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La CSTP-FO « ne comprend plus la politique du Tavini »

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Après avoir « laissé le temps » au nouvel exécutif de faire ses preuves, Patrick Galenon a sonné la fin de la trêve ce jeudi matin. Le secrétaire général de la CSTP-FO dénonce  le « flou » dans la politique du gouvernement Brotherson, le manque de coordination entre les ministères, le « mépris » affiché envers la fonction publique, et surtout le manque d’avancées concrètes dans des réformes urgentes. Santé, fiscalité, pouvoir d’achat, défense du service public… Le premier syndicat du Pays pourrait lancer une grande mobilisation le 1er mai, mais aussi se faire entendre à l’occasion des Jeux olympiques.

Voilà presqu’un an que la CSTP-FO « n’a pas bougé ». Ses représentants ont bien rué quelquefois dans les brancards des entreprises ou d’administrations sur des sujets ciblés. Dans des instances de dialogue social, aussi, au Cesec ou dans les conseil d’administration de la CPS, et, plus récemment, du CHPF. Mais depuis la campagne des territoriales, le premier syndicat du Pays n’a pas lancé de grand mouvement ni de coup de pression social sur l’exécutif. « On attendait que ce nouveau gouvernement puisse s’installer, faire en sorte que ce qu’il avait prévu dans son programme puisse être bien compris », explique le secrétaire général Patrick Galenon, qui a sonné ce matin la fin de la trêve. FO, aujourd’hui, « ne comprend pas, ne comprend plus la politique du Tavini ».

Des réflexions, des annonces, des consultations… mais pas de décisions

Des « mots », pourtant, il y en a du côté du parti majoritaire à l’assemblée et du gouvernement de Moetai Brotherson. Réforme de la PSG, remise à plat de la fiscalité, « justice sociale » et lutte contre la pauvreté, réorganisation des services de l’administration et modernisation en tous genres… Mais Patrick Galenon, malgré une rencontre avec le président et une partie de son équipe hier soir, peine à voir les avancées concrètes après 10 mois de mandature. « Ils sont galvanisés par les 2 100 nouveaux emplois créés l’année dernière, mais ce que je vois c’est qu’on n’en a pas assez pour équilibrer les comptes de la CPS et qu’on a 25 900 personnes veulent un emploi et n’en ont pas, reprend le syndicaliste. On nous dit qu’il y a 5 000 offres d’emplois, qu’on n’arrive pas à trouver… Il y a un truc qui ne va pas. »

Et le « truc qui ne va pas » pour le dirigeant, chef de file de la CSTP-FO depuis maintenant 20 ans, ce serait le « flou artistique » entretenu par l’exécutif sur sa stratégie. Il regrette, pêle-mêle, le « flottement » des réformes, le manque de cohérence sur certains dossiers – le ministère de la Santé a dû ferrailler dur avec celui des Finances pour boucler le budget du CHPF – , les « réflexions » qui prennent le pas sur les « vraies décisions ». « On nous parle de réformes, mais quand on voit les autorités de ce Pays, on nous dit quelles sont vos idées ? s’agace-t-il. On a besoin d’une politique publique de santé, d’économie et de fiscalité qui soit beaucoup plus précise, bien clair, que tout le monde comprenne là où on veut aller. »

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Le syndicat se défend, comme souvent, de toute incursion en politique. Mais « des idées précises, on en a », lâche Patrick Galenon. Lancement d’une « enquête », pourquoi pas avec les douanes, sur la structure de prix des médicaments – qui « coûtent cher aux Polynésiens, mais aussi à la CPS » -, meilleurs contrôle des marges amont des importateurs qui « savent contourner » la règlementation PPN ou PGC, accès aux « prix PPN » uniquement pour les foyers à bas salaires, « ceux qui ont besoin d’être aidés »… Quant au financement des comptes sociaux, le secrétaire général de FO n’a pas changé de position : la « TVA sociale » et ses « 10 à 12 milliards de francs par an » de recette n’aurait jamais dû être supprimée. « Maintenant, ils sont bien embêtés. »

Du « mépris » pour l’administration du Pays

À un peu plus de deux mois des élections de CAP, à l’occasion desquelles FO va remettre en jeu son titre de première organisation syndicale de la fonction publique du Pays, c’est aussi, et sans surprise, le sort de l’administration qui est mis en avant dans le discours. La circulaire du 19 février sur la maîtrise de la masse salariale, même si son impact est nuancé par la ministre Vannina Crolas, a d’ores et déjà provoqué une levée de boucliers. Faire des économies, « pourquoi pas », mais où sont les solutions pour « maintenir le niveau de service public » avec des moyens restreints ? Comment continuer à attirer dans la fonction publique quand on annonce « des coupes dans la masse salariale » ? « On nous dit qu’il va y avoir de la promotion interne, mais on gèle les postes, comment ça peut motiver ? » s’agace Patrick Galenon, qui s’inquiète tout particulièrement, comme le directeur de la Santé lui-même, de l’impact des nouvelles règles sur la couverture de soin des Polynésiens.

« On a l’impression, c’est même une certitude, qu’on méprise un peu les fonctionnaires du Pays. Ça se sent au niveau de la Santé, de l’Équipement, continue le leader syndical. Il y a des gens qui veulent travailler au niveau de la fonction publique, qui veulent faire en sorte que le pays marche, mais il leur faut des directives précises. Aujourd’hui nous sommes dans l’attente. »

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Dans l’attente, et dans l’avertissement. Car CSTP-FO lance dès à présent à appel « à tous les fonctionnaires et les salariés de ce Pays » pour « se préparer » à une mobilisation dans les mois à venir. Si les grandes réformes, côté fiscalité, PSG, prix à la consommation ou administration ne sont pas lancées, si les partenaires sociaux n’ont pas plus de visibilité, si le gouvernement persiste dans sa « politique anti-fonctionnaires », c’est dans la rue que le syndicat ira défendre le « service public », « le pouvoir d’achat » et « le système de santé ». Le 1er mai, bien entendu, est une date butoir. Mais les épreuves des JO pourraient aussi être un moment stratégique de mobilisation, précise Patrick Galenon.