, reprend Serge Puccetti. Donc effectivement, notre attention est portée sur tout le trafic aérien, mais également sur le fret express, le fret postal, évidemment sur le vecteur maritime : le port, c’est le point d’entrée le plus important des marchandises », comme l’a encore montré la saisie réalisée dans un conteneur fin février et officialisée par le parquet ce mardi. S’ajoutent les arrivées de paquebots, qui, comme l’a montré en 2022 l’affaire de la mule du MS Zuiderdam, peuvent constituer une « voie » difficile à surveiller. « L’inventivité est au pouvoir chez les trafiquants. Au début, ils transportaient dans les bagages, puis maintenant il y a des doubles fonds, la drogue est cachée sur les vêtements, des fois ingérée, il y a les nouveaux trajets, reprend le directeur régional des douanes. Il faut, il faut sans cesse répondre à cette inventivité pour être toujours efficace ».

Davantage de contrôles sur le paka et sur la « voie des stupéfiants »

L’ice n’est bien sûr pas la seule drogue contre laquelle la douane lutte. Si l’année 2022 avait été marquée par une saisie record de 423 kilos de cocaïne à bord d’un voilier arrivant du Panama – le skipper avait été relaxé, son équipier, lui aussi Suédois, condamné à 7 ans de prison et le navire est toujours à quai dans l’enceinte du port -, cet autre trafic s’est fait plus discret en 2023. De la cocaïne de passage, pourtant, « il y en a et il y en aura » au fenua, reprend Serge Puccetti, rappelant que les grosses saisies à bord de voiliers sont souvent destinées à d’autres marchés, en Australie et en Nouvelle-Zélande notamment. « Pour lutter, il faut être toujours plus présents, et c’est ce qu’on veut faire », appuie le responsable.

Et pas seulement sur la cocaïne : la douane veut aussi renforcer les contrôles intérieurs sur le paka, considéré par tous les services d’État comme une « drogue d’appel » et surtout une source de financement pour d’autres trafics internationaux. « Avec des contrôles routiers, on l’a dit, pour être plus présents sur cette île de Tahiti qui est la plus peuplée. Plus présents aussi sur certaines zones ciblées, en fonction des opérations qui sont menées avec les collègues gendarmes, policiers et dans le cadre des opérations décidées par le parquet, détaille le responsable. Et puis plus présents sur l’ensemble de la Polynésie et en particulier des archipels qui ont une certaine sensibilité, non pas parce qu’ils sont sensibles à la fraude, mais parce que c’est par là que ça passe. On le voit bien avec les Marquises, on va y être de façon plus fréquente, parce que c’est, tout simplement, la voie des stupéfiants ».

133 douaniers et des missions multiples

Pour être « plus présente », la douane devra se contenter de ses 133 agents actuels. Certes le chiffre, d’après le directeur régional, ne devrait pas suivre l’évolution à la baisse que connaissent depuis plusieurs années déjà les effectifs des douanes nationales. Mais aucune hausse d’effectif n’est en vue non plus, même si l’arrivée des Jeux va demander des contrôles « accentués » et beaucoup de passage en douane pour le matériel nécessaire à l’évènement. Car les missions de la douane, bien entendu, ne se limitent pas à la lutte contre les stupéfiants. L’autorité travaille aussi sur le trafic d’armes, de contrefaçons, d’espèces protégées au titre de ses missions régaliennes, et intervient aussi, par convention, pour le compte du Pays.

La douane a ainsi levé 68 milliards de francs de fiscalité sur les marchandises importées pour la Polynésie l’année dernière. À cette mission fiscale – amenée à évoluer avec les grandes réformes voulues par le gouvernement, et sur lesquelles les douanes se posent en appui « technique » – s’ajoute une mission économique qui consiste notamment à faire appliquer et à vérifier les exonérations accordées à divers acteurs… Des exonérations qui pèsent pour près de 20 milliards de francs par an.

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Tavevo 20/03/2024

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