Le tribunal administratif annule partiellement l’arrêté pris en juin 2020 par le conseil des ministres pour réglementer le mouillage des voiliers à Punaauia et Faa’a : l’arrêté est maintenu, mais annulé pour la seule zone de la baie de Vaitupa.
Les requérants, parmi lesquels des membres du collectif Tearai, attaquaient deux arrêtés du conseil des ministres, notamment celui du 2 juin 2020 réglementant le mouillage à Faa’a et Punaauia. Ils faisaient valoir que l’arrêté interdit de manière trop générale et absolue toute activité nautique, aquatique ou subaquatique et que la population se trouve ainsi privée d’accès à la mer, notamment pour préserver les intérêts économiques liés au projet du Village tahitien.
Pour combattre cette réglementation, les requérants ont fait feu de tout bois, Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ou encore de l’article 47 de la loi organique du 27 février 2004. L’arrêté contreviendrait aussi au traité d’annexion du 29 juin 1880 qui confère aux Polynésiens des droits de propriété sur le lagon : non, répond le tribunal, le lagon appartient au domaine public de la Polynésie française. Il rejette aussi l’argument fondé sur la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme sur la liberté de conscience et de religion et la valeur culturelle de la pointe Taata : l’arrêté « n’empêche pas l’expression de convictions culturelles et religieuses attachées à ce lieu ».
Rejet encore, des arguments selon lesquels la population n’aurait pas été consultée ni une étude d’impact sur la préservation de l’environnement réalisée : rien n’oblige le Pays à effectuer une étude d’impact avant de prendre un tel arrêté. En l’absence à l’époque d’un PGEM approuvé à Faa’a et Punaauia, le tribunal ne retient pas non plus d’atteinte à l’environnement. Concernant les rejets, l’arrêté précise bien les obligations des plaisanciers en termes de rejets et de carénage. Enfin, l’arrêté ne constitue pas de restriction disproportionnée à la liberté du commerce et de l’industrie, invoquée au sujet de l’activité des pêcheurs.
Même le Pays a de doutes sur la « pertinence » de l’interdiction sur la zone de Vaitupa
L’interdiction des activités, dit le tribunal administratif, « se justifie plus largement par la nécessité d’assurer la sécurité de tous les utilisateurs de la mer compte tenu de la densité de fréquentation de ces zones, y compris de leurs abords. Les requérants n’apportent par ailleurs aucun contredit sérieux à l’impératif de sécurité et n’établissent pas que l’objectif de sécurité de la navigation et de la circulation dans la plupart des zones concernées du lagon pouvait être atteint par des mesures moins restrictives. »
Toutefois, les juges reconnaissent que la zone de Vaitupa, un des seuls points d’accès à la mer est très fréquentée par les va’a, qui voient leur activité sensiblement réduite. Et même le Pays reconnait que « la pertinence de la zone P2 doit être reconsidérée, sans exclure son déplacement ou sa suppression ». Dans ces conditions, l’arrêté attaqué est annulé pour cette zone, « au regard du caractère disproportionné de la réglementation qui l’accompagne et de l’atteinte excessive au libre accès de la population au domaine public maritime qu’elle induit. »