Un septuagénaire comparaissait ce lundi devant la Cour d’assises pour meurtre. En 2015, il avait porté des coups fatals à l’arme blanche au concubin de sa nièce qui la frappait violemment et qui s’en était pris à lui alors qu’il tentait de s’interposer. Le procès se déroule sur deux jours.
Le 20 décembre 2015 à 20h30, le muto’i de Marokau aux Tuamotu, environ 80 âmes, contacte la gendarmerie de Papeete pour faire part d’un meurtre à l’arme blanche. Aussitôt la gendarmerie lui indique les premières dispositions à prendre, sachant qu’ils ne pourraient se rendre dans l’immédiat sur l’atoll. Ce n’est que 48 heures après les faits que deux gendarmes de la section de recherche, accompagnés d’un médecin légiste, arrivent sur les lieux du drame.
La victime, un jeune homme de 23 ans. Son meurtrier, 67 ans à l’époque des faits. Après plusieurs auditions du sexagénaire et des rares témoins, et une reconstitution, les hommes de la section de recherche sont arrivés à restituer le scénario de ce qui s’était passé.
Une après-midi arrosée à coups de komo et de vodka
Le 20 décembre 2015, J.C., la victime, passe l’après-midi à boire en compagnie de deux de ses amis à son domicile où se trouve aussi sa concubine. Du komo et de la vodka. En fin de journée, il s’absente et lorsqu’il revient ses deux amis ne sont plus là. Soupçonnant sa concubine de les avoir chassés, il commence à s’énerver et les coups pleuvent. Dans la chambre il l’attrape par les cheveux et lui cogne la tête sur le sol. Les cris qu’elle poussent alertent un voisin qui arrive en courant.
Quand il se présente sur les lieux, la bagarre se poursuit à l’extérieur. Il s’interpose et la jeune femme en profite pour s’enfuir vers le domicile de son oncle. Son tane la poursuit et l’attrape avant qu’elle ne pénètre chez l’oncle. Il l’attrape par les cheveux et tente de la ramener à son domicile, le voisin s’interpose une nouvelle fois, mais J.C. arrive à asséner une paire de claques qui laisse la jeune femme K.O.
L’oncle porte les coups fatals
Entretemps l’oncle, alerté par les cris, sort de sa chambre. Il assiste à la scène et tente de s’interposer alors qu’il s’appuie sur des béquilles. J.C. arrache l’une des béquilles à l’oncle et s’en sert pour le frapper à la tempe et au bras, lui occasionnant des hématomes visibles sur les photos qui ont circulé parmi les jurés. Groggy, l’oncle va s’asseoir sur une chaise et J.C part à la recherche de sa compagne, qui s’est enfuie. Peu de temps après, toujours assis sur sa chaise, sonné, l’oncle voit J.C. réapparaitre l’air menaçant. Prenant peur le sexagénaire s’empare de ce qu’il a à portée de main, une lance à cochon. Une perche de bois de 2,50 m au bout de laquelle est attaché un couteau de 33 cm.
S’ensuit une bagarre où l’oncle porte un premier coup de lance au niveau de la clavicule de son assaillant qui tente de s’emparer de la lame. Sur ses mains, le légiste relèvera des blessures de défense. L’empoignade se poursuivant, il tentera de faire passer l’oncle par-dessus lui en passant son bras autour de son cou et en lui présentant son dos. Deuxième coup porté par l’oncle au niveau des lombaires.
J.C relâche sa prise, fait quelques pas et s’écroule. Hémorragie interne massive, dira le rapport du médecin légiste.
Pas de témoin direct de la bagarre
Le souci dans cette affaire pour les forces de l’ordre, outre le fait qu’elles sont arrivés 48 heures après les faits, est qu’il n’y a pas de témoin direct de la rixe entre l’accusé et la victime. L’épouse de l’oncle s’était réfugiée dans la chambre, la nièce s’était enfuie et le voisin qui s’était interposé n’a rien vu non plus.
Le seul élément dont ils disposent, c’est la parole de l’accusé, 67 ans, qui se meut difficilement à l’aide de béquilles et qui a vu ce soir-là un grand gaillard de 23 ans et 1,86 m débouler en furie chez lui, et qui a pris peur. « C’est moi qui l’ai tué, qu’est-ce que vous vouliez que je fasse ? lancera-t-il lors de la reconstitution des faits, il me battait et allait peut-être tuer ma femme et mon petit-fils et ma nièce.» L’homme assume pleinement sa responsabilité.
« Il ne la tapait jamais sur le visage mais sur le corps »
Appelé à la barre le muto’i de Marokau expliquera que son cousin, la victime, s’il faisait bonne figure en public, avait une part d’ombre. « Il était plutôt cool quand on ne le connaissait pas, mais j’ai dû intervenir plusieurs fois à son domicile pour des violences conjugales. » Et d’ajouter, « il ne la tapait jamais sur le visage mais sur le corps. Elle n’a jamais porté plainte.» À la barre, la jeune femme de 29 ans confirmera les violences sur sa personne, principalement quand son tane avait bu.
Des questions en suspens
Pour l’avocate générale, l’accusé a volontairement porté les coups. Balayant d’un geste la légitime défense, « L’emploi de son arme pour se défendre était nettement disproportionné. » elle estime qu’il « s’est senti humilié par les coups reçus et a préféré frapper la victime plutôt que d’aller chercher de l’aide. » Et de rappeler qu’il encourt 30 ans de réclusion criminelle.
Si la victime avait des accès de violences quand il avait bu, il soupçonnait aussi sa concubine de le tromper. Soupçons sur lesquels l’avocate générale est revenue au moment d’interroger le muto’i. « Quelle est votre situation actuelle ? » « Euh, je suis toujours muto’i. », « Ce n’est pas de cela dont je veux parler, vous êtes marié, non ? » « Oui, avec J.M., l’ex concubine de la victime », « Et depuis quand êtes-vous ensemble ? » « Deux mois après les faits. » Déposant sous serment, il affirme qu’il n’était pas son amant au moment des faits, ce que confirmera la jeune femme à la barre, affirmant qu’elle était fidèle à son tane.
Le procès se poursuit demain avec les plaidoiries des parties civiles, et de la défense.