Une affaire a particulièrement retenu l’attention du tribunal de première instance de Papeete, vendredi. Celle d’un sapeur-pompier volontaire qui a chuté d’un balcon avec son bébé dans les bras. Honteux de ce qui lui était arrivé, il a livré une version des faits qui a suscité des interrogations, conduisant à une enquête pour maltraitance et aussi au placement de ses trois enfants.
Teva* est sapeur-pompier volontaire et brancardier par intérim. Souffrant du dos depuis cinq ans, il a l’habitude de prendre du Tramadol, un analgésique contenant des opiacés : « cela soulage mes douleurs, mais je suis devenu un peu addict à ce remède », précise-t-il à la barre. Une nuit, courant juin 2018, Teva est réveillé par ses douleurs. Il se lève, va à la cuisine, prend un comprimé et se fait un café. Sa fille d’un an étant réveillée, il la prend dans ses bras et s’en va boire son café sur le balcon. Il s’assoit alors sur la balustrade, dos au vide et le bébé dans les bras. Soudain, il perd l’équilibre et chute d’une hauteur de trois mètres. Il tente d’amortir tant bien que mal la chute de son enfant, mais elle a perdu connaissance. Il arrive à lui faire reprendre ses esprits, et constatant qu’elle n’avait pas d’hématome, ni quelque chose de cassé, la recouche dans son lit qui est à même le sol. Il retourne se coucher.
Le médecin soupçonne de la maltraitance
À son réveil, sa femme constate que l’enfant à un gros bleu sur le visage et qu’il y a du vomi sur le matelas, en outre, elle trouve aussi un cent-pieds sur l’oreiller. Elle emmène l’enfant au CHPF où son cas interroge le médecin qui l’examine. La mère ne signalant pas de chute, ni aucune raison pouvant expliquer le bleu, qui s’avérera résulter d’un traumatisme crânien, le médecin soupçonne alors de la maltraitance et signale le fait aux autorités judiciaires qui diligentent une enquête.
Des proches sont entendus, ainsi que la directrice et les employés de la crèche à laquelle les parents confiaient le bébé. Une information judiciaire est alors ouverte pour « faits de violences sur mineur » et le bébé placé en assistance éducative.
Entendu en garde à vue, Teva dit avoir constaté, comme sa femme, du vomi sur le matelas et aussi le cent-pieds, « vivant » précise-t-il, alors que sa femme avait dit qu’il était mort. Puis il évoque la possibilité d’une chute d’un étage, sans que personne ne s’en rende compte. Enfin, interrogé pour la énième fois, c’est en pleurs qu’il avoue la vérité et qu’il relate les faits. « J’avais peur d’aller en prison, et aussi j’avais honte de ce qui s’était passé », sa fierté de sapeur-pompier en prenant un coup au vu des circonstances de l’accident.
Les faits sont requalifiés en violences involontaires
Le médecin qui avait examiné l’enfant, estime qu’effectivement le traumatisme crânien a pu être causé par la chute du balcon. Ne relevant pas d’anciennes traces de blessures, qui pourraient être synonyme de maltraitance, il en fait part au juge qui requalifie les faits en violences involontaires.
« Vous vous rendez compte que si vous aviez dit la vérité tout de suite, vous n’en seriez pas là et votre enfant ne vous aurait pas été retiré ? » lui dit le juge. Teva fait profil bas, il a honte.
Un sentiment que comprend l’avocat de l’Apaj qui s’est constituée partie civile. « Je comprend ces changements de versions. C’est la honte quand on est sapeur-pompier et brancardier d’avoir ce type d’accident. »
Pour la procureure, « il n’y a pas de lésions anciennes, celles que l’on voit habituellement dans les cas de maltraitance. Je retiens donc la thèse accidentelle, toutefois je ne félicite pas le père. » Elle requiert 200 000 Fcfp d’amende, dont la moitié avec sursis.
Si la défense s’accorde à dire que l’on peut être effectivement « surpris qu’un tel accident arrive à un sapeur-pompier », toutefois, « les nombreuses expertises ont permis de dire que les blessures de l’enfant sont bien compatibles avec la chute du balcon. » Pour l’avocate, « c’est de la négligence, de l’imprudence et en plus il avait pris du Tramadol. Cet accident a eu des conséquences sur la famille, d’autant que ses deux autres petites filles ont été placées chez les grands-parents. » Concernant les réquisitions de la procureure, elle demande à ce que cette condamnation ne soit pas inscrite sur le casier judiciaire car « mon client compte passer pompier professionnel. »
Il a été condamné à 150 000 Fcfp d’amende dont 120 000 Fcfp avec sursis et le juge a donné suite à la requête de l’avocat de la défense. Sa condamnation ne sera pas inscrite à son casier judiciaire. Avant de le laisser partir le juge lui a bien fait comprendre que le mieux est de dire la vérité, « car ce drame familial a demandé beaucoup d’investigations, d’autant que vous n’aviez pas dit la vérité tout de suite. »
*Prénom d’emprunt