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La jeunesse LGBT d’Océanie se donne rendez-vous dans une église de Tahiti

drapeau LGBT présidence

Le drapeau LGBT flottant sur la présidence lors de la journée mondiale contre l'homophobie en mai 2023. ©Présidence

L’association Cousins cousines organise, avec la fédération internationale Ilga, le premier forum pour la jeunesse LGBTQIA+ océanienne, début décembre à Papeete. Trois jours de rencontres et de discussions, en présence d’une vingtaine de jeunes militants des pays du Pacifique, pour les aider à se structurer, et entretenir la dynamique lancée l’année dernière avec la table ronde régionale organisée à Tahiti. Originalité de ce nouveau rendez-vous : c’est la communauté du Christ – l’église Sanito, particulièrement ouverte sur les questions de droits LGBT – qui accueillera les invités et une bonne partie des débats de ce forum.

« Talanoa ». Ce terme très employé à Fidji, Samoa ou Tonga mais aussi en Nouvelle-Zélande, désigne une méthode de dialogue « inclusive, participative et transparente », dans laquelle les participants racontent des expériences qui leur sont propres, pour faire comprendre leurs points de vue, leurs problèmes ou exposer leurs solutions. Un concept régulièrement utilisé dans le Pacifique dans la résolution de crise locales – y compris des crises politiques – et qui s’est exporté sur la scène internationale, notamment à l’occasion de la COP 23, pour améliorer la réponse des différents états aux changement climatiques. C’est ce processus de talanoa que l’association Cousins cousines veut mettre en œuvre à l’occasion du « premier forum pour la jeunesse LGBTQIA+ océanienne », qui aura lieu du 4 au 6 décembre à Papeete.

« On est à un moment où il faut montrer de la solidarité »

L’évènement, qui s’appuiera aussi sur l’antenne océanienne de l’Ilga, l’International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association, une fédération regroupant 1 900 associations dans le monde et qui travaille avec certains organismes onusiens, doit rassembler une vingtaine de militantes et militants des îles du Pacifique. Pendant trois jours de discussions, de rencontres et d’ateliers, ces jeunes de 18 à 30 ans des Cook, Fidji, Samoa, Samoa américaines, Tonga, Tuvalu, Nouvelle-Zélande, Australie et bien sûr de Polynésie française – représentée archipel par archipel – chercheront à « concevoir des plans d’actions et des projets concrets pour la promotion des droits et à l’intégration des identités LGBTQIA+ dans l’ensemble du Pacifique ». Et chercheront surtout à trouver le moyen de se structurer et d’échanger au long terme. « On est à un moment où il faut montrer de la solidarité, ne pas reculer sur nos droits, explique Karel Luciani, le président de Cousins cousines, qui rappelle que la situation des LGBT, malgré les avancées et dépénalisation récentes dans la région, reste précaire. On a par exemple, tout récemment, le gouvernement du Vanuatu qui a officiellement demandé aux ambassades d’arrêter tout soutien aux mouvements LGBT. Il faut qu’on s’organise face à ça, qu’on se structure. Et la Polynésie, même si la situation n’est pas parfaite ici, doit montrer qu’elle peut être fer de lance dans ce combat. »

Pour Cousins cousines, il ne s’agit donc pas seulement d’un séminaire, mais aussi d’entretenir une dynamique, un an après la table ronde régionale organisée avec l’aide du Pays, du Cesec et de l’UPF en novembre 2023.  Le consulat général d’Australie devrait encore une fois être partenaire, de même que le Pays et l’État, au travers du Fonds Pacifique et de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT. La visite au fenua, en février dernier, de Jean-Marc Berthon, ambassadeur français pour les droits des personnes LGBT, avait permis d’ouvrir de nombreuses portes et d’engranger des soutiens auprès des ambassades françaises dans le Pacifique.

Rendez-vous à l’église

Autre partenaire, plus étonnant : la communauté du Christ, qui assurera l’hébergement et la restauration d’une partie des invités, en plus d’accueillir les débats des 5 et 6 décembre dans son église de Tarona, à Fare Ute. Les Sanito se démarquent depuis déjà plusieurs années, parmi les églises chrétiennes, pour leur ouverture sur les questions LGBT. Après un référendum très largement favorable, l’année dernière, la communauté prépare pour les semaines à venir le premier sacrement de mariage homosexuel dans une église du fenua. La représentante sanito avait d’ailleurs tenu à « demander pardon » à tous ceux qui pour leurs orientations sexuelles avaient été « persécutés au nom du Seigneur », lors de la table ronde de 2023, à laquelle participaient aussi les églises catholiques et mormones. « J’avais envie de montrer aux Océaniens qu’en Polynésie française, on avait une communauté religieuse qui était de notre côté et qui était prête à accueillir un évènement comme ça, reprend Karel Luciani. Ça montre qu’il faut travailler avec tout le monde ».

Et le président de Cousins cousines compte bien continuer à travailler : l’année prochaine, le séminaire régional de l’Ilga devrait se tenir à Tahiti. L’ex-vice-présidente Éliane Tevahitua avait aussi exprimé la volonté du Pays, qui reste à confirmer depuis son départ du gouvernement, d’accueillir, en 2026, la grande Conférence du Pacifique sur les droits humains, l’orientation sexuelle, les identités de genre, l’expression et les caractéristiques sexuelles (PHRC / SOGIESC). Un évènement qui bénéficie d’importants soutiens internationaux, et dont la dernière édition, en mai dernier avait attiré près de 250 experts et représentants à Fidji.