QUESTION A – La reconnaissance de la qualité « d’êtres vivants doués de sensibilité » des animaux, jeudi soir, par les députés est un tournant pour la philosophe Florence Burgat.
Jusqu’à présent, pour le code civil, les animaux étaient considérés comme des « biens meubles ». Mais, après deux ans de combat des associations en ce sens, les députés ont voté jeudi soir pour que les animaux soient reconnus comme « des êtres vivants doués de sensibilité ». Pour prendre la mesure de cette évolution, Europe1.fr a interrogé la philosophe Florence Burgat, auteur de plusieurs ouvrages sur la question animale et favorable à un nouveau statut juridique de l’animal.
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La disposition votée par les députés marque-t-elle un tournant ?
C’est un premier verrou qui saute. Faire sortir les animaux de la catégorie des biens – même s’ils restent soumis à ce régime – est incontestablement une avancée. C’est aussi le signe que la société française commence à s’apercevoir de la réalité de la condition des animaux. J’ai le sentiment que la cause des animaux sera la prochaine grande question morale et politique.
Qu’est ce qui a, selon vous, conduit à cette prise de conscience ?
La condition des animaux n’a cessé de se durcir fil de l’histoire pour arriver à la situation critique que l’on connaît aujourd’hui, avec la démultiplication de leur utilisation pour l’élevage industriel ou les expérimentations scientifiques. On a atteint de tels excès, un tel degré de « crise », que cela laisse forcément place à la critique. L’impulsion a été donnée avec la crise de la vache folle.
Tout l’écho médiatique sur ces questions et la littérature sur le sujet, comme le dernier livre de Matthieu Ricard*, par exemple, participent aussi à cette prise de conscience. Même des gens qui ne sont pas convaincus ou qui ne sont pas prêts à faire avancer le droit des animaux en ont au moins entendu parler. La phase du ridicule est derrière les défenseurs des droits des animaux.
On parle de condition animale mais la plupart des gens distinguent les animaux domestiques des animaux d’élevage…
La question de tuer les animaux pour les manger s’est posée dès l’antiquité grecque et a perduré dans l’histoire, mais elle reste marginale. Beaucoup de personnes qui se considèrent comme des « amis des animaux » ne remettent pas en question le fait de les manger. Les gens ont tendance à avoir plus de sensibilité pour les animaux qui vivent près d’eux et, parallèlement, ils n’ont pas le sentiment que les animaux qu’ils mangent ont un jour été des animaux.
Que répondez-vous à ceux qui considèrent le combat pour la condition animale comme dérisoire ?
On ne peut pas attendre que tout aille bien dans le monde pour s’occuper des droits des animaux. Considérer que la souffrance des animaux est de moindre valeur que la nôtre, c’est de l’anthropocentrisme. Qui sommes nous pour en juger ?
*Plaidoyer pour les animaux (Allary édition, 2014)