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Immigration, immobilier… La Polynésie va « suivre de près » le référendum calédonien

La mission d’information sur les conséquences de l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie a rendu son rapport, ce jeudi, à l’assemblée. Un document, qui établit, sans certitude, un risque d’émigration importante depuis le Caillou en cas d’indépendance ou d’instabilité, et évoque de potentielles conséquences sur l’emploi ou l’immobilier. Édouard Fritch a appelé à éviter la psychose, et assure que les Calédoniens, ou leurs investissements, seront bien reçus.

Que se passerait-t-il au fenua si la Nouvelle-Calédonie devenait indépendante ? La question se pose depuis longtemps parmi les dirigeants polynésiens. L’ouverture d’un cycle de consultation sur l’avenir institutionnel du Caillou avait rendu la réponse de plus en plus urgente. C’est la raison pour laquelle l’assemblée avait mis sur pied une mission d’information sur le sujet en 2018. Pas question de « prendre parti » dans les scrutins d’autodétermination, mais d’étudier, et surtout quantifier, les conséquences d’un « oui », d’un « non », ou d’une période d’instabilité de la Calédonie pour la Polynésie. Une étude d’autant plus nécessaire que les résultats des deux premiers référendums se sont avérés bien plus serrés que prévu (56,7%, puis 53,3% de voix pour le « non » à l’indépendance) et que le troisième vote, prévu, malgré les contestations, pour ce 12 décembre, risque d’être organisé dans un climat tendu. Après plusieurs étapes, de multiples auditions et deux sondages menés auprès des Polynésiens du Caillou en 2018, puis, en début d’année, auprès des différentes communautés de l’archipel, cette mission a présenté son rapport, ce matin à Tarahoi.

Que ce passera-t-il à la réouverture des vols ?

Le chiffre le plus marquant de ce rapport était déjà connu depuis le mois d’avril : l’indépendance pourrait motiver un déplacement éventuel de plus de 200 familles ayant des attaches au fenua, et de 3 000 de plus qui n’en ont pas encore. Soit entre 9 000 et 10 000 personnes. Des chiffres qui dénotent surtout « une incertitude » parmi la population calédonienne, a rappelé le rapporteur du texte, Philip Schyle, mais qui sont à prendre avec prudence. « Ces réponses sont très dépendantes du contexte », très tendu sur le Caillou au moment de ce sondage. La crise Covid a bien bien sûr aussi joué sur l’état d’esprit des Calédoniens. « Dans les auditions, certains ont évoqué le fait que beaucoup de Calédoniens étaient venus en Polynésie avant la suspension des liaisons aériennes pour prospecter, pour investir ou pour des logements, reprend l’élu Tapura. Est ce que lorsque les frontières rouvriront, ces mêmes Calédoniens auront l’intention de venir ici ? La question se pose ».

Dans l’hémicycle, certains saluent chaudement ce travail quand d’autres regrettent un rapport incomplet, laissant un « goût d’inachevé », ou des données statistiques inexistantes. Tous s’accordent en revanche à dire que le travail doit se poursuivre et que les autorités doivent mener une veille appuyée de la situation calédonienne. Aussi Édouard Fritch confirme la « pertinence » de l’idée de créer un « observatoire des flux migratoires et des investissements ». « Notamment quand il s’agit de protéger l’emploi local » précise le président, qui se montre aussi favorable à la réouverture d’une délégation polynésienne à Nouméa et d’une délégation calédonienne à Papeete. La direction des Affaires foncières pourrait aussi être sollicitée et les services encouragés, plus généralement, à « suivre de près » le sujet.

L’accueil plutôt que la « psychose »

Mais pas question de tomber dans la « psychose d’un envahissement de nos îles, car la réalité n’est pas celle-là ». Les envies de départs des Calédoniens ne seraient, d’après le président, pas si massives et pas tournées prioritairement vers la Polynésie. Quant à la pression sur les prix de l’immobilier déjà observée au fenua, elle serait, d’après la chambre des notaires, plus liée à la rareté des biens qu’à des investissements extérieurs. « Notre espoir c’est que, quel que soit l’option qui sera prise à l’issue de ce processus électoral inédit, les Calédoniens trouvent ensemble, toute communautés confondues, les chemins du « vivre ensemble » qu’ils appellent de leurs vœux, explique le chef du gouvernement. De notre côté, le cas échéant, nous saurons accueillir avec dignité celles et ceux qui veulent venir ici partager leurs vies et leurs compétences (…) Nous sommes un peuple d’accueil, et cela d’autant qu’il s’agit de nos frères de Calédonie ». Honorer la tradition océanienne d’accueil, tout en se préservant des conséquences sur l’emploi ou sur le foncier… L’équation parait difficile. « D’autant plus que les Calédoniens sont français et la Polynésie française doit les accueillir sans faire de distinction », précise Philip Schyle.

Le débat a aussi été l’occasion, pour Édouard Fritch, de rappeler à quel point la Polynésie était concernée par les mouvements diplomatiques actuels, qu’ils concernent l’axe Indo-Pacifique promu par Paris, l’initiative Aukus menée par les États-Unis, l’Australie et la Grande-Bretagne, ou les nouvelles Routes de la soie portées par la Chine. « Il faudra faire avec et, en concertation avec la France, pour gérer au mieux nos intérêts dans ce nouvel environnement », précise le président pour qui, quel que soit l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, les deux collectivités « ont tout intérêt à coopérer sur les plans économiques, culturels et sanitaires avec tous les pays et tous les acteurs de sa région ».

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