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La Chine, une ambition Pacifique

©Natan Decarrière

Le colloque international proposé par l’Université de la Polynésie française sur « l’Indo-Pacifique et les nouvelles routes de la soie » consacrait une partie de l’après-midi de mardi à la Chine et son expansion dans les territoires du Pacifique. Ce géant asiatique s’implante grâce à des prêts à taux zéro dans les appareils étatiques et économiques de certains pays insulaires océaniens comme le Vanuatu, les Tonga, les Samoa ou encore les Fidji. Elle profite de la passivité des États occidentalisés comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande censés être les leaders de la zone Océanie. Si la Polynésie française reste à l’écart de l’influence étatique chinoise, la France devrait selon les spécialistes continuer à s’impliquer en Océanie.

Le colloque proposait deux conférences sur la Chine mardi après-midi sur les bancs de l’UPF. Celle consacrée à la stratégie géo-économique chinoise auprès des appareils d’État océaniens, du Professeur Klaus-Gerd Giesen de l’université de Clermont-Ferrand, décrit les mécanismes d’implantation de la Chine en Océanie. Elle profite de la vulnérabilité de certains états insulaires comme le Vanuatu, les Tonga, les Samoa, la Papouasie ou les Fidji délaissés par l’héritage colonial pour gagner en influence économique et stratégique. Elle participe également à la déstructuration du système politique en finançant des projets au nez et à la barbe de l’Occident. La Chine prend en quelque sorte une revanche en douceur sur l’Histoire qui l’a empêchée de conquérir l’Asie du Sud-Est et l’Océanie. À cette époque, la Chine était réduite à l’état de mendiant auprès des grandes puissances occidentales. Elle ne dispose aujourd’hui d’aucun point d’appui  dans l’espace océanien et répare en douceur ce qu’elle considère comme une injustice.

La Chine, 2e contributeur mondial de la zone Pacifique, derrière l’Australie et devant les États-Unis

La Chine perçoit la faiblesse des états insulaires de la zone Océanie dépendants et apporte une aide financière aux élites politiques locales pour le développement. Cela se traduit par des prêts à taux zéro. Elle a ainsi investi, entre 2006 et 2016, 1,8 milliard de dollars dans 218 projets de développement dans principalement cinq États insulaires que sont le Vanuatu, les Samoa, les Tonga, les Fidji et la Papouasie Nouvelle-Guinée. Les États qui deviennent endettés suite à cela peuvent même renégocier leur dette pour l’annuler et la transformer en contribution annuelle selon les cas. Elle est ainsi devenue le deuxième contributeur mondial de la zone derrière l’Australie mais devant les États-Unis. En contrepartie, les États insulaires font des concessions sur leurs éventuelles ressources naturelles, et doivent se plier à des règles comme les contractants qui doivent être des sociétés chinoises et 50% des matériaux utilisés doivent provenir de Chine pour les projets locaux. La Chine peut même exiger des conditions politiques pour annuler une dette et n’hésite pas à demander des contreparties comme des droits de pêche, des droits de passage maritimes et surtout des votes à l’assemblée générale de l’ONU. En empruntant auprès de l’État chinois, les états insulaires océaniens perdent de leur influence et de leur indépendance politique, ce qui favorise le clientélisme et la corruption.

Un engagement financier chinois difficile à chiffrer

À l’heure actuelle, la Chine détient 1,6 milliard de dette mondiale mais son programme de prêts est très opaque. Elle communique très peu de données et maquille ses chiffres de façon à échapper aux agences de notation comme Standard and Poor’s ou Moody’s. Il n’existe aucune donnée standardisée sur les prêts accordés aux pays étrangers et la Banque de Chine ne publie aucun détail sur ses activités. En 2018, elle détenait selon les estimations plus de 5 milliards de dollars de dette mondiale soit 6% du PIB mondial. Le gouvernement chinois serait ainsi l’un des plus grands créanciers du monde et 20 pays devraient plus de 10% de leur PIB à la Chine. Dans la zone Océanie, les Tonga doivent 45% de leur PIB, les Samoa et le Vanuatu plus de 30%. En refusant la transparence de ses actions, la Chine peut communiquer des données très sous-estimées comme l’explique Klaus-Gerd Giesen.

La Chine étend son influence politique par le « soft power » sur une zone située en dehors de la Polynésie française qui ne paraît pas menacée à l’heure actuelle. La France devra cependant rester méfiante sur le plan militaire si la Chine parvient un jour à implanter des bases dans le Pacifique. Pour contrer cela, les États occidentaux devront entrer dans la surenchère, selon Klaus-Gerd Giesen, tout en favorisant le développement du secteur privé.

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