Une femme de 57 ans était jugée en comparution immédiate ce jeudi pour s’être fait prendre au parloir de Tatutu avec 40 grammes de cannabis dissimulés dans son soutien-gorge, et destinés à son fils incarcéré pour trafic d’ice. Mais c’est ce dernier qui a écopé de la plus lourde de peine, les juges ayant pointé le chantage affectif qu’il exerçait sur sa mère, auprès de qui il menaçait de se suicider si elle ne le fournissait pas en stupéfiants.
C’est un duo mère – fils habitué des tribunaux qui comparaissait, ce jeudi après-midi, au tribunal correctionnel de Papeete. D’abord pour des faits commis chacun de leur côté : non dénonciation de crimes en 2005 pour la première, vol et recel quelques années plus tard pour le second. En 2019, tous deux s’étaient finalement retrouvés au palais de justice pour une même affaire de trafic d’ice. Cette mère célibataire avait alors écopé de sept mois de prison pour avoir fait la mule pour des trafiquants, dont son fils, alors condamné à trois ans, dont la moitié avec sursis.
Quatre ans plus tard, rebelote, mais seulement pour le fils, à nouveau condamné, cette fois, à quatre ans ferme, pour avoir à nouveau pris part un réseau de trafiquants de métamphétamines. Une peine qu’il commence à purger à Nuutania, avant d’être transféré à Tatutu, où il reçoit les visite de sa mère chaque semaine. Le 27 juin, c’est visiblement très tendue qu’elle se présente à son parloir hebdomadaire. De quoi mettre la puce à l’oreille aux gardiens, rapidement pris au nez par une forte odeur de cannabis. La fouille révèle finalement trois « sticks » d’herbe, soit 40 grammes au total, dissimulés dans son soutien-gorge. Des faits communs en prison, où les parloirs sont régulièrement utilisés pour introduire toutes sortes de choses.
De l’herbe fournie par d’anciens codétenus, « pour services rendus »
Ce jeudi à la barre, la quingénaire a les traits fatigués et le regard las. Pas épargnée par la vie – un de ses ex-maris a été condamné pour le viol de sa fille – cette femme qui fume régulièrement et qui survit en effectuant des repassages non-déclarés a expliqué subir les pressions de son fils. Celui-ci exerçait sur elle un « chantage affectif », la menaçant systématiquement de se suicider si elle ne le fournissait pas en paka.
Autrefois accro à la meth, l’homme de 35 ans a reconnu le chantage. Tendu, voire honteux pendant l’audience, il a dit avoir besoin de ses bouffées d’herbe quotidiennes pour parvenir à trouver le sommeil en cellule. Et tous les moyens sont bons pour y arriver : pendant un temps, il s’est fourni directement en prison, en troquant son linge, notamment des shorts et des baskets, contre quelques brins d’herbes. Mais, un beau jour, raconte-t-il, son linge lui a été volé, et il a donc commencé à utiliser sa mère pour lui demander d’assurer les livraisons sur ses temps de visite.
Si les fouilles dans le téléphone portable de la mère ont révélé des échanges avec un trafiquant bien connu de la place, une affaire qui sera jugée plus tard, celle-ci assure qu’il ne s’agit là que de sa consommation personnelle. En ce qui concerne le cannabis apporté à son fils, celui-ci proviendrait, selon ce dernier, d’ancien codétenus, qui lui sont redevables de services rendus en prison. « J’ai connu beaucoup de monde à Nuutania et Tatutu, et comme je les protégeais, je leur demandais de m’aider à avoir du paka dès qu’ils sortaient de prison », raconte cet ancien maçon au physique trapu.
« Échec du système carcéral »
Pour faciliter la connexion, les sbires avaient connaissance de l’adresse de la mère et de l’arrêt de bus qu’elle emprunte pour se rendre au centre de détention. C’est à ce point précis qu’ils l’alpaguaient pour lui remettre les petits paquets. « Je lui ai dit qu’il fallait arrêter », assure la mise en cause. Visiblement inconsciente de la peine encourue, une vingtaine d’années au vu de ses antécédents, elle a ajouté avoir eu « peur qu’ils viennent me voir chez moi ».
Ces précisions ont convaincu le tribunal d’orienter le cœur de l’affaire vers le fils, « personnage principal du dossier », selon le procureur Yann Hausner. Il a requis six mois avec sursis pour la mère, et un an ferme pour le fils, quand l’avocate de la famille Me Montluçon, a pointé « l’échec du système carcéral » et plaidé pour des TIG pour la première. Elle a ensuite demandé une peine plus légère pour le second, « qui a déjà réussi à se sortir de l’ice », et qui est déjà sous le coup d’une commission de discipline en prison, et donc du « cachot ».
Le tribunal a finalement condamné la quinquagénaire à six mois de prison avec sursis, assortis d’un sursis probatoire de deux ans, une obligation de soins liée à sa consommation de paka ainsi qu’une obligation de travail. De son côté, le fils a écopé d’une année de prison ferme supplémentaire. Lui qui expliquait ne pas avoir encore de plan pour l’avenir, sa sortie étant, jusqu’à alors, prévue dans trois ans, aura donc un peu plus de temps pour y réfléchir.