Sangolqui (Equateur) (AFP) – La Colombie et la guérilla de l’ELN ont entamé mercredi, à huis clos en Equateur, la première session de pourparlers visant à « la paix complète » pour clore plus d’un demi-siècle de conflit armé, après l’accord avec les Farc.
« Nous espérons que l’ELN (…) aura la lucidité de ne pas laisser passer le train de la paix », a déclaré le chef négociateur du gouvernement, Juan Camilo Restrepo, sur Twitter, mercredi avant la réunion.
La veille, le président Juan Manuel Santos avait exprimé son « optimisme » suite au lancement officiel de ce processus de paix avec l’Armée de libération nationale (ELN, guévariste), inspirée de la révolution cubaine et comptant encore quelque 1.500 combattants selon le gouvernement.
« Les nouvelles générations et les victimes méritent que (…) nous parvenions à la paix complète », avait tweeté le chef de l’Etat, prix Nobel de la paix 2016 pour sa détermination à pacifier la Colombie.
L’Union européenne a encouragé mercredi « les deux parties à intensifier leurs efforts dans un esprit de responsabilité et d’engagement mutuels, afin de parvenir à un accord complet ».
– Discussions à portes fermées –
M. Santos entend négocier avec la dernière guérilla encore active dans son pays un accord similaire à celui signé en novembre avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes), la principale rébellion issue aussi d’une insurrection paysanne en 1964 et dont les quelque 6.200 guérilleros préparent leur désarmement.
La première session de discussions se déroule derrière les portes fermées de l’Hacienda Cashapamba, située près de Sangolqui, à environ 30 km de Quito. Quatre minibus, dont les passagers n’étaient pas visibles de l’extérieur, y sont arrivés, escortés par la police, peu après 09H30 (14H30 GMT), a constaté l’AFP.
Les pourparlers ont été lancés mardi lors d’une sobre cérémonie organisée dans les jardins de l’élégante hacienda jésuite, après trois années de tractations préparatoires menées en secret.
« Nous avons l’opportunité de terminer, enfin, le conflit armé et tourner la page de la guerre », a alors lancé M. Restrepo, devant 150 invités, dont des représentants des pays garants du processus (Brésil, Chili, Cuba, Equateur, Norvège, Venezuela).
« Nous sommes disposés à trouver une issue politique (…) à la confrontation fratricide », a assuré le chef négociateur de l’ELN, Pablo Beltran, réitérant toutefois qu’il faut « changer ce qu’il y a à changer pour que s’ouvrent les portes de la démocratisation du pays ».
L’agenda compte six points: participation de la société civile à la construction de la paix, démocratie pour la paix, transformations pour la paix, victimes, fin du conflit et application de l’accord.
Au fil des décennies, une trentaine de guérillas, des paramilitaires d’extrême droite et les forces de l’ordre ont été impliqués dans cette confrontation, qui a fait au moins 260.000 morts, plus de 60.000 disparus et 6,9 millions de déplacés.
– Construire la confiance –
« Nous allons commencer ces conversations avec deux thèmes de manière simultanée (…) l’humanitaire et la construction de gestes de confiance (…) et la participation de la société à la construction de la paix », a précisé M. Restrepo, appelant l’ELN à renoncer aux enlèvements car « sans cette décision, il sera très difficile d’avancer dans la construction d’accords ».
Rien d’autre n’a filtré sur les discussions, une source du gouvernement colombien évoquant seulement auprès de l’AFP la définition de « nombreuses choses » mercredi.
La question des otages a retardé les pourparlers, prévus à l’origine en octobre, mais suspendus en dernière minute, l’ELN n’ayant pas libéré l’un de ses otages, dont le nombre n’est pas connu.
La guérilla a relâché l’ex-député Odin Sanchez le 2 février après dix mois de détention, puis un militaire lundi, retenu pendant une dizaine de jours.
Pour l’analyste Ariel Avila, de la fondation Paix et Réconciliation, Pablo Beltran a fait « un pas en avant », en disant que l’ELN « va demander pardon », M. Restrepo tenant « un discours plus dur ».
Et Frédéric Massé, politologue de l’université El Externado de Bogota, doute que les pourparlers aboutissent avant la présidentielle de 2018 et le départ de M. Santos. « L’enjeu est d’avancer suffisamment pour que le prochain gouvernement, le nouveau président ne puissent pas revenir en arrière ».
© AFP RODRIGO BUENDIA
Des policiers à Sangolqui, en Equateur, où se tiennent les pourparlers de paix entre le gouvernement colombien et la guérilla de l’ELN, le 8 février 2017