Puisqu’aucun programme officiel n’a encore été publié à l’heure où j’écris ces quelques mots, il est difficile pour moi d’analyser le fond des pensées de chacun. Ni un pamphlet économique, ni un manifeste politique, voici une fable en prose que j’ai écrite pour passer le temps, faire réfléchir, ou tout simplement la raconter à vos enfants.
« La fable de l’oiseau unique»
Dans un pays fort lointain, au delà des frontières du monde, au milieu d’un océan si vaste et si dangereux qu’aucun fou n’osait s’y aventurer, vivait un grand et unique oiseau. Ses plumes turquoises et sa coiffe toujours ornée de fleurs et d’étoiles en faisaient un majestueux volatile. En bas de son perchoir vivait un Lion. Sa crinière brillante de mille feux rappelait le soleil, il terrassait ses ennemis d’un coup de griffe sans autre forme de procès. Le Lion, roi de la jungle et des bas fonds, ne pouvait atteindre l’oiseau unique si haut perché. Alors malgré sa force et son charisme, il perdit son titre, moqué de ses sujets. Ce n’est pas pour autant que l’oiseau unique était un roi reconnu de tous, ni despote, ni méchant, il était juste trop près des cieux pour rester lucide.
Un jour, le Lion désavoué, eut l’idée de projeter une ombre chinoise grâce à la lumière de sa crinière, et tel un marionnettiste, contrôler ses anciens sujets. Cependant, l’ombre chinoise prit vie par magie. Cette ombre qui n’était que le reflet du Lion, voulu s’en défaire et devenir calife à la place du calife.
Alors, le Lion trahi, eut l’idée de s’associer à l’oiseau unique pour tuer sa propre ombre chinoise devenue trop puissante et incontrôlable. Mais lorsque l’eau s’allie avec le feu, il suffit d’attendre un peu pour que le résultat ne soit que fumée de vapeur.
Enfin, le Lion désespéré, eut l’idée de repartir à zéro, de prendre son bâton de pèlerin et soulever le peuple de ce pays si lointain, toujours sans succès.
En fait, à force d’acharnement pour la couronne royale, ils en oublièrent l’essentiel : les sujets. Après presque 10 ans de combat, ce si beau pays n’était que ruine. Des tranchées de guerres avaient remplacé les plages et les vallées, l’odeur putride de la mort avait supplanté les effluves des champs de fleurs et les ramages se sont transformés en ravages. Les sujets en famine voulurent se révolter, « ça suffit ! » s’écrièrent-ils. Mais haut perché, plus près des cieux que jamais, l’oiseau unique ne les entendit guère. Petit à petit, l’oiseau fit son nid. Et plus il montait vers les cieux, plus il risquait le sort d’Icare. Peu à peu, la haine et la cupidité commençât à prendre au corps les sujets qui eurent l’idée d’abattre ensemble l’oiseau unique, détruire cet anneau maléfique qui transforme à jamais les gens qui osent le porter : le pouvoir. C’est alors qu’ils décidèrent de prendre les armes à leur tour. Néanmoins, comment de simples sujets n’ayant aucune expérience de la chose pouvaient imaginer brûler les ailes de ce majestueux oiseau bleu, là ou même le Lion avait échoué. Un jour, un petit renard apparut, mi-ange mi-lutin, il apporta la solution aux habitants de l’île à coup de grandes phrases. « Seul le créateur peut détruire sa création », « Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt », « Mieux vaut mourir debout que de vivre à genoux ». A force de prophétie et de nostalgie, les sujets comprirent le dilemme qu’ils avaient à résoudre : Pour abattre l’oiseau unique, il fallait s’unir au lion malgré leur désaveux.
Ensemble ils écoutèrent le petit renard. En effet, à quoi bon essayer d’atteindre l’oiseau près des cieux, lorsqu’il suffit de détruire son perchoir. D’un coup de griffe, et montrant la seule chose qu’il avait de plus que les autres, le lion extermina par sa force le socle du pouvoir de l’oiseau unique. En tombant, le socle tua tous ceux qui se trouvaient en dessous. Le Lion reprit son trône tout seul, sans plus aucun sujet n’osant le défier, et il vécu heureux jusqu’à la fin des temps.
La morale de l’histoire : Il ne faut pas vendre la peau du lion avant que la fourmi ait travaillé tout l’été, sinon ni la cigale, ni la grenouille ne pourront survivre à la probité. Comme disait La Fontaine : « Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages: Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs, Tout petit prince a des ambassadeurs, Tout marquis veut avoir des pages. ». Mais les sujets, avaient-ils bien compris le message du petit renard ?
Citoyennement, Te aroha ia rahi.
Taimana ELLACOTT