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Inceste au tribunal : « C’est le travail de tonton de faire du mal »

©MB/Radio1

Le tribunal de Papeete a condamné un quinquagénaire à 7 ans de prison ferme pour attouchements sexuels commis sur sa nièce âgée de 6 ans et 11 mois au moment des faits. Le prévenu avait déjà été condamné pour des faits similaires et les a toujours niés. Depuis, la fillette présente lors de l’audience souffre depuis les faits qui remontent au mois d’août 2020, de troubles de l’attention, du sommeil, d’hallucinations. La famille et leur avocat dénoncent le silence trop courant en Polynésie sur le sujet.

L’inceste est un sujet encore tabou en Polynésie, et pourtant c’est le quotidien de Me Karina Chouini, qui a plaidé au tribunal correctionnel pour une enfant de 7 ans, ce matin. Le père de la victime avait confié la garde de ses filles pour une dizaine de minutes à son frère, pendant lesquelles il glisse sa main dans le short de l’aînée et lui caresse le sexe. L’enfant se dégage mais n’ose pas encore en parler. Puis dans leur maison, où elles sont de nouveau sous sa surveillance, il va plus loin et la déshabille, la touche plus encore et lui propose même de « faire l’amour dans la chambre ». L’enfant refuse, consciente malgré son âge que ce sont des choses réservées aux adultes. Elle parvient à s’éloigner et en parle à sa petite sœur, qui prévient leur père. La seule réaction de l’oncle, quand son frère le confronte, est d’enfiler ses chaussures pour partir. Celui-ci, atterré, le rattrape pour en découdre et finit par porter plainte.  Dans l’une de ses dépositions, la petite fille dira : « C’est le travail de tonton de faire du mal ». Le tribunal a condamné le prévenu à 7 ans de prison ferme pour agression sexuelle incestueuse sur mineure en récidive. En 2021, la parole d’une enfant et des éléments d’expertise psychologique suffisent pour que la justice reconnaisse un viol. La mère de la victime évoquait plusieurs de ses cousines qui ont été détruites par des faits similaires et qui n’en ont pas parlé, comme c’est le cas de beaucoup de victimes. L’avocate de l’accusation explique que ces victimes « ont peur d’être rejetées par leurs familles et de ne pas être crues ». Le problème que cela pose, « à force de garder le silence, c’est la récidive des agresseurs qui recommencent encore et encore sur des petites filles », soulève Me Chouini. « La raison pour laquelle il est en détention, personne ne le sait, on n’en parle pas. »

« Ma vie, elle va changer en mauvais état »

La victime et sa petite sœur de 6 ans ont été élevées dans un foyer où le dialogue est entretenu, avec une scolarité prometteuse. Aujourd’hui, plus d’un an après les faits, l’enfant a des hallucinations, des troubles de l’attention et du sommeil et souffre de stress post traumatique, palpitations et absences incluses. Si cela n’a pas été plus loin, c’est parce qu’elle a pu en parler. L’avocate de la famille a tenu a ne pas demander de huis clos, pour briser un silence qui dessert complètement les victimes. « Le message que j’aimerai passer aux petites filles, à leurs mamans et aux parents : éduquez vos enfants pour qu’ils n’aient pas peur de vous parler de ce qu’il se passe dans leurs vies, ayez le courage de favoriser la discussion dans les familles ». 

La famille découvre le casier judiciaire chargé de l’oncle

Dans ses réquisitions, le procureur a déclaré que « les adultes doivent représenter un socle de sécurité ». Cela n’a pas été le cas ici, ni dans les nombreuses affaires similaires au fenua. 70% des atteintes aux personnes sont commises au sein des familles… Cet oncle d’une cinquantaine d’années est père de quatre enfants, plutôt à l’écart de sa famille à cause des faits de pédophilie qui lui sont reprochés depuis son adolescence. Le frère de l’accusé ignorait qu’au moment où ses filles le rencontrent pour la première fois, il est en sursis probatoire avec interdiction d’approcher les personnes mineures pour agression sexuelle. Son casier judiciaire, lui et sa femme l’ont découvert lors de leur passage devant la justice. Il avait déjà été condamné quatre fois pour des faits similaires, commis sur des inconnues en pleine nuit, ou sur ses propres enfants. Au moment où le juge le questionne, le prévenu n’a pour défense que l’absence de preuve matérielle des faits qui lui sont reprochés dans toutes les affaires dans lesquelles il a été mis en cause. Il se montre insensible à l’emprisonnement qui lui est devenu familier. Son suivi psychologique a pris fin car il n’en comprenait pas le sens, et l’expert déclare la réinsertion difficilement envisageable. L’avocat de la défense soulève d’ailleurs la question « qu’est-ce qu’il va devenir? » Quels soins lui seront-ils donnés pour qu’il change avant de sortir de nouveau de prison ?

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