Alphonse comparaissait ce jeudi pour tentative de vol avec violence. Il a menacé avec un couteau une employée de station-service pour se faire remettre un paquet de tabac. Il a été condamné à deux années de prison dont 18 mois avec sursis.
Alphonse, 32 ans, fait partie de ce qu’on appelle couramment des doux-dingues. Chaque commune possède le sien, qui traîne devant les magasins d’alimentation, interpellant les passants pour avoir « un cent francs » ou une cigarette. Si dans l’absolu, ils ne sont pas méchants, mais juste fatigants quand pour la énième fois, ils viennent vous réclamer des sous alors que cinq minutes plus tôt vous leur en avez donné ou ignoré, parfois ils peuvent se montrer plus inquiétants. Et c’est ce qui est arrivé à une employée d’une station-service où Alphonse avait l’habitude de se rendre pour acheter son tabac.
« Je vais braquer ta station »
Alphonse fait un peu partie des meubles de la station. Il y est quotidiennement, traînant sa différence au milieu des regards indifférents de la clientèle. Ces derniers temps, il fait une fixation sur la caissière qu’il trouve belle, mais elle, l’ignore. Était-ce une façon de se faire remarquer d’elle, quand à plusieurs reprises, il lui lance, « je vais braquer ta station » ? Quoiqu’il en soit, il est passé à l’acte et d’une bien curieuse manière.
Le 24 mai dernier, il se rend à la station pour acheter du tabac. L’employée lui tend le paquet et lui réclame 830 Fcfp. Il lui donne 400 en lui disant, « tu n’as qu’à compléter avec tes sous. » Elle refuse et reprend le paquet. Alphonse fouille alors dans son sac et en sort un couteau. « Il a braqué le couteau vers moi, en me disant ‘je vais te patia’. J’ai paniqué et je le lui ai arraché des mains » explique-t-elle dans sa déposition. Alphonse s’en va bredouille.
Il revient avec l’argent du tabac
Trente minutes plus tard, le revoila qui débarque dans la station, avec cette fois les 830 Fcfp pour acheter son tabac. La caissière le sert et il lui demande de lui rendre son couteau. Elle ne veut pas. Cris d’Alphonse qui se fait reconduire dehors par deux employés qui le connaissent bien. Tous deux l’ont connu alors qu’il travaillait comme pompiste chez un concurrent pendant une quinzaine d’années, et ont déclaré qu’il n’était pas comme cela avant. Du moins pas avant qu’il ne se mette à consommer de l’ice.
Quatre litres de bières, du paka et de l’ice
À la barre, Alphonse semble perdu. Se balançant de droite à gauche tout en se triturant les mains. Dans ses yeux, nulle trace de méchanceté. Juste de l’incompréhension. D’une part de son geste qui lui vaut d’être là, et d’autre part de ce qui se passe autour de lui.
Le juge le questionne. « Pourquoi vous aviez pris un couteau ? » « J’sais pas, j’étais inconscient ce jour-là. D’habitude, je ne suis pas comme ça. » Et il y a de bonnes raisons de le croire vu qu’il avait ingurgité quatre litres de bières, du paka et de l’ice.
Toutefois, il affirme qu’il n’a pas pointé le couteau vers l’employée mais qu’il l’a simplement posé sur le comptoir et « j’ai dit que j’allais la braquer, mais après je suis parti à la maison chercher des sous pour le tabac. »
Une enfance pas très joyeuse
Son portrait dressé par un psychiatre laisse entendre une enfance pas très joyeuse. Né de père inconnu et enfant unique, il était le souffre-douleur de la famille. « On me tapait et quand je suis devenu grand, j’ai tapé à eux et mon tonton est parti à Vaiami car j’ai tapé à lui. »
Élevé par ses grands-parents, il a hérité d’eux une maison dans laquelle il a hébergé son cousin. Un cousin actuellement en prison pour trafic d’ice. « Il a été influencé par son cousin » dira le psychiatre qui précisera que « depuis, il tape les dealers pour leur voler la drogue », une activité qui lui rapporte plus de coups qu’autre chose, ajoutera-t-il. Pour lui, le fait qu’Alphonse se soit saisi d’un couteau « ne relève pas d’une dangerosité criminelle dans son cas. » Et de fait, Alphonse lui aurait confié, « je regrette d’être parti en cage. Quand je vais sortir, je demanderais pardon à elle. »
« Une histoire consternante et risible à la fois »
Pour le ministère public, « c’est une histoire consternante et risible à la fois. Mais toutefois les faits sont sérieux et les risques auraient pu être importants pour la victime. Cela aurait pu se terminer aux assises (…). Sa personnalité est inquiétante, il est intolérant à la frustration. Je vous demande de ne pas banaliser ce type de faits. » Deux ans de prison dont un avec sursis sont ainsi requis contre lui.
De son coté la défense met en doute l’affirmation de la caissière qui déclare qu’Alphonse a pointé son couteau vers elle. Pour elle, étant donné qu’il y avait une vitre de plexiglass qui la séparait d’Alphonse, elle estime que c’est la version d’Alphonse qui est la vraie. D’autant que lorsqu’il revient pour payer son paquet de tabac, personne ne lui interdit l’entrée de la station et personne ne s’oppose non plus quand il part.
Après en avoir délibéré le tribunal l’a condamné à deux années de prison dont 18 mois avec sursis avec son maintien en détention, obligation de soins, de trouver un travail ou une formation et aussi l’interdiction de reparaître à la station de service.