La Haye (AFP) – La Cour pénale internationale prononce mardi la peine à l’encontre de Jean-Pierre Bemba, l’ancien vice-président congolais reconnu coupable de crimes de guerre et crimes contre l’humanité et personnalité la plus haut placée à être condamnée par la CPI jusqu’à présent.
Cette peine, qui doit être annoncée à 13h45 (11h45 GMT) par trois juges en audience publique, sera la première rendue contre un ancien vice-président dans l’histoire de la Cour. Et si les juges suivent le réquisitoire de « 25 ans de prison au minimum » du procureur, elle pourrait être la plus lourde imposée par cette juridiction, basée à La Haye (Pays-Bas) et fondée en 2002 pour juger les pires crimes commis à travers le monde.
Riche homme d’affaires devenu chef de guerre, Jean-Pierre Bemba a été déclaré coupable le 21 mars de la vague de meurtres et de viols commis par sa milice en Centrafrique entre octobre 2002 et mars 2003.
Dans ce pays où ils s’étaient rendus pour soutenir le président Ange-Félix Patassé face à une tentative de coup d’Etat menée par le général François Bozizé, quelque 1.500 hommes du Mouvement de libération congolais (MLC) ont tué, pillé et violé.
Ils ont violé avec la volonté de terroriser et de torturer, selon les experts, s’en prenant indifféremment aux hommes, femmes et enfants et forçant parfois leurs victimes à assister aux viols de leurs proches.
Poursuivi non en tant qu’auteur ou co-auteur, mais en tant que « chef militaire », Jean-Pierre Bemba est tenu pour responsable de ces atrocités, même s’il ne les a pas ordonnées.
A quelques heures du prononcé de la peine, l’équipe de défense de M. Bemba a annoncé son intention de faire appel de ce verdict et a demandé la cassation du procès.
D’après l’avocat Peter Haynes, M. Bemba, dont les droits en tant qu’accusé « n’ont été à aucun moment respectés », a été reconnu coupable « sur base de spéculations » dans une « affaire qui était profondément incohérente, invraisemblable dans les faits, et basée sur une évaluation sélective et souvent imparfaite des preuves ».
– ‘Mobutu miniature’ –
Selon le verdict rendu en mars par la CPI, M. Bemba n’a pas pris « toutes les mesures nécessaires et raisonnables » pour éviter ces crimes alors qu’il disposait d’un « contrôle effectif » sur ses hommes.
Avec cette peine historique à de nombreux égards, la CPI condamne mardi pour la première fois un commandant militaire, en vertu du principe de la « responsabilité du commandant », ainsi que l’utilisation de viols et violences sexuelles en tant que crimes de guerre.
Jean-Pierre Bemba, 53 ans, est le fils d’un riche homme d’affaires proche de l’ancien dictateur Mobutu Sese Seko.
Surnommé le « Mobutu miniature », ce colosse de 1,90 m au visage rond, intraitable et autoritaire, a créé et dirigé le MLC en République démocratique du Congo, après avoir quitté Kinshasa en 1999 à la suite de la prise du pouvoir par le chef rebelle et père de l’actuel président Laurent-Désiré Kabila.
Sa milice règne alors en maître dans la région de l’Équateur et une partie du nord-est du pays.
A la fin de la deuxième guerre du Congo (1998-2003), M. Bemba est devenu vice-président du gouvernement de transition de Joseph Kabila de juillet 2003 à décembre 2006 après avoir perdu au deuxième tour de l’élection présidentielle contre ce dernier.
Installé en Europe, il avait ensuite été arrêté à Bruxelles en 2008 pour être remis à la CPI, où il a plaidé non coupable tout au long de ce procès ouvert en novembre 2010.
© ANP/AFP/Archives Jerry Lampen
L’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba à la Cour pénale internationale à la Haye, le 21 mars 2016