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JO, Fukushima, Indo-Pacifique, jour férié… L’Église protestante maohi liste ses revendications

Le président de l’EPM, François Pihaatae, avec un représentant régional des églises protestantes. ©C.R./ Radio1

Le 138e synode de l’Église protestante maohi s’est achevé, ce dimanche, à Maatea, sur l’île de Moorea. Comme d’habitude, les discussions ont touché à beaucoup de sujets politiques et de sociétés. La congrégation, fervente soutien de la cause indépendantiste, demande aussi à la France, au Pays ou aux états du Pacifique de couper leurs liens avec le Japon, de ne pas associer le terme de « Paris 2024 » avec Teahupo’o, de rejeter les « manœuvres » de la Chine et des États-Unis… Ou encore de faire de la date de sa création un jour férié annuel.

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Une semaine de prières et de discussions, et une liste de demandes digne d’un cahier de revendications. Le synode annuel de l’EPM, organisé pour cette 138e édition à Moorea, est comme d’habitude le moment de travailler sur l’organisation de la congrégation, de consacrer de nouveaux pasteurs, d’en déplacer d’autres, de remercier les « serviteurs de l’Église partant en retraite » ou décédés, de fixer des thèmes de réflexions bibliques pour les mois à venir, de parler des formations religieuses et des écoles privées affiliées, de faire un point sur les finances… L’occasion aussi, de réaffirmer le rôle que cette église protestante, la première du pays en termes de fidèles, estime avoir dans le pays : celui de « diriger » le peuple maohi de « guider dans sa vie », de défendre ses terres, ses langues, et ses droits… Bref, le « sauver », au travers notamment de la lutte pour sa « pleine autonomie », que l’EPM porte dans toute la région, et même à l’ONU, où elle envoie chaque année des pétitionnaires. L’occasion, enfin, de s’exprimer sur plusieurs débats de société et d’actualité.

Couper les ponts avec le Japon

L’EPM a par exemple condamné, lors de ce synode, le déversement par la Japon d’eaux contaminées et retraitées de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon. Des rejets dans l’océan Pacifique – le grand océan Moana-Nui-Hiva – « sans demander notre avis » pointe l’église, qui rejoint dans ce combat, le Tapura, les associations anti-nucléaires, dont Moruroa e Tatou, qui lui est associée, et plusieurs états de la région. Mais les moyens d’actions mis en avant par l’église maohi sont plus costauds que la moyenne. Le Conseil supérieur de l’église, toujours dirigé par François Pihaatae, confirmé au poste de président, exhorte le gouvernement polynésien de condamner ce « crime contre l’humanité » –  « cela suffit avec Moruroa et Fangataufa » – et l’ensemble des pays du Pacifique à « ne plus signer aucun traité avec le Japon ». Même l’État, régulièrement accusé « d’esclavagisme » et, lui aussi, de « crimes contre l’humanité » dans ces synodes, est pris à partie pour « résilier tout éventuel accord avec le Japon qui lui permet de considérer le Pacifique comme dépotoir de ses déchets radio-actifs ».

Pas de « Paris » à Teahupo’o

Paris est aussi interpellé sur la question de l’organisation des épreuves de surf des Jeux Olympiques à Teahupo’o. Par sur son principe – « le Conseil Supérieur n’a pas d’avis sur la compétition de surf » – mais sur le nom supposé de l’évènement. Ces JO prennent, comme d’habitude, le nom de la principale ville organisatrice, en l’occurrence Paris 2024, nom du comité organisateur et que l’on retrouve dans toute la communication autour de l’évènement. « Maohi Nui est le nom de ce pays », s’indigne le conseil qui croit savoir que le nom de Teahupo’o aurait été « changé » en Paris 2024. Une impression peut-être donnée par des affichages olympiques au PK0, qu’il n’a bien sûr jamais été question de rebaptiser. L’église, en tout cas, estime que l’épreuve de surf doit être nommée Teahupoo 2024, sans référence à Paris. En outre, « il n’est pas utile de faire venir 600 gendarmes pour assurer le maintien de l’ordre pendant cet évènement, précise le communiqué final du synode. Il n’y a pas de terroristes à Maohi Nui. Les maohi peuvent à eux seuls assurer la sécurité des maohi pour cet évènement ».

Ni la France, ni les Etats-Unis, ni la Chine

Fidèle à ses discours passés, l’EPM demande aussi au gouvernement central de « restituer toutes les terres dites ‘présumées domaniales’ entre les mains du peuple, car celui-ci est le véritable propriétaire des ces terres ». Mais l’église s’intéresse surtout à l’axe Indo-Pacifique promu depuis plusieurs années par Paris. Un « axe géoéconomique de grandes nations », comme la France, les États-Unis ou la Chine, toutes renvoyées dos à dos, une « stratégie prédatrice » pour « s’accaparer le pouvoir de gouverner ce monde en s’appropriant les richesses propres, les ressources vitales, en imposant leur standard de gouvernement, pour mieux les maintenir sous leur domination ». « C’est ce qui nous arrive » insiste le Conseil supérieur de l’EPM, qui se dit « préoccupé » par le poids pris dans la région par les deux « puissances nucléaires mondiales que sont les États-Unis d’Amérique et la Chine ». « Compte tenu de notre relation coloniale avec la France, cette situation est de nature a confiner encore et davantage le peuple polynésien physiquement et psychologiquement, afin de retarder l’accès à notre pleine souveraineté », écrit l’église. Seul moyen, selon elle, de « protéger les ressources propres » du fenua : la reconnaissance du peuple maohi, de la citoyenneté maohi et de sa « pleine autonomie ». Le message est aussi plus régional : les « chrétiens de Moana-nui-a-hiva » sont appelés à « s’unir pour exprimer notre refus de ces manœuvres et de les combattre ».

Le 1er septembre, jour férié au fenua ?

Dernier appel de cette longue liste, cette fois adressée « humblement » à Moetai Brotherson et son gouvernement. Faire du 1er septembre, date de l’autonomie de l’Église évangélique de Polynésie française vis-à-vis des instances nationales du protestantisme en 1963 (elle ne deviendra l’Église protestante Maohi qu’en 2004), un jour férié au fenua. Une demande étonnante quand on sait que l’EPM elle-même n’avait jamais célébré cette date du 1er septembre avant cette année, pour le soixantenaire. Peut-être que le manque de fidèles à s’être déplacé cette année – un vendredi, en semaine – a inspiré les responsables du mouvement, qui estime que ces célébrations pourraient permettre de rappelé au peuple que « la source de sa souveraineté, c’est Dieu ». Pas sûr que ce soit la priorité du gouvernement : sa vice-présidente Eliane Tevahitua expliquait récemment sur notre plateau qu’un nouveau jour férié était étudié pour célébrer Matarii i ni’a, le lever des Pléïade et le début de la saison de l’abondance. Une célébration païenne que les chrétiens, comme la plupart des fêtes traditionnelles polynésiennes, se sont plutôt évertués à faire disparaitre pendant la période d’évangélisation du fenua.