L’IEOM a publié ce mardi une étude sur la santé de la filière perlicole en Polynésie. L’état des lieux dressé avant la crise du coronavirus montre, déjà, un secteur perturbé, et l’institut prévoit un « impact déterminant » de cette année 2020 qui s’annonce noire pour le secteur.
472 francs. C’était le prix moyen du gramme de perle à l’export en 2019. Un peu moins de 20 ans plus tôt, le même gramme valait 1 710 francs. Une chute vertigineuse – et surtout continue – qui illustre à elle seule toutes les difficultés que rencontre la filière en Polynésie. Les raisons de cette baisse des cours sont connues : « décalage » récurrent entre l’offre, qui a beaucoup progressé depuis la fin des années 90, et la demande, sensibilité importante du marché aux crises internationales et dépendance extrême à quelques pays importateurs (Japon, puis Chine)… « Une concurrence accrue, combinée à une contraction du marché global, pèse aujourd’hui sur le secteur », écrit l’IEOM, qui constate une baisse de valeur à l’export de 2,2% par an, en moyenne, entre 2000 et 2018.
Un contexte 2019 déjà difficile
Pour expliquer les résultats particulièrement faibles de 2019 (environ 5 milliards de francs de perles exportées), l’institut cite la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, la dévaluation du yuan, les mouvements sociaux à Hong Kong, où s’écoule désormais la majorité de la production. Claude Periou, directeur de l’IEOM, décrit un « contexte qui a fortement pénalisé le secteur ».
Comme le souligne l’étude, le Pays n’a cessé d’agir – et d’investir – pour aider et réguler la filière. Introduction puis multiples ajustements des droits à l’export (DSPE) à partir de 1993 pour maîtriser la production, contrôle strict de la qualité à partir de 2000, et jusqu’à la réforme de 2017, qui n’a pas fait l’unanimité chez les producteurs… « C’est un secteur très compliqué, aussi bien d’un point de vue technique que commercial, et qui est un peu laissé entre les mains de quelques opérateurs pas toujours faciles à canaliser » rappelle Claude Périou. Le Pays essaie de mettre de l’ordre et d’améliorer l’environnement réglementaire et financier, mais le travail n’est pas achevé ». Les réformes lancées durant cette mandature n’auraient « pas encore eu le temps de porter leurs fruits ». Bref, la crise du Covid-19 « arrive au plus mauvais moment ».
-80% au premier semestre
Car sans surprise, cette crise « aura un impact déterminant pour l’avenir » de la filière perle, si vitale aux Tuamotu – Gambier. Au premier semestre, « les exportations de perles brutes atteignent 450 millions de francs, soit 20% des valeurs générées un an plus tôt », note l’IEOM. Les fermes n’ont pas pu faire revenir leur précieux greffeur de Chine, les négociants ont perdu les clients de passage, et ont dû limiter les échanges internationaux… Mais surtout, le marché mondial est profondément fragilisé.
Malgré les aides spécifiques des autorités à la filière, « la plupart des acteurs devraient sortir fragilisés de la crise actuelle » et ont très peu de visibilité. D’après une enquête du Cérom mené en juillet, 9 professionnels sur 10 prévoient des pertes de chiffre d’affaires de plus de 20% en 2020, la majorité ne prévoit pas un « retour à la normale » (c’est à dire au niveau déjà bas de 2019) avant deux ans et près d’un tiers redoutent une cessation d’activité… Claude Périou, qui rappelle que le marché du luxe a prouvé par le passé sa résilience, ne veut toutefois pas se montrer fataliste. « Le secteur ne va sûrement pas se relever avec autant d’acteurs qu’avant, explique le directeur de l’IEOM. Mais ceux qui sauront se mettre sur des niches pourront s’en sortir ».
L’étude de l’IEOM trace au final la voie pour une filière qui n’en finit pas de trébucher. Il s’agit de finir la réforme de son modèle – y compris sur le plan écologique – quitte à y laisser quelques plumes, et ainsi être prête à reprendre son envol lors du redressement du marché mondial. Problème pour la Polynésie : les plumes en question peuvent peser lourd en termes d’emplois.
L’étude est disponible, dans son intégralité, sur le site de l’IEOM.
La filière perle en chiffres :
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