La Chambre territoriale des comptes a publié mardi son rapport sur la politique de l’énergie de la Polynésie française depuis 2017. Le soutien aux prix à la pompe sur le budget du Pays ne fait que retarder l’inévitable échéance d’une hausse des tarifs, seul véritable levier pour modifier les comportements des consommateurs et motiver les investissements nécessaires. La CTC préconise aussi de taxer les importateurs d’hydrocarbures pour financer la transition, et d’assister les nouvelles sociétés publiques locales de distribution d’électricité, souvent communales, qui n’ont pas toutes les compétences requises.
En examinant la mise en œuvre du Plan de transition énergétique 2015-2030 et les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie, la Chambre territoriale des comptes n’a pas vu la lumière au bout du tunnel.
L’objectif de 75% d’énergies renouvelables en 2030 est trop ambitieux. Tout comme l’était l’objectif de 50% du plan précédent, qui n’avait pas été atteint non plus. Chaque axe d’investissement présente ses propres difficultés. Les centrales hybrides envisagées pour les atolls nécessitent « accompagnement des communes pour assurer une maintenance et une exploitation de qualité. À défaut, les échecs de production d’électricité (par exemple à Ahe et Makemo) risquent de se reproduire. » En hydroélectricité, principal gisement d’énergie renouvelable, l’augmentation de puissance des installations existantes se heurte à la fin proche de plusieurs concessions, et les projets de nouvelles installations, tant publics que privés, « se sont heurtés aux oppositions des habitants ». Dernier espoir : des projets plus petits, finançables par le « Fonds Macron ».
Quant au SWAC, dont la Polynésie se vante dans les congrès internationaux, mais dont le seul exemple dans le domaine public reste le CHPF, « le potentiel de développement de cette technologie à plus grande échelle semble limité », écrit la CTC, puisque les études de faisabilité pour alimenter la zone urbaine de Tahiti ont montré dès 2020 la difficulté d’atteindre l’équilibre financier.
Des comportements qui ne changent pas
Alors qu’elle aurait du baisser, la consommation d’énergie a augmenté de 7% sur la période de contrôle. La réglementation thermique finalement adoptée en 2022 ne concerne que les constructions neuves, mais pas « la rénovation énergétique des bâtiments existants qui représente un potentiel important ». Mais surtout, note la CTC, le transport routier, qui est le premier poste de dépense énergétique, a augmenté sa consommation. Les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie restent à concrétiser, notamment l’implantation fermes solaires sur les terrains du Pays, qui finalement s’est contenté de lancer des appels à projets au secteur privé.
L’opacité et l’artificialité des prix de détail
La chambre territoriale des comptes ne peut que reprendre le constat, déjà fait par l’Autorité polynésienne de la concurrence, de l’opacité des « prestations locales » des importateurs d’hydrocarbures et sur le manque de contrôle par le Pays des justificatifs « sensiblement supérieurs aux indices de marché ». Résultat : une dépense publique de 5 milliards qui aurait pu être évitée.
Le soutien du Pays aux prix à la pompe via le FRPH, et des augmentations du prix de l’électricité insuffisantes pour couvrir les coûts de production alourdis par la hausse des cours mondiaux ont provoqué une « déconnexion » qui n’est pas durable : « L’accumulation de « dettes hydrocarbures » vis-à-vis du concessionnaire EDT/ENGIE pour la concession de Tahiti Nord risque de conduire à des augmentations au cours des prochaines années afin de rembourser ces coûts supportés par EDT/ENGIE, qui sont juridiquement dûs au concessionnaire. » Quant aux multiples casquettes du Pays – responsable de politique de l’énergie, autorité concédante et actionnaire du transporteur d’énergie – elles sont « susceptibles de générer des conflits d’intérêt ».
Ainsi, non seulement les Polynésiens n’échapperont pas à des hausses de tarifs, mais le maintien de tarifs artificiellement bas n’encourage pas les consommateurs à revoir leurs habitudes.
Des modalités de financement à réviser
Le fonds Macron de 7 milliards de Fcfp ne couvrira qu’une partie des investoissements nécessaires. Au nom de la transparence sur le coût de la transition énergétique, a CTC recommande au Pays de définir plus précisément les financements possibles, et d’envisager sérieusement « la mise à contribution du secteur des hydrocarbures » dans « une application du principe pollueur-payeur posé par le Code de l’environnement polynésien » alors que « c’est une politique inverse à ce principe qui a été mise en œuvre ces dernières années. »
Quatre recommandations
1 . Évaluer dès 2023 l’ensemble des dépenses afférentes à la politique de l’énergie 2. Compléter dès 2023 la programmation pluriannuelle de l’énergie par une identification précise des recettes envisagées 3. Étudier dès 2023 la mise à contribution des hydrocarbures au financement de la transition énergétique 4. Étudier dès 2023 les modalités de renforcement de l’assistance aux communes en complémentarité avec l’intervention des intercommunalités et autres formes de regroupements. |