ACTUS LOCALESÉCONOMIE Télécoms : la guerre des opérateurs devrait (re)partir vers Paris Charlie Réné 2023-08-29 29 Août 2023 Charlie Réné © DR Vodafone cherche à faire tomber la délégation de service public de son concurrent Onati. S’il paraît un peu tard pour contester la convention elle-même, l’opérateur privé pourrait obtenir que le Conseil d’État se penche sur la validité de la loi du Pays qui a permis à l’OPT de mettre en place cette DSP sans publicité ni mise en concurrence. Les relations n’ont jamais été cordiales dans le secteur des télécoms, mais la guerre des opérateurs est montée d’un cran depuis la mi-2021. Premier casus belli : le débauchage, par Onati, du directeur général de Vodafone, Thomas Lefebvre-Segard. Sa décision, quelques mois plus tard, de « couper » l’accès de l’opérateur privé aux antennes de Vini à Raiatea ou Huahine n’a pas aidé à réchauffer l’ambiance…Vodafone avait contesté devant la justice, bien sûr, mais promettait surtout, en guise de contre-attaque, de sortir les « gros dossiers ». Et qu’importe si Thomas Lefebvre-Segard ait depuis été débarqué de la filiale de l’OPT. Ou que l’itinérance ait été rétablie aux Raromatai par la justice. Ces dossiers ont fait leur chemin et l’un d’eux se retrouvait sur la table du tribunal administratif ce matin. Attaque contre la structure même de l’OPT Pacific Mobile Telecom, société du groupe Moux qui exploite le réseau Vodafone, y poursuit en fait son minutieux plan d’attaque contre la structure même de l’OPT, qui en dépit de la séparation de ses activités, a choisi de concentrer dans les mains de sa filiale Onati à la fois des activités concurrentielles – la téléphonie mobile, où elle est en concurrence avec Vodafone, mais aussi Viti – et des missions de service public, dont la téléphonie fixe, et la régulation globale du réseau de télécoms. Des missions transférées par la maison-mère à la filiale grâce à une délégation de service public passée en 2019 sans publicité ni mise en concurrence aucune. C’est cette convention qui est dans le viseur de PMT-Vodafone, qui avait déjà demandé à l’OPT de lui en dévoiler le contenu. Il avait déjà fallu l’aide du tribunal administratif pour obtenir certaines pages manquantes. Mais cette fois l‘opérateur privé demandait tout bonnement l’annulation de la DSP. Ce premier recours a été rapidement écarté par le rapporteur public ce matin : Vodafone connaissait « a minima depuis 2021 » – et probablement bien avant « vu la taille du marché » – l’existence de ce contrat et les délais de recours ont été dépassés. Le Conseil d’État pave la voie Mais la filiale du groupe Moux avait déjà choisi une autre cible : une loi du Pays de décembre 2018, venue tailler un régime sur mesure à la restructuration de l’OPT. Le texte exclut en effet du cadre réglementaire rigoureux des délégations de service public les conventions passées entre les établissements du Pays à leurs filiales. C’est sur cette base qu’Onati a pu profiter de la DSP télécoms l’année suivante. Et c’est cette règle que Pacific Mobile Telecom veut désormais faire tomber. Certes, le conseil des ministres a omis de répondre à la demande de l’opérateur, formulée dès juin 2022, d‘abroger cette disposition de 2018. Mais le Conseil d’État a depuis pavé la voie à une contestation de ce « refus implicite ». Tout justiciable qui démontre un intérêt à agir peut s’adresser au tribunal administratif quand il estime qu’une loi du Pays n’est pas conforme à la Constitution, aux lois organiques, aux engagements internationaux ou aux principes généraux du droit. Le chemin est tracé donc, et le rapporteur public a conseillé ce matin aux juges de le suivre. Coup à trois bandes La magistrate rappelle que le Conseil constitutionnel a déjà censuré des règles nationales tendant à exclure de certaines obligations de formalités légales les relations entre structures publiques. Aussi les doutes de PMT-Vodafone sur la conformité de la loi de 2018 aux principes de « liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures » paraissent « sérieux ». Elle préconise donc un sursis à statuer du tribunal administratif, le temps que le Conseil d’État analyse cette conformité. Si les juges parisiens confirmaient que le législateur polynésien n’avait pas respecté ces « principes généraux du droit de la commande publique », le tribunal de Papeete serait compétent pour obliger le gouvernement à abroger la loi. La DSP d’Onati- et probablement d’autres – devrait alors, théoriquement, être réattribuée suivant des règles classiques de mise en concurrence. Difficile à imaginer que l’OPT laisse filer le service public des télécoms au privé. Et c’est toute l’organisation actuelle de l’office qui pourrait être remise en cause. Grand chamboulement en vue ? Début de réponse le 12 septembre. 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