Le PDG d’Air Tahiti Nui Philippe Marie a été « invité » à présenter ce vendredi à l’assemblée sa stratégie de redressement de la compagnie du Pays. Une audition demandée par la majorité Tavini, et notamment par son chef de file Tony Géros, qui estiment ne pas avoir pas assez d’informations sur le cap et les perspectives d’ATN. Des précisions qui sont présentées comme un préalable obligatoire au vote de la subvention d’équilibre à 3,2 milliards proposée par le gouvernement.
Pas question de signer un chèque en blanc. C’est, en substance, la position de la commission de l’Économie et des Finances à qui a été présenté mardi un projet de collectif budgétaire à 5 milliards de francs. Certains représentants, et notamment le président de l’assemblée Tony Géros ont regretté le manque d’informations transmis par l’exécutif sur le gros morceau de ce collectif : une subvention de 3,193 milliards de francs accordée à Air Tahiti Nui.
Des explications sur la subvention…
Difficile de dire, pourtant, que cette aide est une surprise : les difficultés financières de la compagnie du Pays – soumise à la concurrence très rude de plusieurs acteurs de poids sur ses lignes les plus rentables – sont connues de tous. Et le gouvernement a fait en sorte de les appuyer dans le rapport attaché au collectif : « la Sem ATN présente des résultats déficitaires depuis 2022 (- 2,9 milliards F CFP, puis -3,193 milliards en 2023 et un atterrissage de -3,8 milliards pour 2024), avec un total de 9,9 milliards F CFP de pertes dégradant les fonds propres de la société. Ainsi, sur la base des atterrissages communiqués, les capitaux propres de la société ont été estimés à – 526 millions F CFP, inférieurs à la moitié du capital social ». La subvention, qui s’appuie en partie sur une reprise de provisions constituées dans le budget primitif, a ainsi pour but, comme l’avait précisé Tahiti Infos « d’éviter que ces fonds propres deviennent négatifs à la fin de cette année », et ainsi rester dans les clous de la règlementation internationale aérienne, très rigoureuse sur ce sujet.
Warren Dexter, ministre des Finances, avait aussi pris soin d’expliquer le format choisi pour cette intervention. Avec 84,82% du capital – le reste étant divisé entre plusieurs actionnaires publics et privés, dont les plus gros, la Socredo, le groupe Wane ou Air Tahiti ont entre 3 et 4% des parts chacun – le Pays a déjà quasiment atteint le plafond de participation dans la société d’économie mixte, écartant l’option d’une recapitalisation sans apports extérieurs. Le montant, lui aussi, été cadré par la loi : pas supérieur au déficit arrêté en 2023, soit 3,193 milliards de francs.
… Mais pas de précision sur l’avenir de la compagnie
Mais ces explications n’ont pas pleinement satisfait les membres de la commission. Quid de la stratégie de la compagnie ? De l’horizon de retour à l’équilibre financier ? Du virage annoncé, lors du changement de PDG, par la présidence ? C’est Tony Géros qui s’est fait le plus entendre sur ces questions, et sur l’idée que le Pays ne devait pas renflouer si aucun cap n’était fixé. Moetai Brotherson est bien intervenu pour répondre à certaines interrogations, mais surtout pour promettre une meilleure information des élus après le conseil d’administration de la compagnie… qui devait se tenir l’après-midi même.
À la sortie de la réunion, le président du Pays avait bien présenté certains axes de travail : lifting des cabines, relance – et sursis – de la route vers Seattle et surtout concrétisation, d’ici trois mois d’un nouveau « partenariat » providentiel avec un autre transporteur… Sans précision sur la nature exacte de cette alliance et sur l’identité du nouveau coéquipier. Mais plus que des annonces forcément incomplètes vu le contexte concurrentiel, ce que demande la majorité Tavini – comme l’avait d’ailleurs déjà fait Nuihau Laurey, qui siège au conseil d’administration d’ATN – c’est une présentation en bonne et due forme de la stratégie retenue par la présidence et par le nouveau PDG qu’elle a choisi pour la compagnie du Pays.
« On veut être rassuré sur le fait que cette subvention va bien servir à remettre Air Tahiti Nui sur les rails », précise un élu bleu ciel. Philippe Marie est donc « invité » à Tarahoi ce vendredi midi pour présenter sa stratégie, mais aussi pour préciser le contexte des pertes de ces dernières années, l’état de la trésorerie de la compagnie ainsi que les perspectives 2025. une « audition » devant la commission de l’Économie et des Finances, mais aussi, probablement, une bonne partie des 57 élus qui peuvent tous être présents à la réunion. Le nouveau dirigeant va-t-il « passer sur le grill » de la majorité ? « Il y aura sûrement des questions, mais il s’agit seulement d’une session d’information », rassure un élu bleu ciel. Reste que cette information a été posée comme un préalable indispensable au vote de la subvention et du collectif, prévu lundi en plénière de l’assemblée.