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Janssen : 30 000 Polynésiens à revacciner ?

Certaines études le suggéraient, les autorités nationales l’ont confirmé : le vaccin Janssen protège moins efficacement du Covid que le vaccin Pfizer. En métropole, les bénéficiaires du sérum monodose sont appelés à retourner dans les centres pour une injection de vaccin à ARNm. Au fenua pas d’appel, mais une « réflexion est en cours ». Elle a des implications : près d’un quart des vaccinés polynésiens sont concernés.

Ce devait être un outil de relance de la campagne de vaccination : validé en mars par les autorités sanitaires européennes et nationales, le sérum Janssen est venu compléter l’offre de vaccins contre le Covid en Polynésie fin avril. Si Édouard Fritch se félicitait alors que le fenua fasse partie des premiers territoires livrés, c’est que ce sérum développé par le laboratoire américain Johnson & Johnson avait, sur le papier, de sérieux atouts. Vaccin à vecteur viral, il pouvait susciter moins d’inquiétudes – et était moins ciblé par la désinformation – que la technologie « nouvelle » de l’ARN messager, utilisée par Pfizer ou Moderna. Mais le sérum est surtout plus facilement conservable que ses concurrents et est le seul, à ce jour, approuvé en France avec un protocole monodose. Pratique pour ceux qui veulent s’épargner une seconde piqûre, ou pour vacciner les zones et les îles isolées. Lors des missions de vaccination du Pays ou de l’armée dans les Tuamotu ou à Rapa c’est ainsi Janssen qui est embarqué.

Sauf que tout ne se passe pas comme espéré. Dès ses premiers mois d’utilisation, le vaccin de Johnson & Johnson, comme celui d’AstraZeneca qui n’a jamais été disponible au fenua, est pointé du doigt pour ses effets secondaires, et notamment un risque de caillots sanguins. Des évènements « très rares » – ce risque de thrombose est au moins 10 fois plus fort lors d’une contamination au Covid – mais effectivement constatés par les autorités sanitaires. Certains pays suspendent, puis reprennent, ou non, l’utilisation de ces vaccins. La France les réserve aux plus de 55 ans, sauf « lorsqu’aucune alternative n’est disponible ». En métropole, l’utilisation du vaccin Janssen est donc restée très limitée – environ un million de doses, soit 2% des vaccinés à ce jour, et une utilisation aujourd’hui très rare – mais pas au fenua. La Polynésie, mettant en avant les défis particuliers de sa campagne de vaccination, propose dès le mois de mai le sérum à tous les plus de 18 ans. Et aujourd’hui, d’après la plateforme Covid, 29 689 personnes avaient reçu une dose de Janssen. Soit 23% des Polynésiens pleinement vaccinés à ce jour.

« Laisser le choix » aux volontaires

Autant de volontaires qui peuvent aujourd’hui se poser des questions sur leur niveau de protection. Le 24 août, la Haute autorité de Santé constatait que les « données disponibles ne permettent pas de confirmer l’efficacité à long terme du schéma de vaccination à une dose du vaccin Janssen contre le variant Delta ». L’organisme national de référence en matière sanitaire recommande donc une « dose de rappel avec un vaccin à ARNm » quatre semaines après l’injection « monodose », effaçant d’un seul coup les deux principaux arguments d’utilisation du Janssen. Un coup dur confirmé, ce weekend, par l’Agence nationale de sécurité du médicament, qui rapporte une quantité non négligeable « d’échecs vaccinaux » – des personnes pleinement vaccinées qui développent tout de même une forme grave de la maladie – et une surreprésentation des vaccinés Janssen parmi la petite minorité de personnes vaccinées en réanimation Covid. « Pas d’inquiétude » analysent les experts : le protocole monodose de Janssen n’est ni dangereux ni inutile, il est seulement décevant face au variant Delta, et confère probablement une protection moindre que ses concurrents. Notamment le vaccin Pfizer, choisi par plus des trois quarts des vaccinés Polynésiens, et dont les derniers résultats sont rassurants sur le plan de la pharmacovigilance comme de l’efficacité.

Si ces nouvelles informations ont été abondamment commentées en métropole, les autorités polynésiennes, qui suivent pourtant, pour l’essentiel, les recommandations nationales, n’ont pour l’instant pas réagi officiellement. À ce jour, le vaccin Janssen est toujours proposé à tous les adultes, au centre de vaccination de Mamao et de Taravao, ainsi que dans la plupart des vaccinodromes. À la plateforme Covid, toutefois, on assure que les personnes désirant compléter leur schéma vaccinal Janssen par une dose de vaccin Pfizer peuvent le faire dans tous les centres de vaccination. Une dose supplémentaire « optionnelle », donc, et qui pourrait devenir « recommandée » dans les semaines à venir. Sur cette question, comme sur la poursuite de l’utilisation du vaccin Janssen, « une réflexion est en cours » confie un responsable. L’essentiel resterait aujourd’hui de « laisser le choix » aux personnes voulant se faire vacciner : même si elle est loin d’être optimale, le vaccin Janssen « confère tout de même une protection ». Et fait grimper les taux de vaccination. Si tous les bénéficiaires de Janssen n’étaient plus considérés comme « pleinement vaccinés », le taux de couverture vaccinal des plus de 12 ans tomberait de 55% à 43%.

Les doses supplémentaires « optionnelles » au fenua

Dans son avis du 24 août, la Haute autorité de Santé recommandait aussi une dose de rappel de vaccin pour « les personnes de plus de 65 ans, ainsi que pour les personnes présentant des comorbidités » dans un « délai de 6 mois suivant la primovaccination complète ». Là encore, pas de recommandation officielle en Polynésie sur la question. En revanche, la plateforme Covid rappelle que les personnes les plus fragiles (immunodéprimés, greffés, comorbidités sévères…) se sont déjà vu proposer cette troisième dose ces derniers mois. Les personnes âgées, elles, peuvent en faire la demande dans les centres classiques si le délai est respecté. Mais la « recommandation officielle » ne devrait pas arriver avant courant octobre. Le temps pour la crise épidémique de passer, et pour les livraisons de vaccin de s’accélérer. Les personnes qui ont bénéficié d’un schéma vaccinal Pfizer en une dose après une contamination Covid peuvent elles aussi, si elles le souhaitent, demander une dose supplémentaire. Là encore, cette seconde dose est optionnelle.

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