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Justice : les sans-permis au tribunal

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Au programme de l’audience en juge unique de ce vendredi, une vingtaine de conduite sans permis, sans assurance, sous l’emprise de l’alcool et parfois les trois en même temps. Ce sont des audiences où, selon l’attitude du prévenu et de sa situation, le juge fait preuve de pédagogie, de mansuétude et aussi d’humour.

 André, 47 ans, ne fait pas les choses à moitié. À la sortie d’un concert, vers une heure du matin, alors qu’il a pas mal bu, il prend sa voiture et manque de percuter un véhicule de la gendarmerie. « C’est pas l’idée du siècle ça ! » lui assure le juge qui regardant le PV d’audition, s’exclame « 0,97 mg/l, c’est pas mal quand même ! ». André explique, « j’avais bu, mais rien mangé et puis mon collègue n’a pas le permis, alors soit c’était la conduite sans permis, ou bourré. On a choisi bourré. »

« Mauvais choix » , répond le juge, qui développe : « sans permis, si c’est la première fois, c’est moins grave que bourré .» Puis, voyant la tête d’André, il rectifie, « c’est pas un conseil que je te donne, hein ! Le mieux c’est avec le permis et pas bourré hein ? » « Oui, oui ». Il condamne André une peine de trois mois avec sursis, avec 50 000 Fcfp d’amende car, « faut quand même que tu repartes avec quelque chose, hein, parce que trois mois de sursis, c’est indolore, ok ? » « Ok ».

 « Je ne te mets pas d’amende car je préfère que tu utilises ton argent pour passer ton permis »

Auguste, 30 ans, s’est fait attraper sans permis et sans assurance. « C’est une voiture qui marchait plus et qui était dans mon jardin. Je l’ai réparée et je suis parti l’essayer et je me suis fait arrêter. » « Pas de chance » concède le juge, « mais t’es venu comment aujourd’hui ? », « C’est le cousin qui m’a emmené. » « Il a le permis, lui ? » « Oui », « Et madame elle a le permis ? » « Non », « faut au moins qu’il y en ait un de vous deux qui passe le permis. Qui c’est qui vous conduit pour faire les courses ? » « Le cousin » « Bonne réponse » reconnaît le juge qui le condamne à 2 mois avec sursis avec obligation de passer le permis. « Je ne te mets pas d’amende car je préfère que tu utilises ton argent pour passer ton permis. »

« Il y en a qui l’ont et qui ne savent pas conduire, mais c’est comme ça »

Noël, 33 ans, n’a pas le permis et assume. « J’ai jamais eu le permis, je voudrais le passer mais j’ai pas les moyens ». Le juge concède « c’est vrai que c’est cher, et en plus c’est dur de l’avoir. Tu sais conduire, mais il faut la preuve. Je sais que le papier ne veut rien dire car il y en a qui l’ont et qui ne savent pas conduire, mais c’est comme ça. » Le gars acquiesce et ajoute, « c’est dur le code. » « Ah ça, tout le monde sait conduire ici, mais le problème c’est le code. Il est en français et pas en tahitien, mais cela ne dépend pas de moi », admet le magistrat qui le condamne à un TIG de 39 heures.

« Je vais te croire, en Polynésie les gens disent souvent la vérité »

Manate lui aussi s’est fait contrôler sans permis. « Je suis en train de le passer là. » « T’as un papier, une preuve ? » « Non » « Je vais te croire, en Polynésie les gens disent souvent la vérité », Manate sourit et explique, « je me suis fait arrêter alors que j’allais chercher ma belle-mère » « Elle a le permis ta femme ? » « Oui. » « Ben faut qu’elle aille chercher sa mère alors .» Manate rigole. Le juge le condamne à 2 mois avec sursis, « je ne te mets pas d’amende car c’est mieux que tu payes tes leçons de code. C’est plus utile que de les mettre dans la poche de l’État. »

« Pourquoi ce sont les femmes qui ont le permis ici et jamais les mecs ? »

Tefaarora, 28 ans, s’est fait arrêter à scooter et sans permis. « Je devais aller à l’hôpital et ma femme ne pouvait pas m’y amener » « Elle a le permis ta femme ? » « Oui » « Pourquoi ce sont les femmes qui ont le permis ici et jamais les mecs ? » s’étonne le juge. « Supériorité féminine », répond du tac au tac la procureure. « Tu bosses ? » « Oui » « Au black ? » « Oui » « Bon, on ne dira rien à la procureure alors ».  Celle-ci secoue la tête d’un air dépité. Il regarde le casier du prévenu et émet un petit sifflement, « gros casier dis donc, mais bon, les faits que l’on te reproche aujourd’hui sont moins graves… Il y a une progression. » Il le condamne à un TIG de 39 heures.