Le ministère de la Santé a fait avancer vers le Cesec son projet de loi de Pays sur le RNS. Un texte va faire cotiser les salariés sur leur activité patentée, va regonfler les rangs du régime des non salariés… Mais qui va aussi élargir l’assiette RNS en y incluant notamment les revenus des locations immobilières, AirBnB comme location longue durée, qui feront l’objet de cotisations de près de 10%. Inacceptable pour Christophe Plée, qui y voit une « substitution de la CPS à la DICP pour imposer les patrimoines ». Et un risque de « mettre en péril la capacité des chefs d’entreprise à investir, transmettre, et préparer leur retraite ». Le patron de la CPME se dit prêt à « mobiliser ses troupes » pour dénoncer le projet.
« Pas de tripartite sur le sujet », « pas d’information du conseil d’administration de la CPS »… Pour la CPME, aucun doute, le gouvernement tente de faire passer « sans discussions », son texte relatif aux conditions d’affiliation au Régime des non-salariés (RNS). Déposé sur la table du Cesec, et détaillé par Tahiti infos ce mercredi, le projet de loi du Pays est, sous certains aspects du moins, évoqué depuis longtemps par Cédric Mercadal, qui l’a plusieurs fois présenté comme une pierre importante dans le rééquilibrage des comptes sociaux. « Les partenaires sociaux avaient rencontré le ministère de la Santé, avaient fait des propositions, mais personne ne pensait que le texte allait partir si vite, sans qu’il soit amendé par les innombrables demandes de modifications, s’agace le président de l’organisation patronale Christophe Plée. Le projet est parti bien trop vite, et on nous demande aujourd’hui de statuer au Cesec sur un texte qui est totalement inacceptable ».
« Le passage au Cesec va être houleux »
Le projet, comme annoncé depuis de longs mois, met fin à la primauté du Régime général des salariés (RGS) – ce qui veut dire que les salariés devront aussi cotiser sur leurs éventuelles activités patenté – il redéfinit les conditions d’affiliation au RNS, pour y faire rebasculer des milliers de personnes aujourd’hui affectés au régime de solidarité (RSPF). « Ça, ok » balaie Christophe Plée. Mais pour le représentant patronal, c’est l’élargissement de l’assiette de cotisations du RNS, une partie du texte qui avait été beaucoup moins développée publiquement par le ministre, qui est « complètement inadmissible ». Le projet de loi du Pays rattache en effet au RNS les propriétaires immobiliers qui touchent, sur les loyers de AirBnB ou de locations classiques en longue durée, au moins 3 millions de francs par an, soit 250 000 francs par mois. Des revenus qui seront donc soumis, déduction faite des remboursement de crédit, à une cotisation maladie de 9,84% (le taux actuel, hors cotisation optionnelle sur les retraites ou les accidents du travail).
« Tous les patentés, les chefs d’entreprises de Polynésie française vont s’apercevoir qu’ils vont être taxés sur tout leurs biens. Tout ceux qui préparent leur retraite en ayant de l’immobilier vont être taxés, on parle des dividendes, on parle des comptes courants, assure Christophe Plée. Donc le passage au Cesec va être très houleux, et nous on va commencer à mobiliser les chefs d’entreprise, parce que lorsqu’ils vont se réveiller après les fêtes, ils vont avoir la malheureuse surprise de savoir qu’ils ont un nouvel impôt ».
Impôt sur le patrimoine « déguisé »
Car pour patron de la CPME, ce texte revient à « substituer la CPS à la DICP pour imposer les Polynésiens sur leur patrimoine » et à mettre en péril la « capacité des chefs d’entreprise à investir, transmettre leurs entreprises et préparer leur retraite ». « Les chefs d’entreprises ont toujours participé au renflouement de la caisse, mais là on va un peu vite en besogne », s’agace Christophe Plée, qui se dit prêt à « partir en guerre » et à « mobiliser ses troupes » contre ce texte.
L’idée de faire davantage participer les propriétaires ou les ménages les plus fortunés au financement de la PSG n’est pas nouvelle. Le président Moetai Brotherson avait plusieurs fois estimé que la fiscalité polynésienne portait trop sur la consommation et devait être « rééquilibrée » vers le patrimoine ou les revenus. D’où la suppression de la Contribution pour la Solidarité, promesse de campagne, et dont cet élargissement d’assiette de cotisation semble venir compenser les effets. Le ministre des Finances Warren Dexter avait aussi laissé entendre que le projet taxe sur le patrimoine immobilier renvoyé à la réflexion fin 2023 pourrait revenir sous la forme d’un outil fiscal de solidarité et de financement des comptes sociaux.