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Kerviel: non-lieu requis dans l'enquête visant la Société générale

Paris (AFP) – Pour le parquet, la Société générale n’a pas cherché à manipuler la justice dans l’affaire Kerviel: il a requis un non-lieu à l’issue de l’enquête sur les plaintes pour « escroquerie au jugement » et « faux et usage de faux » déposées par l’ancien trader contre la banque.

Le ministère public a demandé le 27 décembre de clore sans poursuite judiciaire les investigations, estimant qu' »aucun élément ne va dans le sens d’une quelconque manœuvre frauduleuse du groupe bancaire pour peser sur le résultat de l’enquête », a appris l’AFP de source proche du dossier, une information confirmée de source judiciaire.

Ce réquisitoire était la dernière étape avant la décision du juge d’instruction du pôle financier, qui n’a procédé à aucune mise en examen et pourrait donc ordonner un non-lieu.

Pour l’ex-trader, accusé en janvier 2008, en pleine tempête financière mondiale, d’avoir fait perdre 4,9 milliards d’euros à sa banque, l’enjeu est important: la justice a décidé d’attendre « le dénouement » de cette enquête pour se prononcer sur un éventuel nouveau procès pénal, souhaité par Jérôme Kerviel qui a déposé une demande de révision de sa condamnation à cinq ans de prison, dont trois ferme.

L’ancien opérateur de marché, aujourd’hui âgé de 39 ans, avait déposé plainte pour « escroquerie au jugement », « faux et usage de faux » en avril 2012 puis s’était constitué partie civile en juillet 2013, ce qui avait conduit automatiquement à l’ouverture d’une information judiciaire, confiée au juge Roger Le Loire.

« Ces réquisitions de non-lieu étaient tout à fait prévisibles », a réagi auprès de l’AFP l’avocat de la banque, Me Jean Veil. « Le camp Kerviel a toujours eu intérêt à tromper ses interlocuteurs en portant des accusations tout à fait inexactes qui ne peuvent pas tromper l’institution judiciaire », a-t-il ajouté.

– « Fausses écritures » –

Dans ses plaintes, l’ex-trader accuse la Société générale d’avoir manipulé les entretiens qu’elle a eus avec lui les 19 et 20 janvier 2008, après la découverte de ses colossales prises de position sur les marchés. 

Ces discussions avaient été enregistrées et les bandes versées au dossier, mais une expertise, diligentée par Roger Le Loire, a conclu que les enregistrements n’avaient été ni expurgés ni modifiés.

Il assure aussi que la banque a omis de transmettre certaines informations essentielles à la justice au cours du procès de 2010 et, surtout, l’accuse de lui avoir imputé des pertes relevant d’autres opérateurs de marché et d’avoir été au courant des risques qu’il prenait.

Mais les investigations, s’appuyant sur un rapport de la commission bancaire, ont mis en lumière que Jérôme Kerviel n’avait « pas hésité à produire de faux courriels et de fausses écritures » pour dissimuler ses opérations à sa hiérarchie, note le parquet.

Au cours de l’instruction, l’ex-enquêtrice de la brigade financière Nathalie Le Roy avait assuré avoir été « instrumentalisée » par la banque alors qu’elle travaillait sur l’affaire en 2008. Toutefois, les enquêteurs ont relevé des inexactitudes et des contradictions dans son témoignage, relève la source proche du dossier.

« Je comprends que le parquet se couvre alors que nous ne cessons de dénoncer la partialité des magistrats en charge de l’affaire et la collusion entre eux et la Société générale », a réagi Me David Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel, promettant qu’il y aurait « des suites judiciaires » dans cette affaire.  

Ces réquisitions de non-lieu sont un nouveau revers pour le camp Kerviel: fin septembre, le ministère public avait déjà demandé de clore sans poursuite judiciaire l’enquête sur la plainte pour « subornation de témoin » dans laquelle l’ex-trader accuse la Société générale d’avoir « acheté » son supérieur hiérarchique pour qu’il témoigne en faveur de la banque lors des procès.

Après des années de bataille judiciaire et médiatique, Jérôme Kerviel a tout de même remporté plusieurs manches face à son ancien employeur: la banque a été condamnée aux prud’hommes à lui verser près d’un demi-million d’euros. 

Surtout, les 4,9 milliards d’euros de dommages-intérêts, annulés par la Cour de cassation, ont fondu en septembre à un million devant la cour d’appel de Versailles, la justice estimant qu’il y avait eu des « manquements » et des « carences » dans les procédures de contrôle du groupe.

© AFP/Archives Martin BUREAU
Jérôme Kerviel à la sortie du palais de justice, le 23 septembre 2016 à Versailles