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« Ils se sont dit que j’allais crever, et bien je suis toujours là »

Entouré de ses avocats, Oscar Temaru a salué « toutes les personnes qui nous ont soutenus, de loin comme de près » dans l’affaire Radio Tefana, après que la Cour de cassation a confirmé sa relaxe en début de semaine, ainsi que celle de Heinui Le Caill, Vito Maamaatuaiahutapu et de la station. Rappelant les conséquences politiques, physiques, psychologiques et financières que ce dossier a fait peser sur lui, Oscar Temaru a martelé qu’il ne se laisserait « jamais abattre ». « C’est un véritable désaveu à l’égard du parquet, qui a voulu l’assassiner politiquement », a ajouté Me Stanley Cross.

Oscar Temaru, Heinui Le Caill, Vito Maamaatuaiahutapu et les salariés de Radio Tefana peuvent enfin souffler. En début de semaine, la Cour de cassation à Paris a confirmé la relaxe prononcée par la cour d’appel de Papeete, dans l’affaire du financement de la station. Le tavana de Faa’a a convié la presse ce vendredi au siège du Tavini, pour célébrer cette victoire judiciaire, au terme d’un combat de près de six ans. « Il n’y a pas d’affaire Radio Tefana », clame haut et fort celui qui martèle avoir été victime d’une procédure politique. « C’est ma plainte pour crimes contre l’humanité à l’ONU et le tollé que ça a fait qui a déclenché tout ça », martèle-t-il. « Je n’oublierai jamais la sortie de ma première garde à vue, quand Me Jourdainne m’a dit, Tavana, je n’ai jamais vu ça, ils veulent votre peau ». On ne se rend pas compte des conséquences que cela a engendré. J’ai fait un AVC, ça m’a valu un zona à l’œil gauche. Et un beau jour, vous vous réveillez sans argent sur votre compte… » rappelle le président du Tavini, pour qui « c’est encourageant de se dire qu’il y a une justice ». Selon lui, le parquet et donc l’État « se sont dit que j’allais crever. Et bien je ne suis pas encore mort, je suis toujours là », s’amuse-t-il, ses yeux perçants éclairés d’un regard rieur.

« Ma famille peut lever la tête »

En qualité de président du conseil d’administration de la radio, Heinui Le Caill évoque lui aussi « un grand soulagement », après avoir « porté pendant six ans le poids d’une accusation infondée ». Ce qui a « engendré un vrai stress pour toute l’équipe ». Lui aussi mis en cause, Vito Maamaatuaiahutapu souligne les répercussions pour les familles. « Mes mootua n’osaient plus aller à l’école, car on traitait leur grand-père de voleur. Quand le président m’a appelé pour m’annoncer la décision de la Cour de cassation, mon épouse a fondu en larmes. Elle a appelé la famille pour leur dire qu’ils pouvaient lever la tête et marcher librement », s’émeut-il.

Une tentative « d’assassinat politique » pour Me Cross

Du côté des hommes de loi, Me Stanley Cross fait un parallèle avec l’exil forcé de Pouvanaa a Oopa. « Ce que Oscar Temaru a vécu pendant six ans, c’est ça. Pour être allé à l’encontre des intérêts de la France, on a voulu l’écarter et l’assassiner politiquement ». « Il y avait une volonté de l’État de tuer politiquement Oscar Temaru et donc le combat indépendantiste », répète-t-il. Après avoir rappelé la décision de la cour d’appel de Papeete, qui avait prononcé la relaxe après les condamnations en première instance, celui qui avait renfilé la robe pour voler au secours d’Oscar Temaru voit en la décision de la Cour de cassation « un véritable désaveu à l’égard (de l’ancien ndlr) procureur général ». La Cour ayant déclaré « non admis » le pourvoi en cassation du parquet, « cela redonne de la force à l’arrêt qu’avait prononcé la cour d’appel de Papeete, que touts les juristes devraient lire ». Pour l’avocat historique du Tavini « la justice a gagné », après que « le ministère public ait utilisé tous les moyens pour mettre la défense en difficulté ». Une allusion à l’enquête ouverte, en pleine procédure, sur la prise en charge par la mairie des frais de défense de son maire : « du jamais vu ».

Reste à récupérer les millions
Même son de cloche pour Me Thibaud Millet, autre conseil du maire de Faa’a, qui voit s’achever « un combat judiciaire sans précédent » et « une poursuite politique qui n’était pas fondée en droit, jusqu’au bout ». L’avocat tient à retenir « une note positive » : « C’est un soulagement pour la Polynésie de voir que nous ne sommes plus dans les années 1970. Nous avons des juges qui peuvent encore être indépendants. Les magistrats du parquet ne le sont toujours pas, puisqu’il sont soumis au ministère de la Justice, mais il faut retenir qu’il ne faut pas désespérer et garder espoir en la justice ». De l’espoir, il en faudra encore un peu à Oscar Temaru, qui attend désormais de récupérer les 11 millions qui avaient été saisis sur ses comptes. « Me Jourdainne s’en occupe, il faut attendre… s’il reste encore de l’argent », sourit-il. « C’est rapide de saisir, mais c’est toujours plus compliqué de récupérer, ce sont des procédures assez longues », conclut Me Millet.

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