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La CTC plaide de nouveau pour une cure d’amaigrissement de l’administration

Jean Luc Le Mercier, président de la chambre territoriale des comptes ©HC

La chambre territoriale des comptes a publié ce lundi son rapport sur la gestion des ressources humaines du Pays. Baisses d’effectifs « indispensables », renforcement des contrôles, effort de formation… Les magistrats enjoignent les élus à préparer l’emploi public à un « bouleversement incontournable » et leur reprochent une navigation à vue dans la dernière décennie. 

« Préoccupants », les constats de la chambre territoriale des comptes (CTC). Dans son rapport diffusé ce lundi, elle brosse un portrait peu flatteur de la gestion des quelques 8 000 agents employés d’une manière ou d’une autre dans les services du Pays et dans ses établissements publics. Un nombre « excessif », insistent les magistrats, pour qui les coupes dans les effectifs, notamment des catégories les moins qualifiées de fonctionnaires, est « indispensable à la qualité du service public et au développement économique de la Polynésie ». Le Pays a plusieurs fois mis en place des réformes dans ce sens, notamment entre 2012 et 2016. Mais elles seraient restées « superficielles », coïncidant seulement avec « la nécessité budgétaire du moment », pointe le rapport de 70 pages. La masse salariale du Pays et de ses établissements a continué se développer dans la dernière décennie (47 milliards de francs en 2018) et les effectifs se sont encore étoffé l’année dernière, atteignant 8 584 agents comme l’a montré le rapport social 2019 du gouvernement.

Beaucoup d’occasions ratées de faire des « économies de personnel »

Une administration pléthorique ? Pas partout. Dans le détail, les « surnombres sectoriels » côtoient « des sous dotations chroniques », s’étonne la chambre. Elle cite l’exemple de la direction des Solidarités, de la famille et de l’égalité (ex-DAS) où il manquerait 85 équivalents temps-plein, notamment des travailleurs sociaux. Ou l’absence d’une réelle direction juridique, qui pousse le Pays à avoir recours à une coûteuse sous-traitance. La CTC compte 351 millions de francs de prestations extérieures de conseil juridique et économique depuis 2010, dont plus de 250 millions pour les seules 4 premières années du mandat d’Édouard Fritch.

De mesures de rationalisation de l’administration ont pourtant souvent été prises. Mais pas toujours avec succès. Les plans de départ volontaires n’ont globalement atteint que 30% de leurs objectifs ces dernières années. Certaines fusions, comme celle de la DEP et la DES, devenues DGEE en 2014, n’ont pas accouché des « économies de personnels » qui pouvaient être espérées. Surtout, la transformation du service du personnel en DGRH la même année est restée inaboutie : la CTC insiste, parmi ses 11 recommandations, sur la nécessité de mieux doter cette direction générale des ressources humaines, « stratégique » pour piloter la fonction publique. Le Pays pourrait profiter d’une « opportunité » de réduire ses effectifs dans les années à venir, suggèrent les magistrats : 20% des agents rempliront les conditions d’ouverture des droits à la retraite d’ici 2023.

La « sous-qualification » mène au manque de « performance »

Au delà des effectifs, la chambre dénonce une « sous-qualification qui perdure » dans certains services dont la production est, par conséquent « peu performante ». Sont notamment cités le logement, l’agriculture, et l’action sociale. La CTC n’y va pas par quatre chemins : elle recommande la suppression, d’ici dix ans, des emplois de catégorie D (31% des effectifs des services en 2018) dans les 10 ans, sans augmentation du nombre d’agents de catégorie C (22%). Elle insiste en outre sur la nécessité d’augmenter fortement, et dès cette année, les crédits consacrés à la formation professionnelle des agents. L’enveloppe actuelle, évaluée à moins de 400 millions de francs, n’est « pas à la hauteur ».

Former et administrer : malgré les efforts d’informatisation, il est encore difficile pour le Pays de contrôler le temps de travail effectif de ses agents ou de gérer globalement leurs congés. D’autant que les organisations et « arrangements » (ceux de la DGEE sont particulièrement pointés du doigt) divergent d’un service à l’autre. La CTC appelle donc à centraliser « sans délai » et à investir davantage sur les systèmes d’information.

Élimination de certains « accès dérogatoires » et des statuts particuliers, révision en profondeur des très inégaux régimes indemnitaires, plus large ouverture des postes aux contractuels, limitation du temps de détachement des cadres État… Si les magistrats multiplient les préconisations c’est qu’ils regrettent que les élus gèrent « de façon pragmatique des problèmes lorsqu’ils deviennent bloquants, mais repoussent les réformes novatrices ».

Édouard Fritch défend son programme de modernisation de l’administration

Les rapports de la CTC sont rendus publics après de longs allers-retours entre les institutions. Ainsi, le président Édouard Fritch avait eu l’occasion de répondre aux observations des magistrats dès novembre 2019. Dans une lettre au président de la chambre, Jean-Luc Le Mercier, il prend acte du « constat mitigé » de la CTC qui passe un peu trop rapidement, selon lui, sur les progrès accomplis en matière de gestion des ressources humaines, un secteur « stratégique », ces dernières années. Il rappelle notamment l’effort de coordination entre différentes directions (DGRH, DMRA, DGEN, SIPF) pour la modernisation de l’administration, les débuts d’une gestion prévisionnelle des emplois et compétences, la mise en ordre des actions de formations et de recrutement… Surtout il interpelle sur l’effort d’informatisation, avec l’investissement dans un nouveau système d’information des ressources humaines, et la mise en place de plateformes en ligne pour le public (net.pf, Lexpol, te fenua, o’ini…). Enfin, il interpelle sur les nombreux progrès » en matière de santé, de sécurité au travail et d’emploi des travailleurs handicapés » et sur la « transformation profonde » des statuts de la fonction publique qui devait, assurait le président avant la crise, faire l’objet de débat dès cette année.

Défense et contre-attaque : Édouard Fritch dénonce certaines recommandations de la CTC, notamment la « réduction à 20% des effectifs la proportion d’agents affectés au fonctionnement courant des services » ou l’élimination des catégorie D. « Des préconisations de nature dogmatique, faisant fi des situations humaines et déconnectées de la réalité », tacle le président.