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La commission d’enquête de l’assemblée tire les leçons de la crise Covid

« Les gens ont compris que c’était une crise inédite, mais il faut se servir des témoignages pour mieux faire la prochaine fois », dit Tepuarauri Teriitahi. ©CP/Radio1

Le rapport sur la gestion de la crise sanitaire élaboré par la commission ad hoc de l’assemblée a finalement été présenté aux médias, plus d’un mois après son adoption par l’assemblée. Répétant qu’il s’agissait là non pas d’un « tribunal » mais d’un « retour d’expérience », la commission pose 49 recommandations pour mieux préparer la Polynésie si une nouvelle crise sanitaire devait se déclarer.

La commission d’enquête sur la gestion de la crise sanitaire a finalement publié son rapport – il est consultable sur Lexpol.pf – et donné une conférence de presse pour en présenter les grandes lignes. Pas trop tôt, puisque ce rapport a déjà été discuté et adopté par l’assemblée le 18 décembre dernier, un an après sa création et six mois après la modification de la composition de la commission, qui a fait suite au changement de majorité. « Nous ne nous sommes pas érigés en tribunal », disent les membres de la commission, estimant que cela aurait été « inconvenant » et qu’il s’agissait avant tout « d’entendre ce qui aurait pu être blessant ou incompris ».

Au final, la commission aura entendu 169 personnes sur 29 jours, au cours de 90 auditions dont la durée cumulée dépasse 130 heures. Représentants de l’État, du Pays, des communes, mais aussi acteurs clés de la santé, des solidarités, de l’économie, ainsi que les organisations syndicales, les associations, les collectifs et les communautés religieuses, ont été entendus. La consultation citoyenne en ligne sur la gestion de la vaccination et des décès, ouverte durant trois semaines en août dernier, n’a attiré que 776 participants : il aurait sans doute fallu, disent les élus, aller plus directement à la rencontre des Polynésiens.

Nicole Sanquer, vice-présidente de cette commission et à l’origine de sa création,  voit ce rapport et ses 49 préconisations comme un guide pour les décideurs qui doivent, dit-elle, « commencer à travailler sur ce dossier » pour éviter que l’histoire ne se répète.

Des obligations qui ont divisé la population

« Ce qu’on a vu, c’est que c’est l’obligation vaccinale qui a posé problème, pas forcément la vaccination », dit Nicole Sanquer. Tepuaraurii Teriipaia souligne que c’est l’adhésion poussive des premiers temps qui avait motivé le recours à l’obligation vaccinale pour les personnes en contact avec le public, une définition large alors qu’en métropole, seuls les personnels médicaux y étaient astreints. « C’est là qu’on voir l’importance de la communication, poursuit la représentante Tapura, il faut trouver les bonnes personnes qui portent le bon message, parce que quand le politique impose, ou quand le politique ne montre pas le bon exemple, ça ne marche pas. » Autre chose qui a été mal reçue par la population, les restrictions appliquées aux rites funéraires, ressentis comme édictés par Paris sans considération pour les traditions locales. Les restrictions des libertés individuelles, autant que la désinformation rampante sur les réseaux sociaux, ont contribué à la méfiance envers la vaccination et les autorités qui la préconisaient. Mais la commission n’en est pas exempte ; ainsi, elle estime, sans citer autre chose que « des douleurs au point d’injection », qu’il faut « solliciter le bénéfice du fonds d’indemnisation des victimes des effets secondaires des vaccins de l’État. »

Les faiblesses de nos infrastructures de santé

Le Covid a pris de court le système de santé polynésien, tant sur le plan des ressources humaines que sur le plan matériel. Le Pays doit se doter de stocks d’équipement de protection individuelle, d’oxygène, de housses mortuaires et de cercueils, dit le rapport. Il doit aussi créer une réserve sanitaire locale « composée de professionnels de santé en activité ou non », et prévoir des dérogations pour en recruter en cas d’urgence. Le rapport reprend aussi la préconisation du chef des urgences du CHPF, le Dr Tony Tekuataoa, qui demande un « service des urgences vitales » distinct au sein de l’hôpital de Taaone. Il faudra aussi, dit le rapport, donner un statut et encadrer les « centres d’accueil » ou « centres communautaires » – il n’est pas question de les qualifier de « centre de soins » – comme la salle Manu Iti de Paea.

Le rapport est aussi une occasion de plus de plaider pour un effort de prévention contre les maladies liées au mode de vie : bon nombre des 778 victimes du Covid en Polynésie étaient porteurs de pathologies qui les ont fragilisés. Les membres de la commission rappellent que 17% de la population est aujourd’hui en longue maladie.

Les rapports entre l’État, le Pays et les communes : le leadership doit revenir au Pays

C’est l’articulation des compétences de chacun qui est compliquée, rappelle la présidente de la commission, Pauline Niva, Elle aussi dit avoir eu beaucoup de mal à auditionner les représentants de l’État, soit parce qu’ils étaient absents ou n’étaient plus en poste, soit parce qu’ils se sont réfugiés derrière leur devoir de réserve. Pour la commission, le leadership doit revenir au Pays, compétent en matière de santé publique. La commission voudrait voir les choses mieux précisées dans la loi organique. Le Pays devrait se doter d’un « plan stratégique territorial de gestion de crise sanitaire avec un coordinateur unique », doublé d’un nouveau compte spécial d’affectation de crise pour la prise en charge par les communes et le Pays de dépenses découlant des décisions de l’État : «Ainsi, il pourra être demandé des remboursements a posteriori.»

Pauline Niva, présidente de la commission. ©CP/Radio1

La satisfaction des acteurs économiques

« C’est le volet où la gestion a été la meilleure », dit Tepuaraurii Territahi. L’arsenal d’aides aux entreprises, de l’État comme du Pays, a été efficace. C’est particulièrement vrai dans le domaine touristique, dit le rapport, ce qui a permis à la Polynésie de profiter de la réouverture des frontières, en juillet 2022, pour faire le plein de touristes alors que de nombreuses destinations restaient encore fermées. La commission regrette toutefois que la Polynésie n’ait pas bénéficié de subventions, comme en Nouvelle-Calédonie, plutôt que de prêts garantis par l’État qui ont fait passer la dette du Pays de 80 milliards de Fcfp en 2020 à 156 milliards en 2023.

 

 

 

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