Radio1 Tahiti

Il pensait frapper avec le côté non tranchant de la lame…

©DR

Le tribunal correctionnel de Papeete a condamné un quadragénaire ce mardi à quatre ans de prison dont un avec sursis pour violence volontaire avec arme sur la personne de sa compagne. Les faits ont eu lieu au mois d’avril 2020 à Afareaitu, Moorea. Cette dernière aurait eu une liaison et lui aurait menti à diverses reprises, ce qui a finit par le mettre hors de lui. Le prévenu avait déjà fait l’objet de plusieurs condamnations et s’était rendu lui-même à la gendarmerie après cette agression. Sans l’intervention de la famille de la victime l’accusé reconnaît « qu’elle aurait pu mourir« . 

Une dizaine de coups de couteau suivis de lettres d’amour… c’est une relation toxique qui aurait pût coûter la vie à une jeune femme que l’on nommera H.T., le 24 avril 2020 à Moorea, dans le district d’Afareaitu. Elle était en couple avec F.T., mais la tension montait depuis quelques temps : d’abord des menaces proférées dans le vent pour un soupçon de tromperie… puis après une accumulation de mensonges, la situation est devenue insoutenable pour F.T.. Il suit sa compagne dans le cagibi et la plaque contre un mur en la menaçant. S’étant saisi d’un couteau qui sert habituellement à couper du poisson, il lui donne deux coups sur la tête. Dans ses déclarations il dit avoir pensé utiliser le côté non tranchant de la lame et s’être trompé. Maître Solenne Rebeyrol, avocate du prévenu depuis le début de l’affaire, explique que si « l’information judiciaire a initialement été ouverte pour tentative de meurtre, c’est à l’issue de l’instruction que les faits ont été correctionnalisés. » L’intention d’homicide ayant été remise en cause lors de l’audience, l’accusé a déclaré avoir voulu « faire mal » à sa compagne sous le coup de la colère. Cela aura valu un dizaine d’agrafes à la victime sur le haut du crâne. Les autres coups ont été portés aux flancs de H.T. et l’accusé comme la victime disent qu’ils seraient accidentels, donnés alors qu’elle se débattait, à son tour armée d’un couteau. Le tribunal a tout de même rappelé la gravité et la profondeur des plaies, qui ont conduit à des conclusions éloignées du simple accident.

« Reprendre sa vie en main » malgré un parcours chaotique

Consommateur de paka sevré et alcoolique depuis l’adolescence, F.T. avait déjà été condamné pour agression sexuelle, conduite en état d’ivresse au moment des faits. Si auparavant c’est l’alcool qui était identifié comme cause de ses méfaits, cette fois-ci il est bien question de son état psychologique. C’est sa mauvaise conception de l’amour qui l’aurait conduit à commettre ces gestes d’une grande violence. Lors de l’audience, il reconnaît avoir « perdu le contrôle » et qu’il ne « savait plus ce qu’il faisait » car « il était trop jaloux et avait peur de la perdre ». Son avocate évoque cette conception de la relation amoureuse comme associée à une appropriation de l’autre. Ainsi c’est le reflet de sa propre douleur qu’il aurait voulu infliger à sa compagne. Si une tentative d’homicide aurait été jugée en cours d’assises et lui aurait fait risquer 15 ans d’emprisonnement, il encourait 5 ans maximum devant le tribunal correctionnel, au regret de la procureure. Pour son avocate, la peine prononcée a « pris en compte la personnalité de monsieur, ses efforts et son positionnement ». Maître Solenne Rebeyrol expliquera lors de l’audience que dans son suivi psychologique au cours de son incarcération, qui dure depuis maintenant 16 mois, F.T. a « mis le doigt sur le problème ». Ce suivi psychologique doit ainsi être poursuivi et F.T. a déjà établi un projet professionnel pour sa réinsertion. Déscolarisé très tôt, il vient notamment d’obtenir son DNB et a entrepris de développer son activité de pêcheur. Son avocate rappelle qu’« il a toujours reconnu les faits qui lui étaient reprochés et aujourd’hui, après avoir repris ses esprits, il a du mal à se le pardonner mais il tenait à dire pardon à la victime. »

https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2021/09/Coups-de-couteau-Solenne-Rebeyrol-01.wav?_=1

Trois victimes indirectes qui protègent H.T.

Il est question depuis le début de l’affaire de l’ambivalence de la position de la victime. À peine sortie de l’hôpital, elle a retiré sa plainte et envoyé des lettres d’amour à l’accusé, empreintes de remords après l’avoir trompé. Pourtant ses enfants craignent le retour de F.T. dans la vie de leur mère et souffrent même s’ils n’en parlent pas forcément, car ils étaient quasiment aux premières loges. Au moment de l’altercation qui vire au drame, l’un des enfants de H.T. voit la scène au travers des louvres et va immédiatement prévenir sa grand-mère. C’est elle qui s’est interposée la première et qui a transporté sa fille à l’hôpital. Elle s’était constituée partie civile pour menaces de mort à son encontre et celle de sa fille. Questionnés, le prévenu et la victime ont tous deux nié se souvenir que de telles menaces aient été prononcées à ce moment-là… pourtant la mère de la jeune femme a bien obtenu gain de cause avec 150 000 francs de dommages et intérêts. Quant aux deux enfants désignés comme « victimes indirectes », leur mère ne leur a jamais proposé de se constituer partie civile, n’ayant pas d’avocat au début de l’instruction. C’est ce qu’a tenté de faire l’avocate de la victime Maître Kari-Lee Amour-Lazzari, en vain, car cela ne relève pas de la juridiction du tribunal correctionnel.  Si elle n’a pas obtenu reconnaissance du préjudice porté aux enfants de la victime, elle souligne que comme il a été remarqué par le tribunal, « les actes de l’accusé ne peuvent être justifiés par la jalousie, même s’ils expliquent certaines frustrations ».

https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2021/09/Coups-de-couteau-02-Kari-Lee-Amour-Lazzari.wav?_=2

Aujourd’hui, l’ancien couple dit vouloir se séparer sereinement et d’un commun accord. Madame aurait refait sa vie et monsieur déclare l’accepter. L’accusé reconnu coupable a déclaré qu’il ne ferait pas appel de la décision. Il est condamné trois ans d’emprisonnement ferme, et un an avec sursis.