Radio1 Tahiti

La Nouvelle-Calédonie et Fidji ouvrent leur ciel à Starlink

un kit de connexion Starlink, vendu environ 55 000 francs. L'abonnement de base coûte 6000 francs par mois pour la version résidentielle réservée aux particuliers. ©Starlink

Mercredi, le gouvernement calédonien a adopté un projet de loi qui doit permettre à des opérateurs comme Starlink ou Oneweb d’offrir des connexions satellitaires aux Calédoniens. Si le projet est validé, ce serait la fin du monopole sur les télécommunication extérieures de l’OPT-NC. Et Nouméa n’est pas la seule à bouger sur ce sujet : les autorités fidjiennes viennent d’accorder des licences de télécommunication à la firme d’Elon Musk.

Lire aussi : Starlink, OneWeb… À Papenoo, l’OPT et le gouvernement regardent vers les étoiles

Ce n’est pour l’instant qu’un projet de loi, mais sa validation en conseil des ministres mercredi a des airs de petite révolution pour les internautes calédoniens. Si le texte est validé par le Conseil d’État puis voté au Congrès à Nouméa, des opérateurs satellitaires pourront, courant 2024, proposer des offres commerciales sur tout le Caillou. Une grande ouverture donc, sur un marché des télécommunications internationales jusqu’à présent sous contrôle exclusif de l’OPT local. Comme en Polynésie, plusieurs fournisseurs d’accès internet se font concurrence en Nouvelle-Calédonie, mais tous sont dépendants du monopole de l’office et de ses câbles sous-marins, sur les flux de données entrant et sortant de l’archipel. Comme le rappelle le Nouméa Post, cette situation avait déjà été attaquée par des opérateurs privés, mais aussi par l’Autorité de la concurrence calédonienne. Mais l’OPT-NC, qui est aussi le seul opérateur de téléphonie sur le Caillou, avait à chaque fois obtenu la préservation de son monopole devant les tribunaux.

Starlink a déjà demandé une licence sur le Caillou

C’est donc des législateurs plutôt que des juges que pourrait arriver la brèche dans ce monopole. Le sujet est juridiquement complexe, et l’office calédonien peut encore espérer une invalidation du projet de loi à Paris. Si ça n’était pas le cas, et qu’il n’était pas enterré lors des débats parlementaires, le texte créerait sur le marché de l’internet un nouveau statut pour les fournisseurs d’accès terrestre – dont ferait partie l’OPT – et un autre pour les opérateurs satellitaires. “C’est la première fois que l’on modifie le code des télécoms pour ouvrir à la concurrence”, précise à NC la 1ere le membre du gouvernement en charge du numérique, Christopher Gygès. Il estime que les services de Starlink et de ses quelques 5 000 satellites basse-orbite, comme ceux de son concurrent européen OneWeb, vont profiter aux « habitants des zones blanches » mal couvertes par le réseau fibre optique toujours en développement. Bénéficier aux entreprises aussi qui pourront « compléter » leur service ou faire jouer la concurrence sur les prix et le débit. Profiter, encore, aux bateaux de passage, les paquebots de croisière notamment, qui doivent aujourd’hui couper leur connexion dans la ZEE pour ne pas violer le monopole. 

Les opérateurs satellitaires devront tout de même obtenir une licence de la part du gouvernement pour proposer leur service, et verser au passage une redevance au territoire qui y voit donc un intérêt fiscal. Starlink avait déjà déposé une demande voilà quelques mois, précise le gouvernement à NC la 1ere. Elle avait alors dû être refusée faute de cadre règlementaire adapté.

À Fidji, les satellites basse orbite comme « bouée de sauvetage » 

Le Caillou n’est pas le seul, dans la région, à avancer sur ce sujet des connexions satellitaires privées, qui, pourraient, à terme, éviter aux autorités publiques des investissements lourds dans des antennes ou des câbles… au prix d’une perte de contrôle sur les télécoms. Plusieurs pays ont déjà choisi cette voie et autorisé les « kits de connexion » à environ 55 000 francs proposés par Starlink (en plus d’un abonnement). Ou ceux de OneWeb, qui a choisi la Polynésie pour installer un « téléport » de 18 antennes, et faire le relais avec sa constellation. Dernier pays à avoir cédé aux sirènes des satellites : Fidji, qui vient d’accorder à Starlink une licence de télécommunication et des autorisation d’utilisation de fréquences.

Le service proposé par la compagnie d’Elon Musk et qui compte plus de deux millions d’utilisateurs autour du monde, serait une « bouée de sauvetage pour des pays géographiquement dispersés comme Fidji », commente Islands Business. « Avec une faible latence, des vitesses élevées et une configuration plug and play simple, les connexions par satellites à orbite basse deviennent rapidement la technologie de choix pour les nations insulaires et les zones géographiquement clairsemées », estime le magazine.

Pas de révolution à l’horizon au fenua

En Polynésie, la connexion internet satellitaire privée est toujours prohibée et certains se sont vus refuser, à la douane, l’importation des petites antennes en kit vendues par les nouveaux opérateurs. L’OPT-PF mène tout de même des discussions avec OneWeb – installé sur son site à Papenoo -, et envisage d’en ouvrir avec Starlink pour utiliser leur service dans les îles éloignées, celles qui ne sont pas connectés au réseau de câbles sous-marins très haut-débit. Les contrats avec l’opérateur historique, Intelsat, se terminent en 2026 et ses satellites à orbite haute ne font pas le poids, niveau fiabilité, débit et coût, face à la myriade de minisatellites déployé en orbite basse ces dernières années. Mais l’Office souhaite contracter elle-même avec ces opérateurs et donc conserver son monopole sur les télécommunications extérieures.

Des voix se font déjà entendre depuis longtemps pour remettre en cause ce contrôle exclusif de l’établissement public. Et certains comptaient sur le gouvernement Brotherson pour ouvrir le ciel. L’exécutif est finalement partagé : le président a déjà promis des « évolutions » en la matière, mais de manière « raisonnée ». En clair, l’ouverture complète du marché à Starlink et aux autres n’est pas d’actualité. Principale raison : préserver les finances et les capacités d’investissement de l’OPT, qui a beaucoup fait progresser les connexions extérieures et les liaisons interîles avec ses câbles sous-marins ces dernières années. L’ouverture de ce marché stratégique serait une secousse importante dans son modèle financier. Un risque pour l’établissement public qui a accusé l’année dernière une perte record de plus de 2 milliards de francs.