Deux couples, le premier, les parents biologiques de Hina*, le second ses parents adoptifs, comparaissaient le 15 février pour « provocation à l’abandon d’enfant », «soustraction d’enfant » et « faux dans un document administratif » , le père adoptif ayant déclaré l’enfant à son nom à l’état-civil. Alors que des peines allant jusqu’à un an de prison avaient été requises, le tribunal a finalement relaxé les quatre prévenus.
Forte émotion ce jeudi à l’annonce du délibéré de l’affaire jugée en comparution immédiate le 15 février dernier. Les deux couples de parents, les parents biologiques Serge et Séraphine, et les parents adoptants Patrick et Medhi, se sont livrés à une longue accolade lorsqu’ils ont compris qu’ils étaient relaxés. Un délibéré particulièrement long et technique pour expliquer pourquoi les deux couples n’avaient pas fauté.
Pour rappel, Patrick et Mehdi avait appris par une connaissance que Séraphine était enceinte, et qu’ayant déjà confié ses enfants à d’autres parents et qu’elle pourrait être susceptible de donner l’enfant à naître. Aussitôt un rendez-vous avait été fixé et un accord trouvé. Deux semaines plus tard Mehdi assistait à l’accouchement, donnait le premier biberon et le premier bain. Quelques jours plus tôt il avait fait une reconnaissance préalable de paternité en se désignant comme le père biologique avant d’en faire de même après la naissance. Un contournement des règles qui avait valu à Mehdi la menace d’une peine d’un an de prison. Des règles pas méconnues par ce dernier qui avait, dès le début, tenté de passer par la DSFE (Direction des solidarités, de la famille et de l’égalité) pour adopter un enfant. « On s’est renseigné. On ne s’est pas lancé dans cette démarche les yeux fermés. Quand nous sommes allés aux services sociaux la première fois pour faire notre demande d’agrément, ils nous ont dit clairement qu’ils étaient là pour nous accompagner dans le processus d’agrément mais qu’en Polynésie française, il n’y a pas de pouponnière, ce n’est pas comme en France. On nous a dit clairement que c’est à nous de trouver notre enfant, c’est à nous de nous mélanger aux Polynésiens et c’est ce que j’ai fait. »
Dans son délibéré, la présidente du tribunal a expliqué qu’il n’y avait pas de provocation à l’abandon d’enfant, la décision de donner l’enfant ayant été prise avant que les parents adoptifs n’apportent un soutien financier d’environ 114 000 Francs, que les dépenses étaient de nature à préserver la santé de la mère et les besoins alimentaires de la famille et que le « consentement des parents n’était pas provoqué par les dons et les avantages. » Concernant la reconnaissance de l’enfant par Medhi auprès de l’état-civil, les juges ont estimé qu’il ne s’agissait pas d’un faux, compte tenu du fait que la mère était bien inscrite, ne privant pas l’enfant de sa filiation. Logiquement, l’autorité parentale de Mehdi étant reconnue, il ne lui a pas été reproché non plus d’avoir soustrait l’enfant en le gardant à la sortie de la clinique. Une relaxe générale que n’avait même pas espéré Me Bennouar, l’avocat des deux couples qui avait plaidé la relaxe pour seulement 2 des 3 délits reprochés à ses clients. « Mehdi avait fait une reconnaissance en s’estimant investi du rôle et de la qualité de père. Il est allé au bout de ce raisonnement et le tribunal le suit car cet acte n’est pas irréversible et définitif. »
A l’issue de l’audience, Mehdi ne pouvait retenir ses larmes et espère pouvoir récupérer sa fille devant le juge pour enfants. Il espère aussi que Serge et Séraphine récupèrent leur deux autres enfants, placés suite à cette affaire.
Une affaire loin d’être terminée. Tout juste le prononcé délibéré, le procureur de la République Hervé Leroy, fidèle à la nouvelle politique du parquet en matière d’adoption, a annoncé son intention de faire appel.
*:prénom d’emprunt