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La culture du cannabis pour sortir de la précarité

Alors que les affaires d’ice semblent un peu se calmer en ce début d’année, ce sont les affaires de paka qui reviennent à la barre. Pas des grosses affaires, mais qui pour certaines illustrent bien le marasme économique dans lequel se trouvent des familles qui se tournent alors vers la culture du cannabis pour vivre décemment. Parmi les affaires traitées ce mardi au tribunal, un trentenaire qui s’est lancé dans ce business pour faire vivre sa famille.

 En janvier, à Teva I Uta lors d’une opération de gendarmerie dans le cadre de la lutte contre la délinquance, les forces de l’ordre se rendent dans une servitude où une forte odeur les met en alerte. Une fois l’origine détectée, ils pénètrent dans la propriété et se trouve en présence de 127 pousses de 10 cm et 59 pieds d’une hauteur variant entre 1m et 1.20.

L’homme, un trentenaire, expliquera alors qu’il n’est pas consommateur mais qu’il s’est lancé dans le business dans un but lucratif et cela depuis huit mois. Et pour cause, il a cinq enfants à charge, dont un, handicapé par suite d’un accident de voiture et sa compagne en attente d’un sixième enfant qui ne travaille pas.

Revenus licites : 24 000 Fcfp par mois, illicites : 150 000 Fcfp

Ses seuls revenus honnêtes, proviennent de la pêche et ne lui rapportent qu’environ 6 000 Fcfp par semaine. Son point de vente de paka, situé à côté du magasin de la commune, lui rapporte quotidiennement 5 000 Fcfp. Le calcul est vite fait et les bénéfices lui permettent d’améliorer le quotidien de ses enfants.

Avant de se lancer dans le trafic de stupéfiants, il avait un emploi comme travailleur agricole. Un emploi duquel il s’est fait renvoyer suite à une demande de congé de trois jours qui lui a été refusée pour aider sa belle-sœur atteinte d’un cancer. Alors qu’il insistait, son employeur lui aurait dit « Si c’est comme cela, tu n’as qu’à rentrer chez toi et ne plus revenir ». Il n’a pas cherché à faire valoir ses droits, et a pris au pied de la lettre les propos de son patron.

À son casier, quelques condamnations pour vols, violences, et usage de faux (permis de conduire).

S’étonnant que l’on n’ait pas trouvé de matériel de conditionnement chez lui, le juge le soupçonne de planter pour le compte de quelqu’un. Ce que l’accusé niera.

La procureure réclame à son encontre huit mois avec sursis à la vue de sa situation, ce que son avocate saluera. « Pourquoi mon client s’est lancé dans la culture du cannabis ? C’est pour faire vivre sa famille. C’est une mauvaise idée et il en est conscient. Aujourd’hui il est revenu à la pêche, et la prison lui fait peur car il est seul à subvenir aux besoins de sa famille. Je remercie la procureure quant à ses réquisitions. » Le tribunal l’a condamné à 4 mois ferme avec possibilité d’aménagement de sa peine.

Les stupéfiants tournent aussi à Taututu

L’autre affaire se passe aussi à Teva I Uta, mais à pour cadre le centre pénitentiaire de Tatutu. Lors d’une fouille aléatoire des cellules, les services pénitentiaires ont mis la main sur 20 grammes de cannabis dissimulés dans un téléviseur. À la barre, l’homme amené sous escorte et qui purge une peine de 10 ans de prison, déclare avoir trouvé la drogue enveloppée dans du papier hygiénique, dans la salle de musculation de la prison.

On lui donne du paka en échange de menus services

« Je l’ai trouvé par hasard et je l’ai pris pour ma conso. » marmonne-t-il dans sa barbe. « Surprenant que quelqu’un ait oublié cela. » s’étonne le juge. « Si, si, je l’ai trouvé et je l’ai caché dans la télé. Je fais souvent ça. » rétorque le prévenu, qui toutefois en dit un peu trop. Ce que ne manque pas de relever le juge. « Où est ce que vous vous procurez le paka, d’habitude, puisque vous dites que vous le planquez souvent dans la télé ? » « C’est des amis en prison. », « Des amis de l’extérieur qui vous en amènent, ou des gardiens ? », « Des détenus. » « Et vous faites quoi en échange ? ». «Je nettoie les cellules. »

Évoquant son casier aux multiples condamnations pour vols, violences et un viol pour lequel il a pris 10 ans aux assises, le juge l’interroge sur son quotidien derrière les barreaux et sur ses éventuels projets de réinsertion. « Je reste dans ma cellule. Je ne suis pas de cours. » « Vous comptez faire quoi à votre sortie. » Il hésite, marque un temps de réflexion… « l’agriculture. »

Trois mois ferme requis

Pour la procureure de la République, si jusqu’à présent « Tatutu était préservée de l’introduction de stupéfiants, maintenant on s’aperçoit que ce n’est plus le cas. (….) S’il n’y avait plus de demandes, il n’y aurait plus d’offres (…) je requiers trois mois d’emprisonnement qui viendront se greffer à la peine qu’il purge actuellement. »

Pour son avocate, Me Rebeyrol, comme son client ne reçoit aucune visite, « j’imagine qu’il l’a effectivement trouvé. Il a déjà fait 20 jours de ‘mitard’ pour consommation de cannabis, cela donne à réfléchir. » Invoquant que cela fait sept ans qu’il est privé de liberté et que durant cette période on ne lui reproche que trois incidents, elle réclame « la plus grande clémence ».

Le tribunal a suivi les réquisitions du procureur et a condamné le détenu à trois mois ferme.

 

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