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Indemnisation du nucléaire : des « petites avancées », « mais surtout des lacunes »

58 ans après le premier essai français dans les Tuamotu, Moruroa et tatou a rassemblé plus d’un millier de personnes dans les rues de Papeete et à Paofai ce 2 juillet. En pleine campagne de l’entre deux tours, les politiques ont été éloignés des micros, mais une bonne partie des discussions leur était adressés. Philippe Neuffer, avocat de l’association et cadre de l’Église protestante maohi, se félicite de l’apparent consensus sur l’amélioration des procédures d’améliorations… Mais peine pour l’instant à y voir autre chose que des déclarations.

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Pas d’élus au micro. La consigne avait été claire du côté de Moruroa e Tatou et de l’Église protestante maohi (EPM), un peu échaudées d’avoir été privées, ce dimanche, de leur émission religieuse pour cause de campagne électorale. Ça n’a pas empêché certains élus – Tony Géros ou Heinui Le Caill, entre autres – d’être présents au parc Paofai, où ont convergé les trois cortèges de cette marche du 2 juillet. Ça n’a pas empêché, surtout, les politiques d’être interpelés dans les discours et surtout les discussions entourant le rassemblement d’un millier de personnes. « Je suis ce maohi de souche ou d’adoption que vous avez trahi-menti-trompé », lançait ainsi, à l’adresse de « tous les dirigeants de tous bords », une grande banderole siglée EPM.

Compte à rebours des indemnisations

Si Moruroa e tatou et son bureau rajeuni estiment que « le grand travail est dans les consciences », les demandes politiques et juridiques sont bien sur la table, comme chez 193. Reconnaissance du « préjudice propre » des ayant droits, « comme c’est le cas par exemple sur l’amiante », extension de la liste des maladies indemnisables à des « spectres  » plus larges de pathologies, suppression, bien sûr, du seuil minimal d’exposition aux rayonnements ionisants, « principal obstacle à une indemnisation juste des victimes »… Philippe Neuffer, avocat de l’association et cadre de l’église protestante maohi, rappelle qu’un autre obstacle, temporel cette fois, « est aussi de nature à freiner les indemnisations ».

« Les ayants droits des personnes qui ont eu une pathologie radio-induite et qui sont décédées avant 2018 ne peuvent plus réclamer d’indemnités au titre de la loi Morin après le 31 décembre 2024, explique-t-il. C’est déjà pas facile pour les ayant-droits de s’engager dans la voie de l’indemnisation parce que ça convoque des souvenirs qu’on a plutôt envie d’enfoui. Si en plus on oppose une prescription, là c’est injuste ».

« Gestion financière » plutôt que « vraie réparation »

Aucun doute pour l’avocat, si ces demandes de changements ne sont pas bien reçues à Paris, c’est que l’État est dans une optique de « gestion des fonds publics » plutôt que « de vraiment réparer le tort qu’il a causé en Polynésie et en Algérie ». À l’entendre, pourtant, la loi, dans son état actuel, ne permettra pas de mettre fin « au fort sentiment d’injustice » qui perdure en Polynésie. Philippe Neuffer appelle donc la classe politique locale, qui a affiché, durant cette campagne législative expresse, un semblant de consensus sur le nucléaire à passer des discours aux actes. Et reconnait que pour les militants, la fin du tabou et du clivage sur le sujet a quelque chose de réjouissant. « Quand on a commencé le combat, on était considérés comme des malfrats à oser s’en prendre à la parole de l’État. Aujourd’hui, tout le monde est d’accord pour dire que l’État a menti et l’État doit réparer, donc c’est vraiment une grande source de satisfaction, il y a plus ce clivage dans la société polynésienne, maintenant, il faut aller encore plus en avant. Et même s’il faut reconnaitre cette petite avancée, il faut reconnaitre les lacunes et ce qu’il reste encore à faire ». 

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