L’un a des origines de Raiatea par sa mère, l’autre est né à Papeete mais a grandi en Bretagne, quand le troisième a joué 13 ans à Tahiti avant de rejoindre la métropole. Matéo Degrumelle, Teva Lossec et Paolo Haussner, tous trois passés par des centres de formation de clubs professionnels, ont fait des milliers de kilomètres pour honorer leurs premières sélections avec les Toa Aito. Ils jouent ce soir (22 heures) un match décisif contre les îles Mariannes du Nord. Présentation.
Matéo Degrumelle, le feu follet havrais
Les latéraux fidjiens vont longtemps se souvenir de cet ailier aux dribles infernaux. Lors du premier match disputé avec la sélection tahitienne (0-0), Matéo Degrumelle a étalé toute sa palette technique, un cran au-dessus de tout le monde sur le terrain « Skills, skills », s’enthousiasmaient les spectateurs salomonais à chacune de ses percées sur l’aile.
A 20 ans, ce Normand a déjà connu le monde pro : deux matchs en Ligue 2 avec Amiens. Il joue désormais dans la réserve du Havre, club de Ligue 1 métropolitaine où il compte bien décrocher un contrat pro l’an prochain. « On sent qu’il a l’habitude du haut niveau : il est rapide, il a le rythme et l’exigence. Avoir un joueur qui évolue à ce niveau, c’est très positif », souligne le sélectionneur Samuel Garcia.
Matéo est éligible avec la sélection car sa mère est de Raiatea. Il a intégré les Toa Aito car « je connaissais bien la légende locale Toni Hiro, qui a parlé de moi à Venance Tamu », membre du Comex de la FTF. « On m’avait déjà contacté l’an passé, mais mon club n’avait pas voulu me libérer. Heureusement, Le Havre a accepté cette année, le coach a été très compréhensif », sourit celui qui se décrit comme un joueur « très provocateur, qui (se) donne beaucoup, qui donne toujours tout ». Un état d’esprit qui se fond dans le moule de la sélection tahitienne. « Je suis arrivé seulement deux jours avant les Jeux et j’ai été super bien intégré, avec l’impression de retrouver une famille ». « Quand tu est un bon joueur c’est facile de s’adapter. Les mecs sont des gars sympa, il n’y a pas d’animosité ou de jalousie, l’état du groupe est très bon », relève Samuel Garcia.
Capable de jouer à tous les postes offensifs, mais aussi défenseur latéral droit, Matéo sera l’un des joueurs à suivre ce soir contres les Mariannes du Nord, face auxquelles les Tahitiens doivent gagner par dix buts d’écart s’ils souhaitent se qualifier en demi-finales des Jeux (une question de goal-average, Fidji ayant gagné 10-0 contre les Nord-Mariannais). Un évènement « extraordinaire » pour le joueur, qui s’adapte à un football « athlétique et courageux ». Outre son un contrat pro, il aimerait s’inscrire dans la durée avec la sélection tahitienne.
Teva Lossec, de la Bretagne à la côte Est américaine
Des trois, il est le seul à être né au fenua, il y a 20 ans, à Papeete où son père avait été muté. Mais il n’y est resté que deux ans, avant de partir en Bretagne où il a débuté le football. D’abord attaquant, Teva est replacé défenseur latéral gauche lorsqu’il intègre le centre de formation du Stade Brestois. Il y fera toutes ses classes, avant de décrocher un contrat stagiaire. « Mais l’année dernière le club n’a pas souhaité me proposer un contrat professionnel ».
« Sans regret, car j’ai tout donné », le défenseur s’est donc envolé cette année pour les États-Unis, où une bourse d’études l’attendait pour jouer au plus haut niveau universitaire, à la Campbell University (Caroline du Nord). « Ca fait un petit moment qu’on le suit, on l’a contacté quand on a appris qu’il partait pour les USA. C’est intéressant pour l’équilibre, car c’est un gaucher », relève Samuel Garcia. « Quand on m’a appelé, j’ai tout de suite dit oui. Jouer pour le pays n’est pas donné à tout le monde », sourit le défenseur, dont la tante vit toujours sur Tikehau. Pour faire les Jeux, il a dû convaincre son université de le laisser partir un mois : « mes entraîneurs sont très heureux pour moi, mais il ont dû beaucoup négocier avec l’université ».
Teva Lossec est un gaucher combattif. Contre Fidji, il a d’ailleurs terminé perclus de crampes, « la preuve que j’ai tout donné ». L’ancien Brestois se présente comme un joueur valeureux, aimant « attaquer et défendre ». « J’adore les duels et l’agressivité, mais aussi me retrouver dans la surface, j’ai d’ailleurs marqué deux buts cette année avec mon équipe, c’est important pour un latéral moderne de savoir bien attaquer », détaille-t-il.
Ce soir contre les Mariannes, il devrait toutefois débuter défenseur central. « Je suis content, j’aime aussi relancer proprement, je m’acclimate bien dans l’équipe », dit-il. Dans les mois à venir il compte taper dans l’œil des clubs professionnels américains : « j’ai toujours voulu être pro, je n’étais pas loin en France et je vais tout donner aux USA. Mais pour ça il faut faire de bonnes performances individuelles et surtout collectives. » À commencer par la rencontre de ce soir avec les Toa Aito.
Paolo Hausner, le retour de l’enfant de Tefana
Il est celui qui connaît le mieux Tahiti, puisqu’il y a vécu treize ans. « Jai commencé le foot à la Jeunesse tahitienne avant de jouer pour Tefana, donc je connaissais déjà certains joueurs », raconte ce milieu de terrain de 21 ans. Après un passage par le centre de formation d’Auxerre, il joue désormais en Régional 1 en métropole. Selon le sélectionneur, « c’est un joueur qui doit encore progresser mais qui a un bon état d’esprit. On est contents de l’avoir, car ça fait un petit moment qu’on le suit ».
Comme Matéo, Paolo Haussner est un joueur offensif, capable d’évoluer un peu partout en attaque. « Mais je suis surtout un joueur de couloir, de vitesse, de percussion et surtout de profondeur », détaille-t-il. Son arrivée dans la sélection, après avoir rencontré Samuel Garcia en juillet dernier, n’a pas été des plus facile, puisque son club a eu du mal à le libérer. « On jouait un match de Coupe de France, contre Pirae, donc ça n’a pas été évident de partir », raconte l’ailier, arrivé à Tahiti trois jours avant les Jeux.
S’il a été « très bien accueilli et naturellement intégré dans l’équipe », il a eu besoin « d’une petite adaptation au niveau du jeu » pratiqué en Océanie. « C’est très physique au niveau de l’engagement, alors qu’on France on est plus axés sur la technique, il m’a donc fallu une petite adaptation. »Aux îles Salomon, Paul dit vivre « une expérience de ouf ». La sélection nationale ? « J’ai encore du mal à m’en rendre compte, c’est exceptionnel et je suis plus que fier de représenter Tahiti ».
Ce soir contre les îles Mariannes, « nous avons toutes les qualités offensives » pour mettre les dix buts nécessaires, affirme l’ailier. Après les Jeux, il retournera en métropole, où un nouveau match de Coupe de France l’attend contre son club formateur, l’AJ Auxerre. Concernant son avenir en sélection, « je me tiens à disposition du coach ».
Il ne fait pas non plus une croix sur le monde pro : « de ma génération à Auxerre, seul un joueur a signé professionnel. C’est très aléatoire, il faut être là au bon moment et tomber sur les bons coachs. Mais ce n’est pas terminé, on ne sait jamais ce qu’il peut se passer ».